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La partition de l’Empire carolingien (843), matrice du royaume de France et du Saint-Empire !

Une jolie carte ancienne de la redéfinition des frontières établies par le traité de Verdun de 843, qui entérine la partition de l’Empire carolingien entre les trois petits-fils de Charlemagne. Cette division en trois grands blocs territoriaux de l’Empire fondé par Charlemagne va constituer la matrice de l’Europe médiévale et de ses superpuissances.

En effet, la partition de l’Empire carolingien va aboutir à la constitution de deux « super États » dont l’existence va structurer l’Europe durant près de huit siècles : le royaume de France (qui se constituera à partir de la Francie occidentale – la partie ouest de l’ancien Empire carolingien) et le Saint-Empire romain germanique (fondé sur la base de la Francie orientale et de la Lotharingie – les parties centrale et est de l’ancien Empire de Charlemagne !). Voyons donc un peu cela en cartes !

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L’expansion de l’Empire franc (481-814)

L'expansion de l'Empire franc (481-814)

Une jolie carte détaillant les différentes grandes phases de l’expansion de l’Empire franc (c’est-à-dire du royaume des Francs), du nom de cette tribu germanique qui migra dans le centre des territoires de l’actuelle France durant les Grandes invasions qui signèrent la chute de l’Empire romain.

Une tribu des Francs qui s’établit ainsi dans la région du bassin parisien et y fonda un nouveau royaume qui en quelques siècles, au gré des conquêtes et des vassalisations, s’apprêterait à devenir le plus important et le plus puissant de toutes les régions de l’actuelle France.

L'expansion de l'Empire franc de Clovis à Charlemagne (481-843)
Carte animée représentant l’expansion de l’Empire franc, de Clovis à Charlemagne.
(© YemeniteCamel, via Wikimedia Commons)

Un Empire franc dont les rois descendants deviendront peu à peu les acteurs fondateurs et centralisateurs de ce qui deviendra désigné comme le puissant « royaume des Francs » (et au tournant du premier millénaire, le « royaume de France » – appelé à devenir la plus grande puissance continentale d’Europe, ainsi qu’une des premières puissances mondiales).

L'expansion de l'Empire franc sous Charlemagne
Une belle carte montrant la formidable expansion que connaîtra l’Empire carolingien durant le règne de Charlemagne (758-814)

Quand la partition de l’Empire carolingien générait la constitution du Saint-Empire romain germanique (982-1806)

Le traité de Verdun, qui scinde l’immense Empire constitué par le roi franc Charlemagne entre ses trois fils, va aboutir à la fondation d’un « super-État » appelé à une grande postérité et longévité : le Saint-Empire romain germanique. Mais arf, expliquer simplement et rapidement ce qu’était le Saint-Empire romain germanique, quelle punition pour en avoir parlé… ! Nous pourrions commencer par rappeler les célèbres mots de Voltaire soulignant que le Saint-Empire n’était « ni romain, ni germanique, ni même un empire » … mais sommes-nous guère plus avancé ? (encore que…)

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Ce qu’était (et n’était pas) le Saint-Empire romain germanique

Pour faire simple, le Saint-Empire était une sorte d’institution d’Europe centrale ayant existé entre 962 et 1806 (date de sa dissolution par Napoléon – nous y reviendrons), et ayant pris des formes diverses durant ses près de mille années d’existence. Ayant englobé des régions aussi variées que les Pays-Bas, l’Autriche, l’ouest de la Pologne, la Bohème, le Nord de l’Italie, et peu ou prou tous les territoires de l’Allemagne actuelle, le Saint-Empire n’en était pas pour autant un État ou même une fédération d’États. Nous pourrions davantage le voir comme un « club », quelque chose entre une fédération et une institution liant, au travers d’intérêts et accords politiques et militaires, tout un ensemble de petits à grands États du centre de l’Europe (situés globalement entre la France et la Pologne actuelles).

La fondation du Saint-Empire résulte plus ou moins directement de la partition du vaste Empire carolingien entre les trois fils de Charlemagne ; partition entérinée par le célèbre traité de Verdun de 843. On peut le voir comme la volonté de l’Église de redonner corps au principe d’existence d’un « Empire romain d’Occident », après l’effondrement de celui-ci au Ve siècle au moment des « Grandes Invasions ». Si Charlemagne avait déjà été sacré « Empereur » par le Pape en l’an 800 – rétablissant ainsi le principe d’un « Saint-Empereur romain d’Occident », les troubles que connaissent la partie occidentale de son ancien empire (la « Francie occidentale ») autorise le germain Otto Ier (roi de Francie orientale) à être couronné en 962 Saint-Empereur romain germanique par le Pape, fondant ainsi ce qui constituera durant près de 1 000 ans la plus importante monarchie d’Europe. Le Saint-Empire connaîtra son apogée au début du XIIe siècle, à l’époque de la dynastie Hohenstaufen (apogée territoriale correspondant à la carte observable ci-dessus, et où figurent également les territoires du royaume de Sicile).
Alphathon, via Wikimedia Commons)

Tous les différents États du Saint-Empire (qui en comptait des centaines et des centaines !) participaient à l’élection de leur « Empereur » (empereur dont le titre, certes prestigieux, ne s’accompagnait à vrai dire que de peu de pouvoirs réels – et était ainsi surtout honorifique).

Je renvoie les intéressé(e)s de davantage d’informations sur la guerre de Trente Ans et son histoire vers, une fois n’est pas coutume, la remarquable chaîne Sur le champ et son excellent épisode sur le sujet !

En cas d’attaque de l’un de ses membres, chaque État demeurait libre de décider de sa contribution à la défense de l’Empire : envoi de troupes, concours financier,.. (voire aucun des deux), ce en vertu d’accords établis directement entre l’État concerné et la Couronne impériale. Car en effet – et c’est là toute la singularité de la chose sainte-impériale, les États du Saint-Empire demeuraient des États indépendants, qui décidaient de leur propre politique extérieure, adossée à leur propre organisation militaire, et selon leur propre système légal. Et force est de constater que ces énergies se virent historiquement moins orientées vers l’extérieur que vers l’intérieur-même du Saint-Empire, théâtre de nombreuses guerres au cours des siècles (et notamment de la grande guerre de Trente Ans, la plus terrible série de conflits armés des célèbres « guerres de religion » qui embrasèrent l’Europe du XVIIe siècle ; une guerre de Trente Ans d’ailleurs considérée comme la première « Der des Der » par ses contemporains).

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Un acteur géopolitique de premier ordre, qui pesait dans le jeu européen et avec lequel il fallait compter

Ce faisant, et malgré l’existence de 350 principautés allemandes au sein du Saint-Empire, il ne faut pas en tirer la conclusion pour autant que ce dernier ne constituait pas une réalité géopolitique avec laquelle il fallait compter au XVIIIe siècle. En effet, dans la mesure où la Diète du Saint-Empire (son organe politique central) a le droit de déclarer la guerre et de signer la paix, le Saint-Empire continue d’incarner un acteur central des relations internationales, et pèse toujours considérablement dans le jeu politique européen. Si la plupart de ses principautés (États membres – Autriche, Bavière, Saxe, Prusse, etc.) bénéficient de leur propres armées permanentes, l’Empire germanique dispose également de sa propre armée : l’armée des Cercles, composée de contingents fournis par les différents princes (généralement ceux des Petits États peu à même de se défendre par eux-mêmes). Le Saint-Empire dispose également d’une politique commune, portée par l’Empereur et représentée à l’étranger par ses différents résidents et ambassadeurs. Aussi ses différents États membres, s’ils gardent la latitude de pouvoir développer des politiques diplomatiques autonomes (comme les y autorisent les traités de Westphalie), doivent-ils s’inscrire en conformité avec cette dernière, au risque de voir leurs dirigeants mis au ban de l’Empire (une déclaration de guerre officielle de la Diète par exemple, oblige les princes concernés à rompre avec la puissance étrangère devenue l’ennemi commun, sous peine d’exil et de spoliation de leurs biens patrimoniaux).

Avec la Diète de Ratisbonne, l’Empereur, à condition de respecter les usages et les libertés germaniques, possédait encore une réelle autorité et un prestige certain, tant à l’étranger qu’auprès de ses vassaux et de ses arrière-vassaux. Sans dignité impériale, la monarchie [autrichienne] n’était plus qu’une puissance moyenne d’Europe centrale, guère plus prestigieuse que la Prusse ou la Pologne. […] Ratisbonne demeure un haut lieu de la diplomatie et de l’espionnage européens et la France ne manque d’y accréditer un représentant, souvent un diplomate talentueux. […] Le gouvernement français ne se contentait d’ailleurs pas d’envoyer des représentants à Vienne, auprès de l’Empereur […] et à Ratisbonne auprès de la diète germanique, il se faisait représenter dans la plupart des capitales allemandes.

Jean Meyer et Jean Béranger, La France dans le monde au XVIIIe siècle, 1993, pP. 34,35 et 161

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Un Saint-Empire aux mains de la dynastie des Habsbourg depuis le XVe siècle

Bien que constitué en premier lieu de centaines de petits États allemands, l’histoire contemporaine du Saint-Empire a beaucoup à voir avec celle de l’Autriche et des Habsbourg. Cette grande maison souveraine originaire de l’actuelle Suisse allemande (et qui règne depuis la fin du XIIIe siècle sur le puissant duché autrichien), est en effet connue pour son arrivée à la tête du Saint-Empire en 1452 – date à partir de laquelle la lignée des archiducs d’Autriche occupera ensuite continuellement le statut d’empereur de la superstructure européenne.

Cette grande famille habsbourgeoise (à laquelle nous consacrerons un encadré propre un peu plus loin), en plus de ses autres possessions européennes, règnera durant près de quatre siècles sur le Saint-Empire ; période où elle aura à gouverner (et à survivre) à tout un ensemble de grands événements sociaux et politiques qui affecteront structurellement l’Empire germanique (Peste noire et la crise démographique et économique considérable qu’elle génèrera dans l’Europe entière, Réforme et naissance du protestantisme, guerres de religion, naissance du capitalisme dans les cités hanséatiques et de l’Italie du Nord,…).

Zoom sur : trois siècles d’intense rivalité franco-habsbourgeoise

De la fin du XVe siècle au début du XIXe siècle, l’Europe a, pour ainsi dire, vécu dans la rivalité entre la maison des Habsbourg et les monarques Bourbons au pouvoir en France depuis Henri IV. Première puissance européenne à partir du milieu du Moyen-Âge – et qui alors ne manquait déjà pas d’ennemis proches (Angleterre, Sarrasins,…), le royaume de France a en effet souffert, durant tout la période de la Renaissance et de l’Ancien Régime, de l’émergence et montée en puissance de cette nouvelle grande puissance continentale qu’a incarnée la famille royale des Habsbourg.

Durant plus de cinq siècles (c’est-à-dire du Haut Moyen-Âge jusqu’à la dissolution de la monarchie après la Première Guerre mondiale), les Habsbourg ont en effet dirigé un Empire expansif et évolutif. Un Empire qui comprit, à plusieurs reprises, l’immense Saint-Empire romain germanique, le stratégique Empire espagnol (et ses riches colonies), ainsi que plus durablement, les grandes régions de l’Europe centrale correspondant à l’Autriche, la Bohême et la Hongrie (et qui constituaient l’épicentre de son territoire et de son pouvoir).

Dès le milieu du XVIe siècle (1547), la maison des Habsbourg règne déjà sur un empire considérable ! Pays-Bas Espagne, Italie, Sicile, Sardaigne, Croatie, Autriche, Bohème, Moravie, Hongrie, Pologne, Roumanie, Franche-Comté.. : autant de régions ou pays actuels alors possessions patrimoniales de la plus puissante famille royale d’Europe, dont le pouvoir et la richesse croissantes ne pouvaient ainsi qu’inquiéter le grand royaume de France..

Ce faisant, en plus de détenir les terres héréditaires autrichiennes, la dynastie des Habsbourg a régné sur les Pays-Bas (1482–1794), l’Espagne (1504–1700) et le Saint-Empire romain germanique (1438–1806). Un palmarès d’autant plus impressionnant et remarquable que la plupart de ces territoires ne furent pas historiquement conquis par la guerre, mais par la diplomatie et le mariage – comme en témoigne bien d’ailleurs la devise royale des Habsbourg :

« Que les autres fassent la guerre, toi, heureuse Autriche, contracte des mariages,
Car les royaumes que Mars donne aux autres, c’est Vénus qui te les assure » (traduction).

JUAN CARLOS D’AMICO, ALEXANDRA DANET, « 1. Les Habsbourg : une maison autrichienne cosmopolite » (DANS CHARLES QUINT (2022), pages 17 à 23).

Un autre excellent « Épisode d’Histoire » consacré à la rivalité franco-habsbourgeoise, et aux raisons pour lesquelles la France l’a finalement emporté sur son adversaire pluriséculaire depuis François Ier et Charles Quint… !

Si la puissance habsbourgeoise relèvera moins (à la différence de la France) d’un grand royaume centralisé et unifié, que d’une vaste mosaïque de possessions territoriales à la géographie fluctuante, le visionnage d’une simple carte suffit à éclairer l’inquiétude que l’Empire Habsbourg pouvait susciter chez les monarques du royaume de France. En effet, il convient de souligner combien les possessions séculaires des Habsbourg (Autriche, Espagne, Pays-Bas, Allemagne, Italie du Nord,…) avait cette fâcheuse caractéristique de se positionner en situation d’immédiat voisinage avec la France des Bourbons (voire à l’intérieur-même des frontières considérées comme « naturelles » du royaume, dans les cas par exemple de la Lorraine et de la Franche-Comté). Une France à qui l’expansion des Habsbourg en Europe occidentale donnera donc vite le sentiment de se retrouver encerclée, ne manquant pas de conduire ainsi à des siècles de tensions frontalières entre les deux puissances.

De 1514 à 1795, les anciens territoires bourguignons des Pays-Bas (l’une des régions les plus riches et les plus stratégiques d’Europe) appartiendront successivement aux branches espagnoles puis autrichiennes des Habsbourg, contribuant sensiblement à la sensation d’encerclement de la France. Traditionnelles alliées de la Grande-Bretagne, et indépendantes à partir de la fin du XVIIe siècle, les territoires des Provinces-Unies (actuelle Hollande) maintiendront par ailleurs leurs liens avec la dynastie autrichienne, qui leur autorisera ainsi la garnison de nombreuses forteresses (appelées la « Barrière ») visant à prévenir toute invasion du grand voisin français…

Au-delà de cette guerre des frontières, la rivalité entre la France et les Habsbourg se nourrit aussi profondément du désir de chacun de dominer l’Europe. Une volonté d’hégémonie continentale des deux puissances aux racines de conflits aussi variés que la guerre de Succession de Bourgogne (1477-1482), les guerres d’Italie (1494-1559), la guerre de Trente Ans (1618-1648), la guerre de Neuf Ans (1688–1697), et durant le XVIIIe siècle, les guerres de succession d’Espagne (1700–1713), de Pologne (1733–1736) puis d’Autriche (1740–1748).

Cette rivalité franco-habsbourgeoise fut en outre longtemps couplée pour la France à celle que cette dernière entretenait parallèlement avec l’Angleterre – la plus structurante et la plus ancienne de tous pour le Continent. Une situation de double-rivalité pour la France qui structurera ainsi durant des siècles la géopolitique européenne et le jeu des alliances, l’Autriche des Habsbourg et l’Angleterre constituant ainsi de la fin du XVe siècle au début du XIXe siècle les plus traditionnels alliés de chaque guerre continentale impliquant la France (en même temps que les plus fidèles ennemis et obstacles à la tentation – et souvent situation – d’hégémonie continentale de cette dernière !).

Au début du XVIIIe siècle, bien qu’elle ait réussi à le grignoter ici et là de ce qu’elle considère comme faisant partie de ses territoires « naturels » (Artois, Charolais, Roussillon, Franche-Comté,…), la France continue sans surprise de se sentir encerclée et menacée par l’Empire Habsbourg, qu’elle ne manque pas une occasion d’essayer d’affaiblir… !

Si ces événements (Peste Noire, protestantisme,…) se traduiront par des dizaines de réformes qui amélioreront substantiellement son organisation, le Saint-Empire du XVIIIe siècle, malgré ses presque 30 millions d’habitants (faisant de lui la première puissance démographique d’Europe), demeure une mosaïque d’États morcelés, peu lisible, et traversée par de profondes rivalités, toujours plus prégnantes au fil des siècles (particulièrement entre les grandes puissances continentales et régionales qui le composent – Autriche, Bavière, Saxe, Prusse, Hanovre,…).

Carte du Saint-Empire romain germanique à la veille de la Révolution française de 1789
Le manque d’unité et de cohésion du Saint-Empire (bien visible sur cette géographie de l’institution à la veille de la Révolution française de 1789) ont toujours rendu celui-ci extrêmement vulnérable aux invasions étrangères (particulièrement du grand voisin et rival français..).
ziegelbrenner, via Wikimedia Commons)

De sa fondation en 962 à sa dissolution en 1806, le territoire du Saint-Empire aura beaucoup évolué. Ayant au départ pour matrice le regroupement de deux des divisions de l’Empire carolingien (la Francie orientale et la Francie médiane – devenue ensuite la Lotharingie), le Saint-Empire connaîtra son apogée territoriale au XIe-XIIe, moment où il s’étend de la mer du Nord aux Etats pontificaux, et du Rhône à la Pologne. Après la perte de l’Italie au Moyen-Âge, le Saint-Empire se verra progressivement grignoté par la France, dont les rois s’emparent les uns après les autres des territoires impériaux limitrophes de leur royaume (Dauphiné et Provence à la fin du Moyen-Âge, puis Franche-Comté, Alsace et Lorraine à l’époque moderne). Il perdra également le contrôle des Pays-Bas à la suite de la création des Provinces-Unies en 1581, l’Empire se rétractant ainsi peu à peu sur les territoires de langue allemande.

Le crépuscule du Saint-Empire, et sa dissolution par Napoléon (1806)

Malgré sa formidable puissance (démographique, politique, économique), le Saint-Empire demeure ainsi un tigre de papier, totalement inéquipé pour faire face à une attaque directe. Et effectivement, le Saint-Empire ne résistera pas à l’expansionnisme d’une France républicaine puis impériale dirigée par un certain Napoléon Bonaparte. Consul puis Empereur des Français qui infligera ainsi à l’Empereur autrichien (dans le cadre des guerres de Coalitions) une série de grandes défaites au début des années 1800, avant d’appeler à une dissolution pure et simple du Saint-Empire – acceptée par l’Autriche et effective en 1806.

Bien qu’imposée par la France de Napoléon (et résonnant comme une grande révolution géopolitique dans l’Europe d’alors), la dissolution de l’institution européenne millénaire constitua probablement également une forme de soulagement pour l’Autriche – qui ne voyait plus de toute façon comment défendre cet imposant magma étatique. Délivré de la contrainte sainte-impériale, l’archiduc Francis Ier devient ainsi en 1806 l’empereur d’une Autriche désormais pleinement indépendante, et qui figurera jusqu’au bout l’un parmi les plus irréductibles ennemis des ambitions napoléoniennes (contre lesquelles elle jettera toute ses forces).

Au Saint-Empire succèdera, en Europe centrale, une nouvelle puissance dominante : la Prusse (future Allemagne) des Hohenzollern. Ancienne province du Saint-Empire devenue en à peine deux siècles, à force de diplomatie et de conquêtes, la nouvelle puissance hégémonique de la région (avec la Russie), supplantant ainsi l’Autriche et son demi-millénaire de domination du centre du continent européen au travers du Saint-Empire.

À la fin du XIXe siècle, l’Empire (le « Reich ») allemand succède à la Prusse, État dans l’État qui en demeure néanmoins aux manettes de toutes ses grandes composantes (politiques, économiques, et surtout militaires – l’aristocratie prussienne régnant en maître au sein de la puissante armée allemande..). Mais ceci est une autre histoire… 😉

Suite au traité de Verdun de 843 : 1 000 ans d’expansion du royaume de France (et d’évolution des frontières de la France)


Le Premier Empire : l’extension territoriale maximale de la France

Carte de l'Empire français en 1812 (zone Europe)
Une très jolie carte représentant l’Empire français (appelé a posteriori le « Premier Empire ») à son expansion territoriale maximale (c’est-à-dire en 1812, avant le début de la campagne de Russie).

Suite à la proclamation de Napoléon Bonaparte comme « empereur des Français » le 18 mai 1804, la Première République (créée une décennie plus tôt durant la Révolution française) devient ainsi officiellement le Premier Empire. Un Empire ainsi constitué des anciens territoires et possessions du royaume de France puis de la République française (intégrant donc l’empire colonial français et les conquêtes déjà réalisées durant les guerres révolutionnaires), ainsi qu’évidemment les conquêtes et annexions réalisées par la France durant les guerres napoléoniennes.

Ce que l’on appelle la période des « guerres napoléoniennes » (période allant donc de la fin de la Révolution Française et de la Première République à la chute du Premier Empire), se traduit en effet par d’intenses conflits et dynamiques d’invasion/annexion entre la France et ses voisins.

D’abord envahie de toute part en 1792 par une coalition de puissances voisines (Angleterre, Autriche, Espagne, Prusse, Russie, etc.) cherchant à rétablir la Monarchie française abolie par le mouvement révolutionnaire, la France, par l’intermédiaire de ses armées de citoyens volontaires ou conscrits, va ainsi parvenir à repousser l’ennemi jusqu’aux frontières, avant d’envahir ses voisins pour des raisons géostratégiques ou économiques.

En guerre quasi-permanente avec les grandes puissances rivales de la France sur le continent (Autriche, Prusse, Russie), qui formeront une succession de coalitions poussées et financées par l’Angleterre contre le général puis Empereur des Français, ce dernier, après l’ultime campagne et la victoire de Friedland contre les Russes, parvient à imposer ce qu’on a appelé la « paix de Tilsit » : un traité qui avalise la position de la France comme maîtresse de l’Europe, où la moitié du continent est directement ou indirectement sous son contrôle (via un ensemble de républiques dites « sœurs » – comme par exemple celle du royaume de Naples).

L’année 1812, juste avant le lancement de la campagne de Russie, correspond ainsi à l’apogée du Premier Empire bâti par Napoléon Ier, et à ce qui aura été l’extension territoriale maximale de la France (qui compte alors 130 départements.. !). Départements intégrant, en plus de ceux correspondant à la France d’aujourd’hui, l’équivalent de toute l’actuelle Belgique et Hollande, la côte nord-ouest de l’Allemagne, la Catalogne espagnole, le Piémont italien, ainsi que les anciens états pontificaux autour de Rome.

Carte des départements français en 1811 (la France en compte alors 130, sous un Premier Empire correspondant ainsi à son apogée d'extension territoriale)
Les 130 départements français des années 1811-1812

Après la défaite de Waterloo, la chute du Premier Empire et la Restauration de la monarchie en 1815, la France sera contrainte par la coalition des grandes puissances européennes de revenir à ses frontières (et départements) de 1792, qui correspondent à celles d’aujourd’hui à l’exception de la Savoie et du Pays niçois (qui seront annexés par la France durant le Second Empire en 1860). Mais ceci est une autre histoire… 😉

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Pour aller plus loin.. 🔎🌍

L’une des cartes de cet article n’évoque pas le terme de « Première guerre de Cent Ans » par hasard : de nombreux historiens parlent en effet de « seconde guerre de Cent Ans » pour qualifier la suite quasi-ininterrompue de conflits qui va opposer la France et la Grande-Bretagne tout le long du XVIIIe siècle, de Louis XIV à Waterloo. Une rivalité systémique pour la domination géopolitique de l’Europe, du commerce mondial et du monde colonial qui connaîtra notamment son paroxysme dans la grande guerre de Sept Ans (1756-1763), aussi méconnue du grand public que charnière dans l’histoire de l’Europe moderne !

Si le sujet de l’histoire européenne et du « grand XVIIIe siècle » vous intéressent, je vous oriente ainsi vers la découverte de cette riche série documentaire traitant de cet immense conflit, considéré par de nombreux historiens comme la première véritable « guerre mondiale » de l’Histoire. Un conflit qui débutera (et se propagera) en effet dans l’ensemble des empires coloniaux du monde, lui conférant ainsi une dimension planétaire et maritime inédite.

Une guerre constituant en outre le plus grand choc de l’intense conflit global qui opposera donc tout au long du XVIIIe siècle (plus exactement de 1688 à 1815) la France et la Grande-Bretagne pour la domination (de la mondialisation) du monde. Une passionnante série d’articles en forme de grande fresque historique, qui vous portera ainsi des Grandes Découvertes à la chute du Canada et des Indes françaises, et de la fondation des grandes empires coloniaux européens outremers et de la naissance de la mondialisation maritime et de la globalisation économique à l’émergence du capitalisme, du libéralisme et plus globalement d’un nouvel ordre mondial caractérisé par l’hégémonie planétaire britannique (sur les plans maritime, colonial, économique, culturel, géopolitique, etc.). Une grande série qui vous amènera aussi à mieux comprendre tant les racines de la guerre d’Indépendance américaine que celles de la Révolution française et des guerres napoléoniennes ; autant d’événements qui structureront décisivement notre monde contemporain !

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Et sinon, pour les intéressés et autres curieux, vous pouvez prendre connaissance de tous mes articles, (photo)reportages, récits de voyage, documentations et cartes liés plus globalement à l’histoire, à la géographie ainsi qu’au patrimoine (naturel, architectural, culturel,…) de la France (de l’Antiquité à nos jours), en consultant mes rubriques respectivement dédiées à ces deux domaines – notamment sa riche cartothèque (accessibles ici : catégorie « Histoire de France » et catégorie « Géographie de France »).

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