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Les épices et la « mondialisation » de l’époque moderne

Le phénomène de « mondialisation » que connaît le monde durant l’ère des Grandes Découvertes (exploration du « Nouveau Monde », développement des empires coloniaux, migrations et forte croissance du commerce à une échelle mondiale, explosion des échanges internationaux..) ne constitue pas une première dans la longue histoire de l’Humanité (la mondialisation étant ici entendu comme un processus de grand développement des échanges – économiques, culturels, de population,… – à l’échelle planétaire). Dès le IIe millénaire av. J.-C. en effet, une vaste zone commerciale reliait déjà les civilisations de l’Indus (sous-continent indien) au monde minoen (Crète et Grèce antiques), via les cités du célèbre Croissant fertile (Mésopotamie et Égypte antiques). Un phénomène qui, loin de péricliter, s’amplifiera même le millénaire suivant, avec la fondation de l’Empire perse, puis l’extension de la domination des Grecs sur la Méditerranée et le Proche-Orient antiques (on parle d’ailleurs alors de « mondialisation hellénistique » !).

Dans ce petit article extrait de ma grande série sur les origines de la guerre de Sept Ans (un conflit en forme de grand choc entre la France et l’Angleterre parfois considérée par les historiens comme la première véritable « guerre mondiale » de l’Histoire), je vous propose ainsi de revenir sur le concept et sur l’historicité du processus de « mondialisation » du monde, si caractéristique de notre époque moderne à laquelle il est toujours (trop) associé, oubliant que comme souvent dans l’Histoire, rien n’a été inventé de nul part (Nove sed non nova – « neuf mais pas nouveau », disait-on déjà au Moyen-Âge…). Bonne lecture !


Au milieu de l’Antiquité, déjà, la Planète enregistre ainsi des processus de mondialisation partageant de nombreux traits communs avec ceux que le monde connaîtra près de 2 000 ans plus tard durant la période des Grandes Découvertes : brassage des populations (avec des Grecs allant par exemple s’établir, suite aux conquêtes d’Alexandre le Grand, jusqu’aux actuels confins de l’Afghanistan), constitution d’une culture mondiale (avec une culture grecque tendant à s’imposer comme la culture universelle, et que tous les non-Grecs s’efforcent ainsi alors peu ou prou d’acquérir), intensification et mondialisation des échanges (avec la mise en place d’une proto-économie « mondialisée », qui voit notamment des Grecs installés en Inde confectionner des bouddhas qui seront exportés jusqu’au.. Japon !), multilatéralisme (via la constitution d’États plus ou moins égaux par leur taille et par leur force). Autant de dynamiques qui vont ainsi générer une certaine émulation culturelle et de nombreuses innovations techniques, et notamment une grande profusion de découvertes scientifiques (en particulier des mathématiciens grecs au sein de villes comme Syracuse – rythme de découvertes que le monde ne connaîtra pas à nouveau avant la Renaissance en Europe)

Durant tout le Moyen-Âge, en plus de l’Europe, de grands réseaux commerciaux continuent par ailleurs d’unir des régions extrêmement éloignées de la Planète : citons notamment la célèbre « route de la Soie », qui reliait continentalement la Chine à l’Europe à travers l’Eurasie ; un réseau terrestre vieux de plusieurs millénaires par lequel se propageront d’ailleurs historiquement de nombreuses connaissances et innovations (papier, pâtes, boussole, poudre à canon,…). Il y a aussi, sur le plan terrestre, le réseau transsaharien : une grande zone commerciale sous domination arabe via laquelle métaux précieux (or, argent,…) et esclaves transitent des régions de l’Afrique de l’Ouest vers le cœur du monde arabo-musulman (des routes commerciales qui joueront par ailleurs un rôle central dans l’islamisation de l’Afrique). Un monde arabe, également, ouvert et connecté sur le plan maritime avec l’Extrême-Orient via l’océan Indien, alors espace d’épanouissement d’un vaste réseau marchand, centré sur le commerce des épices (poivre, cannelle, clou de girofle, muscade, gingembre,…).

Les grandes routes et réseaux commerciaux au Moyen-Âge
Loin de l’idée d’une période obscure et fermée sur elle-même, le Moyen-Âge, dans la continuité de la période antique, est caractérisé par l’existence de nombreux échanges transcontinentaux entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique (comme en témoigne cette magnifique carte des routes et réseaux commerciaux au milieu du Moyen-Âge ; carte où l’on peut notamment remarquablement observer – parmi mille détails – la célèbre « Route de la soie » !).

C’est d’ailleurs précisément (parmi de multiples autres facteurs) le monopole du monde arabe sur les voies de commerce avec l’Orient (et l’Afrique), qui va pousser un certain nombre de grandes puissances navales européennes à l’exploration et la découverte de nouvelles routes maritimes. Jusqu’ici, les Européens se contentaient en effet globalement d’acheter à prix d’or les épices importés et transportés d’Asie par les riches marchands arabes (par l’intermédiaire des grandes républiques maritimes italiennes de Gênes et de Venise, qui s’étaient faites ainsi la spécialité de ce juteux commerce en Méditerranée). Une situation que quelques puissants États et audacieux navigateurs s’apprêtent néanmoins à totalement bouleverser au tournant du XVe siècle..

Lieu d'origine de plusieurs grandes épices
Très appréciées et recherchées au sein de l’Europe médiévale, les épices (et l’accès direct à leur commerce) constitueront l’un des principaux moteurs de l’exploration maritime européenne, tout particulièrement des Portugais, qui seront les premiers à atteindre ceux que l’on appellera ensuite les « Indes orientales » (sous-continent indien, péninsule indochinoise et Indonésie) et à y établir un premier réseau de comptoirs commerciaux via les côtes africaines. Les Espagnols, seconds grands acteurs de la première vague d’exploration maritime européenne, chercheront quant à eux à trouver de nouvelles routes vers les Indes et ses épices par l’Ouest, et y découvriront finalement l’Amérique.. (et bien d’autres richesses imprévues..)

Zoom sur : une Europe sous perfusion des métaux précieux des Amériques durant l’époque moderne

Un historien de l’économie hollandais rappelait cette vérité peu appréhendée : durant toute l’époque moderne, tous les revenus financiers dégagés par les Européens n’ont peut-être eu pas d’autre but que celui-ci : « s’offrir le ticket d’entrée au marché asiatique ». L’Europe, d’Alexandre le Grand aux compagnies des Indes, a en effet toujours été fasciné par les richesses de l’Asie, qui constitua jusqu’au XVIIIe siècle la première économie du monde (la région où la production mondiale de richesses était la plus importante en proportion). D’une certaine façon, la stratégie européenne du XVe siècle au XVIIe siècle n’a ainsi consisté qu’à chercher à accéder à cette « part du gâteau », et de ramener ce dernier en Europe.

En 1453, la chute de Constantinople (et avec elle de l’Empire byzantin) fait définitivement tomber la Méditerranée orientale sous le contrôle des Ottomans, verrouillant ce faisant la route orientale de l’Asie. Grande consommatrice d’épices depuis le Moyen-Âge, l’Europe n’a alors d’autre choix que de chercher à s’ouvrir de nouvelles routes vers les « Indes » par les mers, en contournant l’Afrique sous domination ottomane et en tentant la route de l’Ouest. Dès la fin du XVe siècle, les navigateurs portugais parviennent à atteindre les côtes du sous-continent indien et y fondent les premiers comptoirs européens, à mêmes d’y acheter et acheminer directement les précieuses épices en court-circuitant les marchands arabes de l’océan Indien. Problème : en échange de leurs épices, les marchands indiens (de même que les chinois en échange de leur soie et porcelaines) ne sont intéressés que par les métaux précieux. Les Indiens, notamment, ne souhaitent vendre leurs productions qu’en échange de lingots d’argent. Les Européens vont donc avoir besoin de tonnes d’argent (le métal) pour pouvoir s’acheter leur précieuses épices en Asie.

Cette réalité donne peut-être un tout autre sens à l’exploitation minière des Amériques. De façon générale, à partir du début du XVIe siècle, les Européens se mettent massivement en quête de métaux précieux. Toutes les mines d’argent d’Europe sont exploitées à plein régime, et l’importance vitale du métal pour le commerce avec l’Asie favorise l’essor de petites mines qui n’étaient guère rentables jusque ici (comme celles du Val d’Argent dans les Vosges par exemple). À cette époque, la plus importante mine d’argent du continent européen est celle de Schwaz, en Autriche, où travaillent jusqu’à 11 000 ouvriers et d’où sera sorti à un moment près de 85% de l’argent mondial. La plaque tournante du commerce de métaux précieux, support de celui des épices, devient la ville d’Anvers, que les Portugais ont érigée comme principal port de revente des épices qu’ils ramènent désormais en masse d’Asie (choix qui s’explique par le fait que l’Europe nordique et centrale constitue, à cette époque, le principal débouché de ce commerce, comme l’ont montré les travaux de l’historien Fernand Braudel).

À partir des années 1550 toutefois, la saturation du marché mondial causé par la production des mines espagnoles d’Amérique entraîne le déclin de la plupart des grandes mines d’argent d’Europe. Lors de leur conquête du continent sud-américain, les Espagnols se sont en effet emparés des trésors des Empires inca et aztèque, mais surtout de leurs mines, en particulier celle du Potosi, dans l’actuelle Bolivie. Désormais exploitée à grande échelle, la montée en puissance de cette dernière est spectaculaire. Entre 1560 et 1580, les mines du Potosi produisent près de 240 tonnes d’argent en moyenne par an, inondant le marché européen. Le métal alimente les caisses de la Couronne espagnole et est utilisée comme monnaie d’échange par ces derniers en Asie, dans une sorte de commerce triangulaire qui voient les Espagnols acheter soies et porcelaine de Chine contre l’argent des Amériques, puis revendre les premières en Europe. L’argent des Amériques alimente plus globalement l’ensemble de l’économie européenne, et est utilisé par les différentes puissances maritimes (Portugais puis Hollandais en particulier) pour l’achat des épices aux Indes.

Lingots d’argent du haut Pérou, trouvés dans l’épave de la Nuestra Señora de Atocha coulé dans une tempête en 1622. Ces derniers constituaient la principal monnaie d’échange des marchands européens en Inde et en Chine contre les épices.

Les flux de métaux précieux entre l’Amérique et l’Europe d’une part et l’Amérique et l’Asie d’autre part vont favoriser l’essor de la piraterie et des corsaires dans toutes les mers, où les convois de métaux espagnols constitueront longtemps les cibles privilégiées. Vers la fin du XVIIe siècle cependant, la grande mine espagnole du Potosi enregistre un sérieux déclin, difficilement compensé par la montée en puissance d’autres sites tant l’énorme production de la mine bolivienne avait éclipsé et découragé l’exploitation d’autres sites miniers. L’autre grande exploitation minière du continent, celle du Mexique, enregistre également une stagnation puis baisse de sa production à la même époque. Cette rareté des métaux précieux stimulent l’activité corsaire, dont celle des fameux corsaires malouins, qui pillent allègrement les villes côtières espagnoles. La tendance croissante des guerres européennes à s’étendre et se répercuter dans le monde colonial concoure également à perturber le précieux commerce. Les nombreux conflits militaires de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle entre grandes nations européennes, en particulier ceux de la Ligue d’Augsbourg puis la guerre de Succession d’Espagne, vont ainsi beaucoup désorganiser les circuits commerciaux.

Les flux de métaux précieux entre la Nouvelle-Espagne et l’Europe susciteront durant des siècles bien des convoitises. L’argent constitue alors la base de tous les échanges internationaux, et l’Empire espagnol sa porte d’entrée. Les tonnes d’argent extraites des mines de Bolivie et du Mexique transitent à l’époque par les grands ports espagnols des Caraïbes tels que Vera Cruz (Mexique) et Portobello (actuel Panama), d’où les flottes des Indes les acheminent vers l’Espagne aux côtés des autres denrées coloniales (tabac, sucre, café, coton, etc.).

De façon générale, la baisse de la production du Potosi bolivien (qui fournissait alors la plus grande partie de l’argent utilisé dans le monde, et notamment recyclé par les compagnies de commerce hollandaises à travers leurs comptoirs en Asie) provoque à la fin du XVIIe siècle un véritable effondrement monétaire, qui impacte lourdement le commerce (et ce faisant l’économie) européenne :

Les marchands européens, pour poursuivre leur profitable commerce d’Asie, sont eux-mêmes à la merci des arrivées à Cadix de l’argent américain, toujours irrégulières, parfois insuffisantes. L’obligation de trouver à tout prix les espèces nécessaires au commerce asiatique ne peut être ressentie que comme une servitude. De 1680 à 1720 en particulier, le métal se fait relativement rare, son prix sur le marché dépasse le prix offert par les hôtels de monnaies. Le résultat, c’est une dévaluation, de fait, des monnaies décisives, le florin et le sterling, et une dégradation pour la hollande ou l’Angleterre des terms of trade avec l’Asie.

Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, p. 617.

L’effondrement de l’arrivée d’argent américain et la « famine monétaire » que cette pénurie entraîne participeront considérablement du déclin de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, qui avait construit tout son modèle économique sur l’échange argent-épices (et le transport de ces dernières vers l’Europe), et dont l’essor avait façonné le XVIIe siècle maritime. C’est à cette époque et en réponse à ce frein au commerce asiatique que la production des indiennes de coton va commencer à se développer en Europe. À défaut de pouvoir continuer d’acheter aux Indiens leurs épices et produits cotonniers (l’Inde est alors le premier production mondial de coton), les Européens vont en effet commencer à développer leur propre industrie cotonnière, copiée sur les produits indiens et y mêlant des techniques d’impression locales. Cette nouvelle industrie européenne est favorisée par les établissements coloniaux français et anglais d’Amérique du Nord et des Antilles, où les plantations de coton se développent considérablement (en particulier dans les colonies britanniques de la Caroline et de la Virginie, ainsi que sur la grande île française de Saint-Domingue).

Carte des principales voies commerciales au XVIIIe siècle

La pénurie monétaire que venait de connaître l’Europe au tournant du XVIIIe siècle prendra finalement fin à partir des années 1720, lorsque la région du Minas Gerais brésilien bouleverse l’histoire des mines d’or en produisant neuf tonnes par an en moyenne (soit trois fois plus que lors des vingt années précédentes), grâce aux machines mises au point par le britannique Thomas Newcomen, qui permettent de percer des mines plus profondes car mieux asséchées. Mais ces nouvelles machines – qui témoignent de la révolution technique qui est alors en train de se produire en Grande-Bretagne (notamment grâce au développement de l’industrie du coton !) – vont surtout permettre à l’Europe d’engager sa Première Révolution industrielle. Et, ce faisant, de réaliser une révolution économique comme le monde n’en avait jamais connu, et qui amènera le Vieux Continent à finalement remplacer définitivement l’Asie comme première zone mondiale de production de richesses – au moins jusqu’au XXe siècle. Mais c’est une autre histoire… 😉 (voir lien ci-dessous !)


Pour aller plus loin.. 🔎🌎

Ce petit épisode de la série des « Il était une fois… » du blog est en fait extrait du chapitre II de ma grande série consacrée aux origines de la guerre de Sept Ans (1756-1763). Si le sujet de la « mondialisation » des Temps modernes (débutant avec l’ère des Grandes Découvertes et prenant véritablement corps au début du XVIIIe siècle) vous intéresse (ce fut en effet une période charnière de l’Histoire du monde moderne), je vous oriente vers la découverte de cette riche série documentaire traitant de cet immense conflit, considéré par de nombreux historiens comme la première véritable « guerre mondiale » de l’Histoire. Un conflit qui débutera (et se propagera) en effet dans l’ensemble des empires coloniaux du monde, lui conférant ainsi une dimension planétaire et maritime inédite.

Une guerre constituant en outre le plus grand choc de l’intense conflit global qui oppose tout au long du XVIIIe siècle la France et la Grande-Bretagne pour la domination (de la mondialisation) du monde ; une suite ininterrompue de conflits, de Louis XIV à Waterloo, d’ailleurs qualifié de « Seconde guerre de Cent Ans » par certains historiens. Une passionnante série d’articles en forme de grande fresque historique, qui vous portera ainsi des Grandes Découvertes à la chute du Canada et des Indes françaises, et de la fondation des grandes empires coloniaux européens outremers et de la naissance de la mondialisation maritime à l’émergence d’un nouvel ordre mondial caractérisé par l’hégémonie planétaire britannique (sur les plans maritime, colonial, économique,…). Une grande série qui vous amènera aussi à mieux comprendre tant les racines de la guerre d’Indépendance américaine que celles de la Révolution française et des guerres napoléoniennes ; autant d’événements qui structureront décisivement notre monde contemporain !

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