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Tchernobyl (1986) : l’ultime et dramatique bataille des Soviétiques contre l’atome

Il fallait que je vous parle d’un documentaire qui m’avait profondément marqué (et inspiré plusieurs sujets d’études à l’époque de ma scolarité d’ingénieur) : celui de la « bataille de Tchernobyl », un remarquable documentaire autour de ce qui constitue encore aujourd’hui le plus grave accident nucléaire de l’histoire de l’Humanité.

Il y a 37 ans en effet, l’explosion du réacteur n°4 de la centrale de Tchernobyl, en Ukraine, confronta l’Union soviétique (mais aussi le monde entier) à des problématiques jusque-là méconnues. Dans l’improvisation la plus totale, il fallut y combattre un ennemi invisible, et encore peu connu de la population : la radioactivité. Or après l’accident, celle-ci atteignit des taux vertigineux autour du site, et se répandit sur plusieurs centaines de kilomètres dans toutes les régions voisines.

Alors que les nuages radioactifs poussés par les vents traversaient toute l’Europe et contaminaient de leurs pluies les sols de régions entières, sur place, les autorités soviétiques combattent au jour le jour un encore plus terrible danger : celui d’une explosion nucléaire. En effet, après l’explosion du réacteur n°4, son cœur radioactif (à la fusion hors de contrôle) menace d’entrer en contact avec la nappe phréatique, et de provoquer ce faisant l’équivalent d’une puissante bombe nucléaire. Dans l’urgence absolue, des dizaines de milliers de réservistes et ouvriers sont alors mobilisés et convergent de toute l’Union Soviétique pour participer à ce qui constituera le dernier grand combat de l’URSS : celui des hommes contre l’atome.

Dans cette histoire relativement méconnue dans son détail (jusqu’à peut-être la célèbre série en 6 épisodes produite dernièrement par HBO sur le sujet), le drame, l’horreur et le sens du sacrifice atteignent des niveaux vertigineux. Il faudra en effet le travail de près de 200 000 liquidateurs durant plusieurs mois pour venir à bout de la menace nucléaire, ainsi que pour nettoyer et sécuriser la défunte centrale et zone avoisinante ravagées par l’accident (aujourd’hui toujours interdite d’accès et étroitement surveillée). Des dizaines (tout particulièrement les pompiers et techniciens envoyés en première ligne) mourront dès les premières heures de l’accident, et des milliers (notamment les “nettoyeurs” de la centrale) dans les années qui suivront (sans parler des dizaines de milliers de liquidateurs ravagés par les problèmes de santé provoqués par leur forte exposition aux radiations – dont beaucoup connaitront des morts prématurées…).

Dans cet article bien peu joyeux mais terriblement véridique, il me tenait ainsi à cœur de promouvoir le visionnage de cet excellent documentaire, et de raconter tout autant qu’analyser cette dramatique page de notre histoire moderne. Une façon de rappeler combien notre société hautement technologique demeure vulnérable à l’emballement des processus dont elle tire son haut niveau de vie et que le « risque zéro » n’existe pas. Une façon aussi et surtout de témoigner, une fois n’est pas coutume sur ce site, un vibrant hommage au courage et dévouement de ces hommes parmi tant d’autres qui mettront leur vie ainsi que celles de leurs futurs enfants en jeu pour le bénéfice et la survie de tous les Européens – un nouveau et ultime sacrifice encore si chèrement payé par la société et population (biélo)russe et ukrainienne de l’époque. Bonne lecture…

Le sommaire complet de l’article, dont l’accès intégral est réservé aux abonné(e)s du blog (alors abonnez-vous ou débloquez l’ensemble du contenu du site pour 1 mois pour seulement 5€, et soutenez ainsi mon travail et mon indépendance ! 🙏😉)

L’accident de Tchernobyl : un test de sécurité qui tourne (plus que) mal…

26 avril 1986, non loin de la ville de Pripyat, dans l’actuelle Ukraine. La centrale nucléaire Vladimir Illich Lénine, fleuron de l’industrie nucléaire soviétique, fait l’objet d’une expérience inédite. Les employés du bloc n°4 ont reçu l’ordre de réaliser un test du système d’auto-alimentation du réacteur, destiné à permettre à celui-ci d’utiliser son énergie résiduelle pour redémarrer en cas de panne de courant.

1h23 du matin : les systèmes de sécurité sont désactivés et l’expérience commence. Une série de détonations se produit alors rapidement au cœur du réacteur avant que, quelques secondes plus tard, le toit du réacteur n’explose. Les 1 200 tonnes du couvercle du réacteur sont alors projetées dans les airs, dispersant des tonnes d’uranium et de graphite à des centaines de mètres à la ronde. Puis, une gerbe de feu chargée de gaz et de particules en fusion s’élève à plus de mille mètres au-dessus du bâtiment éventré. À ce moment-là, « l’atome échappe à tout contrôle ».


Que s’est-il vraiment produit à Tchernobyl ?

Le 26 avril, vers 5h du matin, Mikhaïl Gorbatchev, alors premier secrétaire de l’URSS, est réveillé par un coup de téléphone. Depuis le combiné, on l’informe qu’un accident s’est produit à la centrale nucléaire de Tchernobyl. Celui-ci, depuis le Politburo, ordonne alors au KGB de suivre tout ce qui se passe à Tchernobyl et de lui faire remonter les informations. Dans les faits, près de 48 heures seront nécessaires pour que Gorbatchev obtienne des informations fiables sur l’accident.

Pendant ce temps, sur place, personne n’est encore en mesure de juger de l’étendue de la catastrophe et du danger auquel s’exposent les différents protagonistes s’ingéniant à neutraliser l’accident. Les premières personnes à intervenir sur le lieu du drame sont les pompiers de Pripyat, réquisitionnés par les ingénieurs de la centrale pour éteindre l’incendie qui ravage le réacteur n°4. Ils vont déverser des tonnes d’eau sur « cet étrange feu que rien ne semble pouvoir éteindre », et affronter l’incendie sans aucune protection spécifique. Ils seront tous mortellement irradiés. Deux d’entre eux meurent dans la nuit et vingt-sept dans les mois qui suivent. Ce seront les premières victimes de la catastrophe de Tchernobyl.


Une évacuation tardive

Dans la journée du 26 avril, les habitants de Pripyat s’étonnent de la présence de nombreux militaires en ville (ceux-ci ayant été dépêchés en hâte par les autorités soviétiques pour venir y évaluer les niveaux de radioactivité). Les premières mesures réalisées ce jour-là sont sidérantes. En ville, on mesure des taux de radioactivité qui avoisinent les centièmes de röntgen, avant que ceux-ci ne grimpent à plus de 10 röntgens au cours de l’après-midi. Les officiers dépêchent alors une équipe chargée d’aller évaluer les taux de radioactivité aux abords de la centrale. Ses techniciens vont y mesurer des taux de radioactivité de plus de 2 000 röntgens…

NOTA BENE : Le röntgen est une unité physique ancienne qui permettait de quantifier l’exposition aux radiations et à la radioactivité (elle ne mesure donc non pas une dose mais une exposition aux radiations).

Afin de donner une idée, il faut savoir que la norme d’exposition à la radioactivité appliquée dans les territoires de l’URSS à l’époque était de l’ordre de quelques millionièmes de röntgen. C’est donc des doses plusieurs millions de fois supérieures à la norme soviétique que les scientifiques mesurent dès le lendemain de l’accident aux abords de la centrale…

La situation devient dès lors très critique en terme sanitaire. En se basant sur les mesures de radioactivité réalisées ce 26 avril, les scientifiques estiment qu’il faudrait moins de trois jours aux habitants de Pripyat pour absorber une dose mortelle de radiations (celle-ci étant alors estimée à environ 400 röntgens). Pourtant, ce jour-là, aucune mesure sanitaire ni évacuation de la ville ne seront ordonnées, et les populations ne recevront aucune information sur l’accident et sur les risques mortels liés à l’exposition à des niveaux aussi élevés de radioactivité.

L'évacuation de Prypiat (extrait de la BD "Un Printemps à Tchernobyl")
48 heures après l’accident de Tchernobyl, l’évacuation de Pripyat est enfin décidée…
(extrait de la remarquable BD « Un Printemps à Tchernobyl »)

Quand le monde découvrait l’accident

28 avril, à la centrale nucléaire de Forsmark, en Suède, près de 60 heures après l’explosion de celle de Tchernobyl. Des ingénieurs travaillant à la centrale suédoise détectent la présence d’un nuage radioactif au-dessus de leur territoire, confirmé par l’envoi de chasseurs partis faire des relevés dans l’atmosphère. Ils en déduisent qu’un accident nucléaire majeur a dû se produire quelque part dans les pays voisins. La Pologne ne déclarant la survenue récente d’aucun accident sur son territoire, les regards se tournent alors vers l’URSS…

À ce stade de la catastrophe, un peu moins de trois jours après l’explosion du réacteur, personne n’est encore au courant de l’accident qui s’est produit à Tchernobyl, à l’exception de certains membres de la hiérarchie soviétique. Ni le bloc occidental, ni le peuple russe (ni d’ailleurs les habitants de Pripyat eux-mêmes) ne savent encore ce qui s’est produit dans la nuit du 26 avril. Le nuage radioactif a lui, pourtant, déjà traversé depuis longtemps les frontières de l’Union soviétique…

À peu près au même moment, alerté par les mesures effectuées en Suède, les Américains et Européens braquent leurs satellites sur l’URSS, et repèrent rapidement le réacteur éventré de Tchernobyl. Dans la soirée du 28 avril, Aramais Petrossian, le directeur de la Commission Atomique Russe, communique un message à l’AIEA (l’Agence internationale de l’énergie atomique) pour les prévenir qu’il s’est produit un accident à la centrale de Tchernobyl. Avec ce communiqué, « les Russes informaient le monde ».

Hélicoptère intervenant sur la centrale de Tchernobyl le lendemain de l'explosion du réacteur n°4
Le matin du 26 avril, lorsque les premiers hélicoptères de l’armée survolent la zone, c’est une vision d’horreur qui s’offre aux pilotes…


La bataille de Tchernobyl et le travail des liquidateurs

Lorsque le monde apprend enfin l’explosion survenue trois jours plus tôt à la centrale de Tchernobyl, la catastrophe est encore loin d’être terminée, et le pire n’est pas encore évité. Dans la fournaise du réacteur n°4, 1 200 tonnes de magma radioactif continuent en effet toujours de brûler, rejetant dans l’atmosphère des gaz radioactifs qui menacent toute l’Europe (et dont l’on s’apprête bientôt à découvrir que celle-ci est également gravement menacée par le risque d’une explosion nucléaire à Tchernobyl).

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Bibliographie et portail documentaire

Cette nouvelle « histoire itinérante » a en fait été écrite en grande partie il y a dix ans, dans le cadre de mon cours d’école d’ingénieur de l’époque portant sur les « risques technologiques ». Le sujet d’études m’avait en effet été directement inspiré par mon visionnage du documentaire « La bataille de Tchernobyl », qui venait alors d’être diffusé quelques mois plus tôt sur France 3.

Vous trouverez ci-dessous le détail de la bibliographie qui me servit à l’époque à l’écriture de cette histoire et analyse de ce dramatique événement (qui me sont d’ailleurs, toujours aujourd’hui, encore profondément bouleversants…). Bibliographie également enrichie d’un certain nombre de sources complémentaires, mobilisées entretemps pour la rédaction du présent article (dont plusieurs remarquables documentaires télévisés réalisés depuis) :

Articles et ouvrages :

  • SFEN, « Tchernobyl vingt ans après », Revue Générale Nucléaire, mars-avril 2006.
    Bella & Roger Belbéoch, « Tchernobyl, une catastrophe », 1993.
  • Foodwatch, « Les normes relatives à la contamination radioactive des denrées alimentaires en Europe et au Japon: un nombre calculé de morts par irradiation », septembre 2011.
  • Lemarchand Frederick, « De Tchernobyl à Fukushima : une pédagogie du désastre », Le Cercle Les Echos, mars 2013.
  • JV, « Tchernobyl, 20 ans après… (…la catastrophe continue) », 2006.
  • Katz Alison, « L’organisation mondiale de la santé et le nucléaire : les dossiers enterrés de Tchernobyl », Le Monde Diplomatique, mars 2008, page 3.
  • Agnès Sinaï, « Un gendarme du nucléaire bien peu indépendant », Le Monde Diplomatique, décembre 2012.
  • AFP, « Nucléaire : le professeur Pierre Pellerin est décédé à l’âge de 89 ans », Le Monde, mars 2013.
  • IRSN, « Réflexions sur les études menées à l’IRSN pour l’estimation des conséquences de l’accident de Tchernobyl en France », juillet 2005.
  • Katz Alison, « Conséquences de Tchernobyl », Le Monde Diplomatique, décembre 2010, page 25.
  • Bovet Philippe, « De Hiroshima à Tchernobyl : visions critiques du nucléaire », Le Monde Diplomatique, septembre 2006, page 27.
  • Michel Fernex, « La santé : état des lieux vingt ans après », dans Galia Ackerman, Guillaume Grandazzi et Frédérick Lemarchand, Les Silences de Tchernobyl, Autrement, Paris, 2006, page 48.
  • Viktor Romanenko, « Tchernobyl n’a pas terminé son ouvrage », Courrier International, avril 2011.
  • Hervé Morin, « L’effet de Tchernobyl en France a été jusqu’à mille fois sous-évalué », Le Monde, avril 2006.
  • « Nouveau regard sur Tchernobyl – L’impact sur la santé et l’environnement », Revue Générale Nucléaire, n°2, avril 2006
  • « La prise de conscience d’une contamination durable du territoire », www.asn.fr, décembre 2009.
  • Philippe GIRARD – Gilles HERIARD DUBREUIL, « Conséquences sociales et psychiques de l’accident de Tchernobyl », juillet 1996.
  • M. FOUCHERE, Y. RHARADE & M. CHIBANE, « Three Mile Island, Tchernobyl, Fukushima : Quelles erreurs de communication de crise ? », 2012.
  • Laurent Eric, « La face cachée du pétrole », éditions Seuil, 2006.

Documentaires filmés :

  • Johnson Thomas, « La Bataille de Tchernobyl », documentaire France 3, 95 min, 2006.

Un intéressant documentaire de la série « Hors de contrôle » de RMC Story sur Tchernobyl

  • Laurent Joffrin, « Détectives de l’histoire : Tchernobyl, qui est coupable ? », 52 min, 2008.
  • Thibaut Férié, « Tchernobyl : la dernière bataille de l’URSS », 52 min, 2021.
https://www.youtube.com/watch?v=9d7eU4V717I&ab_channel=TheNp

  • Tchertkoff Wladimir et Andreoli Emanuela, « Le Sacrifice », documentaire TSI (Télévision Suisse Italienne), 26 min, 2003.

Je tiens à préciser enfin que cet article ne constitue pas une volonté de pamphlet contre le nucléaire, mais se veut un récit factuel et lucide du plus grave accident de l’histoire liée à l’utilisation civile de cette énergie (tout particulièrement celle des centrales à uranium). Catastrophe qui comme nous l’avons vu, demeure relativement extraordinaire, et s’inscrit dans un contexte bien précis.

L’accident de Fukushima de 2011 semble néanmoins nous autoriser à penser que nos sociétés n’ont peut-être pas retenu toutes les leçons de l’histoire de Tchernobyl. À savoir que l’homme ne peut tout parfaitement contrôler, et qu’en matière de nucléaire (de même d’ailleurs que pour de nombreuses autres sources d’énergie et technologies), le risque zéro n’existe pas.

Comme il en est d’usage sur ce site, je vous retrouve volontiers dans l’espace commentaires pour débattre constructivement du sujet, et vous dis à bientôt, sinon, pour une prochaine histoire itinérante…


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Cet article a 3 commentaires

  1. Do

    Ces gens là (les liquidateurs) nous ont sauvés, sauvé l’humanité toute entière et c’est d’une manière inhumaine qu’ils ont été remerciés. Conclusion. Ne vous sacrifiez jamais, si l’humanité doit crever eh bien tant pis, elle crèvera.

    1. Sans en appeler à la valeur du sacrifice, je ne partage pas cette philosophie individualiste de la vie..

  2. OliviA

    A l’heure des choix énergétiques en France et ailleurs dans le monde, à l’heure où la stabilité politique et militaire en Europe même semble incertaine et menacé, alors que nous ne pouvons pas affirmer, avec certitude, qu’en 2050 nous vivrons en paix dans une démocratie, il est criminel de vouloir encore recourir à cette technologie. Pourtant la menace climatique du Carbone est telle qu’il semble impossible de s’en priver sauf à accepter de changer fondamentalement nos modes de vie et nos valeurs.

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