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La réalité de la Bête du Gévaudan (CHAPITRE III) : l’Homme contre les Bêtes, une histoire invraisemblable

Beaucoup de choses ont déjà été dites dans les précédents chapitres. Rien n’a été relaté inopportunément. Cela peut sembler dense – voire parfois accessoire, mais croyez-moi, le moment venu, tous ces éléments précis vont se révéler indispensables à la pleine compréhension de cette affaire. Telles autant de pièces d’un puzzle que l’on assemble méthodiquement, concentré sur chaque petit détail. Ce jusqu’à pouvoir enfin faire un pas de recul, et contempler le tableau d’ensemble qui s’en dégage. Vous avez probablement toujours été traversés par des doutes et des questionnements aux premières découvertes de cette affaire. Vous aviez raison. Celle-ci dépasse largement la sphère animale, et a bien plus à dire sur les hommes qui vivent en ce temps que sur les malheureux instruments des premiers.

Une fois n’est pas coutume, pour ceux qui atterriraient directement ici, c’est toujours mieux de commencer la lecture de la série depuis le début ! 🙂

Petit à petit, nous approchons en effet du grand éclaircissement. Du moment-où, de cette affaire beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît, de cette nébuleuse de faits, d’événements, de rebondissements, de décisions inexplicables et de petits détails, le voile pourra enfin se lever. Vous vous surprendrez peut-être alors à considérer le mystère de la Bête comme une histoire remarquablement claire, et aux ressorts, finalement, assez limpides. Une histoire qui vous subjuguera (et peut-être vous effraiera toujours un peu, mais désormais d’une autre manière) par ses implications et sa portée, bien loin, bien au-delà des seules contrées montagnardes et peu peuplées du Gévaudan des années 1760…

Nous y sommes presque. Soyez patients. Il est encore quelques jalons indispensables à poser dans ce troisième chapitre. D’une certaine façon, les dernières pièces du puzzle, celles-qui achèveront d’éclairer de toute leur force et résonance le tableau d’ensemble.

Nous sommes maintenant au cœur du mystère, et au cœur de sa résolution. Dans la première série, nous avions appris à connaître toute l’histoire de la Bête et de ses exploits sanglants, chacun des événements décisifs qui la rythme et la structure, du déploiement des troupes légères commandées par le capitaine Duhamel à l’arrivée du louvetier d’Enneval, de l’envoi de François Antoine au nom du roi en Gévaudan à son départ maquillant l’échec en réussite, de l’ultime terreur de l’hiver 1766 à la cessation définitive des crimes, suite à une ultime chasse de juin 1767 – marquée pour ne pas changer du sceau de l’étrange et du mystère…

Nous avons dressé le portrait du Gévaudan de 1764, dans toute sa rudesse et pénibilité terrestres, pour ses habitants comme pour les chasseurs venus y traquer la Bête féroce. Nous avons détaillé le combat des hommes et des femmes de cette contrée contre la Bête, des enfants du Villaret et de leur petit héros Portefaix à la femme Jouve, de la jeune bergère à la hache qui blessera la Bête au visage à la bonne du curé qui lui plantera 7 cm de sa baïonnette dans le poitrail. Nous avons rappelé l’organisation et les mentalités qui caractérisent ce pays, entre foi chrétienne et vieilles superstitions païennes remontant à la nuit des temps. Ces événements qui purent parfois sembler anecdotiques ne le sont pas, et prendront bientôt toute leur importance et leur portée. Nous y arrivons…

Il est temps maintenant, avant de nous intéresser enfin aux grands gestionnaires de cette affaire (moment où vous verrez combien ce sont des éléments extérieurs à l’affaire, liés davantage à la grande mais aussi occulte histoire de France, qui l’éclaireront de toute sa puissance), de revenir sur un certain nombre de grands événements et de caractéristiques de l’affaire, et de les analyser plus subtilement. De prendre véritablement la mesure de la terreur qui a régnée durant trois longues années en Gévaudan. De réaliser la médiatisation phénoménale pour l’époque qu’a pu connaître cette affaire, et combien celle-ci a pu marquer la France de cette fin d’Ancien Régime. De bien saisir comment cette affaire est remontée, petit à petit (et à vrai dire presque immédiatement), jusqu’au plus haut sommet de l’État. De prendre la mesure de combien la Royauté a pris l’affaire de la Bête du Gévaudan au sérieux, et des moyens inédits qu’elle a rapidement mobilisés (ou laissé mobilisés) contre elle. De prendre conscience également de la haute dimension symbolique de l’affaire – littéralement jalonnée de dates et de mises en scène qui semblent ne rien devoir au seul hasard…

Il nous faudra aussi revenir sur la batterie des décisions et comportements humains parfois totalement inexplicables qui jalonnent littéralement toute cette histoire (bien que comme vous le comprendrez bientôt, des données extérieures à l’affaire peuvent de leur côté leur donner bien du sens…). De revenir sur toutes ces mesures de bons sens jamais prises par les autorités, et qui auraient probablement permis d’éradiquer bien plus rapidement l’animal. Sur tous ces moments où la Bête est à deux doigts d’être abattue, mais où de drôles de décisions lui apportent un répit étrangement bienvenu. Et d’autres choses encore…

Je tiens enfin à préciser qu’une bonne partie des analyses et clés de lecture présentées ici ont été inspirées et nourries par les recherches d’un certain nombre de passionnés et érudits de l’affaire. Parmi elles, il me faut citer en particulier les travaux de Michel Louis, de Daniel Jumentier, de Jacques Baillon, de Georges Charles, de Damien de la chaîne EnQuête d’Histoire, et bien sûr de Patrick Berthelot. Leurs analyses, et surtout les archives et la connaissance (spécialisée comme globale) qu’ils ont eu le talent et le courage remarquables de (re)mettre en lumière (chacun à leur manière et selon leurs spécialités), ont été déterminantes à l’exposé et à l’ébauche de démonstration qui précèdent et qui suivent. Il est évident que notre connaissance et compréhension de l’affaire n’en serait pas là sans le travail patient et tenace qu’ils mènent chacun de leur côté depuis des années. Je leur dédie cette écriture.

Ce long avant-propos maintenant terminé, une fois n’est pas coutume, bonne lecture ! 🙂

Le sommaire complet de ce troisième chapitre, dont l’accès intégral est réservé aux abonné(e)s du blog (alors abonnez-vous ou débloquez l’ensemble du contenu du site pour 1 mois pour seulement 5€, et soutenez ainsi mon travail et mon indépendance ! 🙏😉)

Un pays entier plongé dans la terreur

Il ne faut jamais oublier ce qu’a pu vivre le Gévaudan de 1764 à 1767. Bien sûr, alors, les temps étaient durs, la guerre permanente, la pauvreté omniprésente, les crimes et les attaques de bandits courantes, les famines récurrentes… La centaine de victimes de la Bête, même à l’échelle d’un seul territoire, ne représente il est certain que bien peu de choses rapportée à la mortalité infantile, aux décès précoces, aux meurtres et assassinats de l’ordinaire, et surtout aux centaines de milliers de morts de la guerre dont la France sort tout juste (la guerre de Sept Ans, dans laquelle la France est engagée de 1754 à 1763). Mais l’angle à considérer est ici moins factuel que « sensible » et émotionnel. Car si les carnages de la Bête n’ont touché qu’un habitant sur mille du Gévaudan de l’époque, c’est l’intégralité de sa population que ces derniers ont fait vivre dans la terreur durant plus de 3 ans, 40 mois, plus de 1 000 jours…

Au plus fort des attaques (c’est-à-dire durant l’hiver et le printemps 1765, ou à nouveau durant celui de 1767), ce sont des milliers de personnes, et en premier lieu les bergers – jeune femmes, adolescents, enfants – qui montent tous les jours sur le pâturage la boule à ventre, la peur aux tripes. Certains de leurs amis, parents, voisins, cousins, sont morts dans d’atroces souffrances. Et la Bête court toujours. Et même les meilleurs soldats et chasseurs du Royaume ne sont pas parvenus à l’arrêter. Sur le pâturage, là-haut, loin du village ou du hameau, il n’y a personne pour vous protéger, si ce n’est la pointe d’un couteau au bout de votre bâton. Les petits bergers et bergères feront pourtant preuve d’un courage exemplaire, d’une grande solidarité dans l’adversité, et malgré tous les « progrès » apportés par notre monde moderne, la chose n’en irait peut-être pas de même aujourd’hui.

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* * *

[…]
Plus qu’un loup-cervier, si c’est un loup-garou
Que par tous les moyens ils en viennent à bout ;
Il est vrai qu’encore l’on n’a pu l’atteindre ;
Malgré qu’on l’ait osé battre ou contraindre,
Par le fer et le feu l’accabler de terreur,
L’on n’a pas pu vraiment réprimer sa fureur.
Et qu’un détachement bien considérable
De paysans, de soldats, guerriers indomptables,
Vivement le poursuivre sur le champ d’honneur,
Témoin de leur vaillance, des siens le malheur.
Puisque le Gévaudan est vraiment alarmé,
Faut-il pour le vaincre envoyer une armée ?

Extrait d’un poème paru en 1765 (« La Bête monstrueuse et cruelle du gévaudan »)

* * *

… Fin du Chapitre III …

Dans le quatrième chapitre de cette série, les grands développements et les différentes dimensions de l’affaire étant maintenant plus que traitées, nous sortirons du périmètre du seul Gévaudan pour aller à la rencontre des autres histoires de « Bêtes dévorantes » qui ont marquées la France du règne de Louis XV, et lèverons également le voile sur la réalité de ces légendes de loup-garou qui hantent tant de contrées de notre belle et vaste France.

Ceci avant, bien sûr, de nous plonger enfin dans le nœud et noyau vivant de l’affaire, en la personne de toutes ces personnalités de haut-rang qui s’y impliquèrent de près ou de loin. Une batterie de personnalités et de personnages troublants dont le parcours et le portrait social et politique au temps de la Bête auront beaucoup à nous dire sur les énigmes décisionnelles et opérationnelles que nous posent cette dernière tout au long de l’affaire (que vous devez normalement désormais bien maîtriser, ce qui sera utile et nécessaire pour le grand final).

Mais avant de tenter de percer une bonne fois pour toute le mystère des origines de la Bête, il nous faudra remonter le temps et la bobine de l’Histoire, en nous plongeant dans un certain nombre d’événements et de dynamiques politiques déterminantes de l’histoire de France (et plus particulièrement de celle de l’Auvergne et du Languedoc) au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. De la rébellion du duc de Montmorency aux Grands Jours, de la Fronde au testament cassé de Louis XIV, du Grand Siècle et de ses conspirations à la désastreuse guerre de Sept Ans et aux Lumières, c’est en effet seulement en rembobinant la cassette et en explorant ces grands jalons de notre Histoire que peut-être celle de la Bête s’éclairera de tout son sens… À très bientôt donc pour la suite !


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