You are currently viewing Il était une fois : l’Acadie, la riche colonie disputée de la Nouvelle-France

Il était une fois : l’Acadie, la riche colonie disputée de la Nouvelle-France

La situation de l’Acadie française, située à la charnière de la Nouvelle-Angleterre et du Canada français, était bien davantage précaire que celle de ses compatriotes installés dans la vallée du Saint-Laurent. Exposée par mer aux raids des établissements déjà plus populeux de la Nouvelle-Angleterre, l’Acadie française ne put ainsi guère se développer de façon stable avant l’édification de la grande forteresse de Louisbourg, suite au traité d’Utrecht de 1713 qui met fin à la guerre de Succession d’Espagne.

Dans ce petit article extrait de ma grande série consacrée à l’épopée de la Nouvelle-France, je vous propose un petit tour d’horizon de l’histoire de l’Acadie, cette ancienne colonie française d’Amérique du Nord au destin tragique et à l’histoire méconnue, et dont les descendants ont notamment donné leur nom aux fameux Cajuns de Louisiane (vous verrez comment).


L’exploration de l’Acadie

Suite à la première expédition réussie du malouin Jacques Cartier (qui explore le golfe du Saint-Laurent et en prend possession au nom du roi de France en 1534), Henri IV donne son feu vert à l’organisation d’une seconde expédition sur les côtes de l’Amérique du Nord, cette fois ciblée sur la région de la future Acadie. Le lieutenant-général de la Nouvelle-France, Aymar de Chaste, étant décédé durant la période du voyage, c’est un proche du roi, le sieur de Mons, qui se voit nommé pour reprendre la charge du pilotage de l’expédition en Acadie, avec pour mission de la coloniser et de la mettre en valeur, depuis le quarantième degré de latitude nord jusqu’au quarante-sixième.

Un vieil exemplaire des Sauvages de Samuel de Champlain
Un vieil exemplaire des Sauvages de Champlain

En attendant de trouver les gisements de cuivre et d’argent tant espérés, l’entreprise sera financée par un monopole du commerce des fourrures avec les indigènes. Quant au travail de trouver des associés prêts à investir dans le voyage dans les grands ports français, il sera facilité grâce à la diffusion du Des Sauvages de Champlain, la relation de son périple dans la vallée laurentienne ayant permis une bonne promotion du projet. Le projet d’expédition répond d’ailleurs bien aux attentes de Champlain qui, toujours obsédé par l’idée de découvrir un hypothétique passage du nord-ouest vers la Chine, voit d’un bon œil le principe d’établissement de comptoirs permanents en Nouvelle-France, de nature à fortement faciliter ses recherches.

Au mois de mars 1604, deux navires embarquant 120 volontaires lèvent l’ancre vers l’Acadie, qu’ils atteignent en mai. Durant plusieurs semaines, les deux équipages réalisent une exploration minutieuse des côtes du sud-ouest du golfe du Saint-Laurent, île après île, baie après baie. Plusieurs rivières sont remontées loin en amont en barque afin de compléter l’exploration. A l’endroit dit « Port-au-Mouton », un camp important est finalement dressé, mais reste encore à trouver un lieu véritablement propice à l’installation d’un établissement permanent.

Cet emplacement, ce fut finalement Champlain (le célèbre explorateur et futur fondateur de la ville de Québec) qui le trouva le 7 juin, et que l’on nommera Port-Royal, le décrivant comme « un rivage merveilleux, l’endroit idéal pour établir un port, dans lequel deux milles navires pourraient mouiller à la fois en sécurité ». Le lieu était même alimenté par une rivière, qui fut baptisée Annapolis en l’honneur de la reine Anne (ce qui explique pourquoi les Anglais, lorsqu’ils captureront la ville aux Français un siècle plus tard, renommeront sa ville-sœur bâtie juste à côté « Annapolis-Royal »).

L'habitation de Port-Royal, qui abrita les hommes de Champlain durant les hivers de 1606 et 1607 (comptant parmi les premiers établissements coloniaux de la Nouvelle-France)
L’habitation de Port-Royal, qui abrita les hommes de Champlain durant les hivers de 1606 et 1607

Curieusement pourtant, ce n’est pas à Port-Royal que les membres de l’expédition choisissent d’installer ce qui doit ainsi constituer le premier comptoir européen permanent sur le continent nord-américain, mais sur la petite île de Sainte-Croix, située de l’autre côté de la baie. Un choix qui se révèlera assez désastreux car durant l’hivernage, entourés par les glaces, les hommes se retrouvèrent ravagés par le scorbut et livrés à eux-mêmes. La glace formait en effet entre l’île et le continent une barrière infranchissable qui empêchait toute liaison et ne permettait pas aux Français d’aller s’approvisionner en bois et en eau fraîche. 35 hommes sur 60 en moururent. Mais pas Champlain. Avant la venue de l’hiver, après avoir supervisé la construction des habitations, celui-ci avait d’ailleurs réalisé une longue exploration en barque sur près de deux cents kilomètres de côtes, jusqu’à l’état du Massachussetts actuel. Il en établira une cartographie d’une grande qualité, saluée plus tard pour sa justesse. Quant aux fabuleuses mines de cuivre et d’argent, elles se seront révélées plus que décevantes, n’offrant aucune perspective de richesses à ramener de ce côté-là.

À la fonte des glaces, dans la perspective d’un second hivernage, les survivants décident de déménager et vont s’installer de l’autre côté de la baie de Fundy, à l’endroit premièrement repéré par Champlain, à Port-Royal. Les membres de l’expédition restant ont également la bonne surprise de l’arrivée d’un navire de ravitaillement. De Mons en profite pour repartir pour la France. Quant à Champlain, il reste sur place pour continuer son travail de cartographie des rivages acadiens, qu’il ne cesse de parcourir. Un ensemble d’habitations sont construites, sous la supervision de Champlain. Des terres sont défrichées et on tente de produire quelques cultures en vue de la froidure (qui arrive très tôt dans ces contrées).

L’expédition un peu mieux aménagée et équipée, l’hiver 1605-1606 sera moins meurtrier que le précédent (qui avait littéralement décimé la petite colonie), et le suivant le sera encore moins (bien qu’on compte toujours quand même de nombreux morts du scorbut durant ses deux hivers). Durement mais progressivement, les Français s’acclimatent. C’est Champlain encore, qui contribuera grandement à cette amélioration des conditions de vie en fondant ce qu’il appellera « l’ordre du Bon-Temps ». Son principe était le suivant : les hommes désignés devaient à tour de rôle aller chasser et pêcher pour approvisionner le cuisinier, et chaque repas, midi et soir, partagés avec les autochtones, était alors l’occasion d’un cérémonial « digne du service de la table du roi de France ».

Carte de l'Acadie montrant les expéditions de Champlain et de Mons entre 1604 et 1607, ainsi que les deux établissements coloniaux fondés respectivement à l'île de Sainte-Croix et à Port-Royal
Carte de l’Acadie montrant les expéditions de Champlain et de Mons entre 1604 et 1607, ainsi que les deux habitations

La colonisation française de l’Acadie

Comparativement à la vallée du Saint-Laurent (le cœur du Québec et berceau du Canada français), l’Acadie n’accueillera au début des colons qu’au compte-goutte, du fait notamment de sa géographie. Dans une période de concurrence coloniale en particulier avec les Anglais, contrairement à l’Acadie, le Canada français disposait en effet d’atouts avantageux, parmi lesquels en premier lieu de solides défenses naturelles. Les étendues sauvages, boisées et montagneuses constituaient une solide barrière entre les colonies anglaises du Nord et le Canada et sa vallée du Saint-Laurent, où était concentrée sa population et ses infrastructures. Qui plus est, le fleuve Saint-Laurent, gelé six mois par an, était en outre de navigation difficile durant la belle saison, rempli d’obstacles fatals aux pilotes qui ne le connaissaient pas (les Français bénéficiant quant à eux de plusieurs siècles de maîtrise de la difficile navigation dans ce fleuve dangereux). Enfin, le site de Québec, avec ses falaises, adéquatement fortifié, en faisait une citadelle redoutable (où plusieurs tentatives d’invasion navale par les Anglais furent repoussées au XVIIe siècle, avant la chute finale de la ville lors du célèbre siège de 1759).

Au moment où la colonie du Québec commence à enregistrer son grand développement, l’Acadie, elle-aussi entrée dans le périmètre de la colonie royale et de son administration, voit enfin également sa situation s’améliorer. Comme l’ensemble de la Nouvelle-France avant 1663, elle avait été laissée aux bons soins des compagnies à monopole, dont l’objectif était bien avant toute chose d’exploiter la fourrure et la morue que de faire venir des colons. Après les maigres réussites d’implantations permanentes à l’époque de Champlain, il y avait néanmoins eu une grande année fondamentale dans l’histoire du peuplement de l’Acadie : celle de 1632, marquée par l’arrivée de 300 hommes, bientôt suivi de colons qui fonderaient des familles et feraient de l’Acadie une colonie à vocation agricole.

Le développement agricole de la colonie prend alors une identité particulière en raison du recours à la remarquable technique des aboiteaux, ces digues qui permettent aux Acadiens de gagner sur la mer et les fleuves des terres à cultiver. Un système qui fonctionne tant et si bien qu’à compter de ce moment, la colonie aura la réputation d’être pratiquement autosuffisante sur le plan alimentaire. Elle en vient même à générer des surplus, qu’elle exporte vers la Nouvelle-Angleterre en échange de biens de consommation que la France ou le Canada n’arrivent pas à lui fournir en quantité suffisante pour répondre à ses besoins.

Schéma du système des aboiteaux, qui permet de drainer les marais pour optimiser les surfaces de terres cultivables tout en constituant des digues protégeant des vagues et des grandes marées.

Les échanges avec les colonies anglaises d’Amérique auront en outre pour effet de forger chez eux un esprit d’accommodement : ils en viennent en effet à comprendre qu’en raison de la vulnérabilité de leur colonie aux impératifs géopolitiques européens et nord-américains, et coincés entre les colonies anglaises et le Canada français qu’ils sont, la neutralité – concept pourtant assez impensable sous l’Ancien Régime – pourrait constituer une option politique viable. L’histoire tourmentée de cette région leur donnera à la fois tort et raison.

Durant tout le XVIIe siècle, l’Acadie s’était ainsi spécialisée dans le développement de son agriculture, une économie devenue en quelques décennies relativement prospère et qui l’amenait à commercer avec ses voisins anglais comme canadiens, la colonie choisissant de se positionner dans une posture de neutralité au sein de la grande rivalité intra-coloniale qui ne va qu’en s’accroissant entre les colonies anglaises et le Canada français. Une position qui se comprend d’autant mieux si l’on jette un regard sur les attaques armées dont la colonie fera l’objet entre 1613 et 1713 (soit l’année de sa conquête définitive par l’Angleterre).

Peinture représentant la campagne acadienne, qui témoigne bien de son accent agricole

Avant la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697), qui oppose la France de Louis XIV à la seconde coalition européenne menée par le roi d’Angleterre (et dont la guerre se répercutera sur le continent Nord-Américain entre les colonies affiliées à ces puissances), les nombreuses incursions ennemies que l’Acadie va subir ne sont pas vraiment attribuables aux guerres d’empires que se livrent alors la France, l’Angleterre, la Hollande et l’Espagne, mais plutôt aux ambitions économiques des colonies britanniques, immédiatement voisines de l’Acadie. Colonies britanniques qui aspirent en effet notamment à s’emparer des ressources naturelles de la région que sont la morue et la fourrure.

La minuscule population acadienne (comparée à celle de la Nouvelle-Angleterre voisine), elle, ne s’embarrasse pas de ces nuances et cherche plutôt à consolider son emprise sur le territoire afin de faire fructifier un patrimoine agricole en expansion, laissant vaquer les anglais à leurs entreprises et activités de pêche et de traite de fourrures autour de leurs côtes. Ainsi, malgré une très faible immigration (qui cesse presque complètement dans les années 1660), elle croît à un rythme remarquable, grâce à une alimentation saine et abondante, au faible nombre de maladies graves, à une mortalité liée aux activités militaires moindre qu’ailleurs et à des remariages rapides.

Malgré sa relative prospérité, l’Acadie vit ainsi dans la perpétuelle menace que lui confère sa remarquable position géostratégique. Située dans une zone frontalière avec les colonies de Nouvelle-Angleterre, l’Acadie représente également pour la France un poste avancé décisif face aux ambitions territoriales américaines envers le Canada d’alors – le Québec d’aujourd’hui.

Son territoire se voit à ce titre, malgré le souhait de neutralité de ses habitants, constituer un terrain perpétuellement disputé entre Français et Anglais, chacun souhaitant contrôler, pour des raisons tant économiques que géostratégiques et militaires, cette petite région qui, contrôlée par les Français, est perçue comme une menace pour les habitants de Nouvelle-Angleterre (et pour les Français, comme une région que l’on ne peut abandonner aux Anglais, leur permettant de contrôler le golfe du Saint-Laurent et ce faisant la porte d’entrée vers le Canada français, le cœur de la Nouvelle-France).

L’Acadie : une région très peu peuplée comparée à sa grande voisine et rivale de la Nouvelle-Angleterre…

En aparté : l’organisation territoriale de la Nouvelle-France

Vaste territoire toujours en expansion, la Nouvelle-France était divisée en plusieurs districts nommés « gouvernements particuliers ». Le gouverneur général siégeait à Québec, au château Saint-Louis. Son autorité s’étendait en principe sur toutes les colonies de la Nouvelle-France, des prairies de l’Ouest à l’Acadie, de Terre-Neuve à la Louisiane. Le Canada lui-même était divisé en trois gouvernements. Celui de Québec était gouverné directement par le gouverneur général. S’ajoutaient les gouvernements des Trois-Rivières et de Montréal, ce dernier contrôlant tout l’hinterland du Canada, en perpétuelle expansion vers l’ouest.

Carte du Canada français au sein de la Nouvelle-France
La Nouvelle-France en 1664 (les connaisseurs noteront une petite coquille sur cette carte : en effet, la Nouvelle-Orléans, qui apparaît ici dans les territoires espagnols, ne sera fondée qu’en 1718)

Certains territoires y connurent même une colonisation, comme la région du Détroit (Michigan actuel) et le pays des Illinois, plus tard rattaché au gouvernement de Louisiane. La situation en Acadie était plus instable, en raison des nombreuses invasions britanniques venant de Grande-Bretagne et surtout de Nouvelle-Angleterre : après le traité d’Utrecht, la capitale des territoires demeurant sous contrôle français était Louisbourg, sur l’île du Cap-Breton. La Louisiane formait un autre gouvernement particulier. Tout comme, jusqu’à sa cession par le traité d’Utrecht, Terre-Neuve, dont la capitale française fut Plaisance.

L’intendant jouait en Nouvelle-France un rôle important, notamment pour stimuler l’économie et le peuplement. Il était représenté par des subdélégués (commissaires-ordonnateurs) dans les gouvernements particuliers ou les régions éloignées comme Détroit. En réalité, certains relevaient directement de la capitale, comme ceux de Louisbourg ou de la Nouvelle-Orléans. A défaut de Parlement, un conseil souverain fut aussi institué en 1663 à Québec pour conseiller le gouverneur général et servir de cour d’appel. Le gouverneur, l’intendant et l’évêque (dont le diocèse englobait toute la Nouvelle-France) en étaient les membres les plus éminents. L’Eglise jouait bien sûr un rôle essentiel dans l’administration, puisque les services comme l’éducation ou les hôpitaux relevaient d’elle.

Carte de la Nouvelle-France en 1750
Carte de la Nouvelle-France en 1750 (© Pinpin, via Wikimedia Commons)

La Nouvelle-France étant cependant aussi vaste que peu densément peuplée, même au Canada, l’absolutisme louis-quatorzien y rencontra de nombreux obstacles pratiques. Beaucoup de paroisses n’avaient pas de curé, tout comme de nombreuses seigneuries se trouvaient sans seigneur résident. Le véritable relais de l’autorité centrale sur place était le capitaine de milice, coopté par ses pairs et avalisé par le gouverneur.

La milice, instituée en 1669 par Louis XIV, mobilisait tous les hommes âgés de 16 à 60 ans. Outre leur autorité militaire, on confia aux capitaines le soin de transmettre et de faire respecter les directives du gouvernement et d’autres responsabilités, comme celles de servir d’auxiliaires locaux de justice ou d’organiser le recensement.


Le traité d’Utrecht (1713) : et l’Acadie « péninsulaire » devint anglaise…

Après avoir changé de main plusieurs fois au cours du XVIIe siècle, l’Acadie (région de colonisation historique française rappelons-le) revient ainsi à la France au terme de la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1697). Mais il ne s’agit que d’une trêve, et ainsi : en vertu du traité d’Utrecht (1713), qui met fin à la guerre de Succession d’Espagne, l’Acadie (pour sa partie historique et la plus peuplée) passe définitivement à l’Angleterre (région que l’on appellera alors « l’Acadie péninsulaire », correspondant à l’actuelle Nouvelle-Ecosse). En réaction, la France cherche dès lors à consolider sa position dans toute la région. C’est ainsi dans cette perspective que, de 1713 à 1720, des colons français et acadiens s’installent au voisinage de l’Acadie péninsulaire : à l’île Royale, à l’île Saint-Jean et à l’île du Prince-Edouard (dans le golfe du Saint-Laurent), ainsi qu’en « Acadie continentale », région correspondant à l’actuel Nouveau-Brunswick (et alors réclamée également par les Anglais).

Carte de l’Acadie en 1754. En orange, l’Acadie dite « péninsulaire », de colonisation française (comme toute cette région du golfe du Saint-Laurent au demeurant), et cédée à l’Angleterre lors du traité d’Utrecht de 1713. L’Acadie « de terre ferme », théoriquement territoire français, reste également revendiquée par les Britanniques et disputée entre les deux pays.

Ayant d’abord l’idée de rapatrier les Acadiens de Nouvelle-Ecosse vers ses possessions, la France décide finalement de les laisser s’y maintenir, la présence de ce petit peuple au comportement « indépendant » pouvant à vrai dire se révéler fort utile sur place en cas de reprise des hostilités. Du côté britannique, si l’on imagine d’abord une Nouvelle-Ecosse peuplée majoritairement de colons anglo-protestants (une idée qui reviendra tragiquement plus tard, comme nous le verrons en détail), il s’agit avant tout de maintenir la colonie productive en attendant leur arrivée. Quant aux Acadiens péninsulaire, peu intéressés d’abandonner un patrimoine foncier chèrement acquis et développé pour partir tout recommencer en territoire français, ils choisissent majoritairement de rester. Devant en principe se soumettre en prêtant un serment d’allégeance au roi d’Angleterre, ses représentants parviendront à négocier une clause de neutralité, qui les dispenserait de prendre les armes en cas de conflit.

Une belle reconstitution générale de Louisbourg issue de la BD Les pionniers du Nouveau monde (tome 4, « La croix de Saint-Louis »)

Grand bien leur fit puisque la période 1720-1744 s’apparenta à un âge d’or de l’histoire acadienne. L’accroissement démographique et le manque de terres amenèrent les nouvelles générations à migrer vers les territoires français voisins, quand parallèlement la grande productivité agricole permettait non-seulement d’approvisionner la petite garnison anglaise et sa minorité anglo-protestante, mais aussi d’exporter (illégalement !) des produits et du bois vers l’île Royale voisine. Île Royale où suite au traité d’Utrecht, avait été édifié immédiatement en conséquence la citadelle de Louisbourg, témoin du génie de la construction maritime française en Amérique du Nord. Une forteresse réputée imprenable, triplement précieuse pour la France et sa Nouvelle-France. D’abord militairement et géostratégiquement, car jouant le rôle de verrou du Canada français en protégeant l’entrée du golfe du Saint-Laurent à toute incursion anglaise. Mais également précieux sur le plan commercial et logistique, par son rôle de plaque tournante du commerce atlantique et par ses activités de pêche.

Louisbourg constitua enfin un développement majeur favorisant la diversification de l’économie canadienne. Parallèlement à la forteresse, la construction de son port dota en effet le Canada d’un entrepôt permettant de commercer toute l’année. La Nouvelle-France put alors exporter du poisson, du blé, de la farine, de la bière, du lard et du bois vers les Antilles, et au retour de leur périple, les vaisseaux rapportaient des produits manufacturés ou de luxe pour le marché français local ou les échanges avec les Amérindiens (armes, verroterie, tissus, vin et cognac, etc.). Les productions et récoltes du Canada, et plus modestement de l’Acadie, en bénéficièrent grandement.

En aparté : portrait de la Nouvelle-France au début du XVIIIe siècle

Au début du XVIIIe siècle, la Nouvelle-France atteint son maximum d’extension territoriale, couvrant alors près des deux tiers de l’Amérique du Nord. Environ 250 personnes vivent dans une dizaine d’agglomérations à Terre-Neuve. L’Acadie compte près de 15 000 habitants et habitantes. Quelques centaines de personnes s’établissent à l’embouchure du Saint-Laurent et autant dans la région des Grands Lacs. Quelques centaines de personnes pratiquent de façon saisonnière la pêche sur les côtes du Labrador. Le bassin de la rivière Saguenay, qui constitue le Domaine du Roi, contient quelques postes de traite. Le Canada de l’époque compte quelque 20 000 habitants et habitantes.

Les gens du Canada sont agriculteurs ou agricultrices pour la plupart, répartis en un long ruban de peuplement entre Québec et Montréal. À l’ouest, une série de postes de traite et de forts jalonnent les voies de communication. Enfin, un peu plus tard, La Vérendrye déroule la carte du continent jusqu’aux pieds des Rocheuses. Mais la Nouvelle-France est un colosse aux pieds d’argile. Les colonies britanniques américaines sont 20 fois plus populeuses et se sentent encerclées et menacées. Par le Traité d’Utrecht en 1713, qui marque la fin de la Guerre de la succession d’Espagne, la France cède à ce titre à l’Angleterre, Terre-Neuve, la péninsule de l’Acadie et la baie d’Hudson. La Confédération Haudenosaunee (iroquoise) passe sous la protection des Britanniques.

De plus, le XVIIIe siècle s’ouvre sur une crise majeure dans l’économie coloniale. Le principal produit d’exportation (les fourrures) est touché par une mévente en Europe, impliquant une qualité à la baisse et des coûts de revient qui deviennent bien moins attrayants. Les nombreux jeunes gens qui viennent de s’établir n’ont donc d’autre choix que de se replier sur la terre.


La reprise économique est bien lente, mais elle connaît un essor sans précédent au cours de la longue période de paix qui s’étend de 1713 à 1744. Pour protéger ses zones de pêche, son territoire et les échanges commerciaux avec la colonie, la France a donc érigé une imposante forteresse à Louisbourg. Le développement de l’agriculture rapporte des surplus qui, à compter de 1720, sont exportés vers l’île Royale et les Antilles françaises. Le territoire du Canada compte environ 200 seigneuries. Le peuplement accéléré par un taux de natalité très élevé entraîne la création de paroisses.

Concernant l’évolution économique du Canada français au XVIIIe siècle, à cette époque, c’est donc toujours l’agriculture qui, sans surprise, continue d’occuper la majorité des Canadiens. La vallée du Saint-Laurent se caractérisait par une longue bande ininterrompue de villages, hameaux et fermes, constituant en quelque sorte le grenier à blé du Canada. La population urbaine, quant à elle, comptait en outre de nombreux artisans, lesquels bénéficiaient d’un régime beaucoup plus libéral qu’en métropole. Autour des années 1730, peu avant la guerre qui devait bientôt signer la fin de la Nouvelle-France, le Canada connaissait même un embryon de développement industriel avec l’essor des forges du Saint-Maurice, qui permettaient désormais à la colonie d’être autonome dans la production d’une multitude de produits du fer (chaudrons, boulets de canon, poêles, etc.), ainsi qu’avec le développement d’une (modeste) industrie de la construction navale.

L’exploitation du fer débute en 1733, à environ 12 kilomètres de la rivière Trois-Rivières. Un ruisseau qui se jette dans la rivière Saint-Maurice fournit la force hydraulique, et, pour faire fondre le minerai, on utilise du charbon produit localement.

D’un point de vue sociologique, concernant le Canada français (le cœur de la Nouvelle-France), il est intéressant d’y noter que la société coloniale, influencée par l’élite française qui gère sa destinée, se modèle sur celle de la mère patrie. Elle s’en éloigne toutefois à cause de la faiblesse numérique de la population et d’un contexte économique et géographique radicalement différent. Nobles, bourgeois et bourgeoises, officiers militaires, seigneurs, administrateurs civils et négociants et négociantes s’allient entre eux ou elles. Ensemble, ils et elles forment une haute société très sensible aux faveurs des autorités de la colonie.

Cependant, 80 % de la population vit sur la terre et des produits de la terre. Chaque génération produit de nouveaux pionniers et pionnières qui recommencent à défricher, peupler, s’acclimater aux saisons, aménager une nouvelle portion de territoire et à s’associer à ses voisins. L’importance de la terre, du bien paternel, de l’indépendance économique caractérisent l’appropriation de ce territoire d’Amérique par des descendants de Français.

Un constat qui dresse le portait d’une forte dichotomie entre les élites dirigeantes et la haute-société de cette Nouvelle-France, parfois bien éloignées de leur devoir de bonne gestion et développement de la colonie, et sa population urbaine et rurale, qui réalise depuis des siècles un remarquable travail d’exploration et d’alliance avec les autochtones, de développement de l’agriculture, du commerce, de l’artisanat et de l’industrie. Une population ayant forgé son identité franco-canadienne et qui se caractérise par un fort ancrage et attachement à son pays, un fort patriotisme pour le défendre, qui contraste avec la certaine corruption qui peut exister dans les strates de la haute-société coloniale.

Gravure représentant l’intérieur d’une maison canadienne du XVIIIe siècle

Quant à la Louisiane, suite à l’implantation réussie de Pierre Moyne d’Iberville puis à la fondation de la Nouvelle-Orléans au début du XVIIIe siècle et l’arrivée de colons, l’économie s’y orientera immédiatement vers la production de plantations que son climat bien différent du canadien rendait propice. Production qui décolla dès les années 1710 et 1720, d’abord axée sur l’exportation du tabac (régie par la puissante Compagnie des Indes), mais aussi sur du riz pour le marché local. Ce focus sur le développement de la Louisiane constitue à ce titre l’occasion d’évoquer la question de la pratique de l’esclavage dans les colonies de la Nouvelle-France. Du fait de son économie axée sur les plantations, l’esclavage fut en effet beaucoup pratiqué en Louisiane, bien qu’à une relativement petite échelle comparée aux Treize Colonies anglaises ou aux Antilles (la Louisiane comptait en effet environ 7 000 ou 8 000 esclaves au milieu du XVIIIe siècle, pour environ autant d’Européens).

Esclaves au travail dans une plantation de Virginie en 1798
Deux esclaves sous l’œil de leur contremaître en Louisiane…

Quant au reste de la Nouvelle-France (Canada, Acadie,…), l’esclavage y fut globalement marginal. Quelques esclaves amérindiens (faits captifs par d’autres tribus, et que l’on nommait les panis), furent achetés par des Français, essentiellement dans la région du Missouri, ceux-ci étant ensuite revendus au Canada ou en Louisiane, où l’on tentait de les faire travailler dans les plantations. Quant à l’importation d’esclaves noirs au Canada, elle fut interdite jusqu’au XVIIIe, après quoi elle devint significative avec environ trois cents Africains qui furent transportés au Canada, ce qui reste peu à nouveau par rapport au Treize Colonies, à la Louisiane ou surtout aux Antilles. L’économie du Canada ne fut cependant pas esclavagiste : l’achat d’un esclave correspondait à l’affichage d’un statut social élevé. On les retrouvait ainsi chez de riches particuliers ou au sein de grands établissements qui les utilisaient comme domestiques (propriété en ville, grands domaines seigneuriaux, Églises, hôpitaux,…).

*****

Le « Grand Dérangement : l’une des premières épurations ethniques de l’Histoire moderne

La déportation des Acadiens en 1755, fait partie des évènements que les Historiens classent dans la période dite du « Grand Dérangement » et qui s’étire jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. L’expression désigne l’expropriation et la déportation massives des Acadiens qui interviendront durant la prise de possession par les Britanniques d’une partie des colonies françaises en Amérique, lors de la désastreuse guerre de Sept Ans (1756-1763).

Gravure illustrant une scène d’expulsion des Acadiens

Après l’annexion de 1713, 10 000 paysans français étaient en effet demeurés en Acadie. Fort des garanties accordées par le traité d’Utrecht, ils étaient passés sous le contrôle de l’autorité britannique. Considérés comme « Français neutres » depuis 1730, ils s’étaient tenus tranquilles pendant la guerre de Succession d’Autriche, malgré les sollicitations canadiennes, ce qui n’empêchait pas les gouverneurs britanniques de les redouter et de multiplier, à leur égard, les mesures de surveillance. Le clergé catholique était particulièrement visé car il jouait un rôle central dans la direction des communautés acadiennes.

Il est à noter quand même que depuis le traité d’Utrecht, les autorités anglaises permettaient aux Acadiens de pratiquer la religion catholique, et par le fait même, toléraient la présence de missionnaires sur le territoire. Malgré la fin du rêve civilisateur qu’avaient entretenus les congrégations religieuses jusqu’au début des années 1680, l’Etat Français leur avait confié un mandat de porte-parole auprès de ses alliés amérindiens et Acadiens. Aux yeux des autorités anglaises, le rôle de ces prêtres étaient dès lors pratiquement celui « d’agents provocateurs », puisqu’ils exerçaient un ascendant évidant chez les Micmacs, chez qui les Français entendaient effectivement entretenir le feu guerrier en cas de conflit avec les Anglais.

La lecture de l’ordre de déportation des Acadiens par le colonel Winslow, dans l’église de Grand-Pré, le 05 septembre 1755.

En 1750-1754, les Acadiens sont au nombre d’environ 17 000, dont 13 000 en Nouvelle-Écosse, les autres étant installés à Cap Breton, dans l’île Saint-Jean (aujourd’hui île du Prince-Édouard) et dans l’Acadie continentale (aujourd’hui le Nouveau-Brunswick). Face au contexte d’une rivalité franco-anglaise à nouveau exacerbée, ils ne purent manquer de voir leur marge de manœuvre fondre à l’approche de la guerre de Sept Ans. La région connue aujourd’hui sous le vocable de Provinces maritimes du Canada constituait en effet un enjeu stratégique fondamental pour les deux rivaux impériaux et leurs ambitions sur le continent. Dans cette perspective, les deux adversaires se cantonnèrent d’abord dans leurs positions, entre autres sur la frontière entre la Nouvelle-Ecosse et l’Acadie continentale, en construisant les forts Beauséjour et Gaspereaux du côté français, et Lawrence du côté anglais. Ce dernier fort portait le nom du colonel Charles Lawrence, chez qui naquit en 1755 le désir d’aller plus loin : en organisant l’expulsion de la population d’origine française de l’Acadie péninsulaire.

À ce stade du récit, il convient de noter que les déplacements forcés de populations ne représentaient pas alors une innovation stratégique en cas de conflit. Les autorités françaises de Nouvelle-France y avaient songé en cas de conquête de la Nouvelle-Angleterre et la mesure avait été appliquée contre les villages côtiers anglais de Terre-Neuve durant les guerres de la Ligue d’Augsbourg et de Succession d’Espagne. Du côté anglais, il ne fait pas de toute que l’option d’expulser les Acadiens de Nouvelle-Ecosse avait été depuis longtemps envisagée au Colonial Office et dans les officines au pouvoir en Nouvelle-Angleterre. Il n’en demeure pas moins que déplacer plus de 14 000 personnes exigeait la mise en place de ressources considérables pour l’époque. Lawrence avait estimé le nombre de navires nécessaires à l’opération et leurs destinations, il n’attendait maintenant plus qu’un prétexte pour pouvoir mettre son plan à exécution.

La déportation des Acadiens sera supervisée et opérée par l’armée britannique (non pour la dernière fois de son histoire…).

Cette première occasion lui vint en lien avec la défaite de Braddock dans l’Ohio. Prétextant  avoir perçu des menaces en provenance de Louisbourg, du fort Beauséjour et de Québec, il convoqua les représentants acadiens pour les inciter à profiter d’une dernière occasion de prêter un serment d’allégeance inconditionnelle envers la couronne britannique. Bien que les représentants aient d’abord refusé son offre avant de se rétracter, Lawrence prétendit qu’ils avaient eu maintes chances de démontrer leur fidélité depuis 1713 et qu’ils avaient immanquablement failli à leur devoir. Au même moment, l’attaque et la chute du fort Beauséjour permirent aux Anglais d’y capturer une douzaine d’Acadiens. Ces derniers prétendirent que les Français les avaient contraints à participer à la défense du fort mais rien n’y fit : ils furent considérés comme prisonniers de guerre.

L’historiographie a montré depuis longtemps que Lawrence était déterminé à suivre son plan, quelle que fût la décision des Acadiens. L’affaire de Beauséjour fut un parfait prétexte pour l’en conforter. Le sort en en fut donc jeté, et la nouvelle d’une déportation imminente sema le désarroi chez les représentants acadiens. L’annonce de l’ordre de déportation, prononcé par les autorités britanniques dans l’église de Grand-Pré le 28 juillet 1755, constitue aujourd’hui encore un événement fondateur de l’identité acadienne. Depuis quelques années, les cloches d’églises retentissent ainsi un peu partout en Acadie chaque 28 juillet. Près de 6 500 Acadiens, hommes, femmes et enfants, furent les mois suivants transportés dans les colonies anglaises.

Sur la douzaine de milliers d’Acadiens forcés de quitter leurs terres entre 1755 et 1757, environ un tiers sera déporté vers les Treize Colonies et un autre tiers vers la Grande-Bretagne et le reste des colonies britanniques (le dernier tiers se réfugiant majoritairement pour sa part au Québec et en Louisiane).

Les Acadiens sont traités sans ménagement par le colonel Monkton, qui parcourt le pays pour détruire les villages, les églises et rassembler les populations avant leur transfert. Des scènes dignes des conflits du XXe siècle se produisent : des familles sont dispersées avant leur déportation dans d’autres colonies britanniques (où elles sont très mal reçues). 4 000 Acadiens succombent, victimes des mauvais traitements. 1 200 personnes sont cachées par les Micmacs dans les bois, mais beaucoup meurent de froid et de faim tandis que d’autres sont pourchassés par les Britanniques comme rebelles et hors-la-loi. Certains reviennent s’établir en France (à Belle-Ile ou dans le Poitou). Environ 20 % de la population d’Acadie réussit à s’enfuir au Québec, où de nombreux acadiens combattront pour ralentir l’avancée britannique vers Québec, jusqu’aux ultimes batailles finales..

Avec l’arrivée de colons britanniques sur les terres prises aux Acadiens, le peuplement de la région se retrouve bouleversé. A noter enfin qu’environ 2 000 Acadiens trouveront asile en Louisiane. Ces réfugiés devinrent des colons, et leurs descendants des Cajuns, qui connaissent aujourd’hui un regain culturel important dans l’Etat américain de Louisiane. La déportation aura donc fait des Acadiens un peuple sans frontières, formant une diaspora internationale.

Extraits de la BD Les pionniers du Nouveau Monde (tome 2 : « Le grand dérangement »)

(Extrait des Pionniers du Nouveau Monde, op. cit.)

(Extrait des Pionniers du Nouveau Monde, op. cit.)

(Extrait des Pionniers du Nouveau Monde, op. cit.)

Plus de deux siècles et demi après ces faits, la déportation a toujours sa place dans l’actualité canadienne. Malgré la reconnaissance par le gouvernement fédéral des torts causés aux Acadiens, certains de leurs descendants tentent en effet de faire appliquer le terme « génocide ethnique » aux intentions britanniques de l’époque. D’autres lui préfèrent le terme « génocide identitaire ». Les promoteurs de ces thèses suivent avec intérêts les suites du rapport, déposé le 3 juin 2019 par une commission d’enquête publique, sur les femmes autochtones disparues ou assassinées au Canada ces dernières décennies. Le terme de « génocide » y apparait en effet une centaine de fois. Le Gouvernement fédéral entend s’en tenir, dans leur cas, à la notion de « génocide culturel ». Mais en cas de renversement de situation, les tenants du génocide acadien y verront certainement une opportunité pour relancer le débat.

Aujourd’hui encore, « cette sombre page de l’histoire coloniale et ses terribles conséquences semblent encore loin d’être en passe d’être correctement reconnues, afin que petit à petit, les rancœurs s’apaisent et les plaies familiales se referment » (source : Le Figaro Histoire n°45, « Et in Acadia ego », 2019).

Zoom sur : la guerre de Sept Ans (1756-1763), la première guerre mondiale de l’Histoire ?

S’ils eurent évidemment leurs ressorts et leurs protagonistes propres (tout en étant en partie à l’origine de cette guerre), les affrontements entre Franco-Canadiens (et Amérindiens) et Britanniques en Amérique du Nord ne constituent toutefois (il faut bien l’avoir en tête) que quelques pions dans la vaste partie d’échecs planétaire qui opposera la France et l’Angleterre (et leurs alliés respectifs) durant près de huit longues années, sur l’ensemble du continent européen aussi bien que sur près de la moitié des mers du globe !

Une guerre de « Sept Ans » qui s’inscrit elle-même, en outre, dans la continuité et conséquence directe de la précédente : la guerre dite de « Succession d’Autriche ». Guerre qui marqua quant à elle la fin de la « première Entente cordiale » entre nos chaleureux amis français et britannique (et plus exactement même l’ouverture de près d’un siècle d’hostilités et d’affrontements quasi-ininterrompus entre ces derniers – que de célèbres historiens se sont d’ailleurs plu à qualifier de « Seconde guerre de Cent Ans » !).

Par sa durée, par l’étendue des opérations et leur intensité, mais aussi par le nombre de puissances qu’il engage, ce gigantesque conflit planétaire mérite bien son titre de « première guerre mondiale » de l’Histoire. À l’exception des Provinces-Unies restées neutres, tous les grands empires européens sont en effet impliqués dans le conflit – qui se déploiera sur pas moins de quatre continents et de trois océans. Cette guerre se démarque également par ses ressorts : pour la première fois en effet, l’influence des héritages dynastiques est mineure, et ce sont désormais les intérêts géopolitiques et socioéconomiques et non plus la politique qui constituent la première préoccupation des puissances engagées dans ce conflit – une rupture qui le distingue fondamentalement des précédents. Par le caractère vraiment global de la lutte qui opposera en particulier la France et la Grande-Bretagne dans ce conflit, la guerre de Sept Ans inaugure et préfigure les grandes guerres du XIXe et du XXe siècle, tout en signant le début de l’ère de la puissance navale et du contrôle géostratégique du monde !

Loin d’en être le terrain central, l’espace nord-américain ne constitua ainsi que l’un des théâtres d’une guerre qui se porta ainsi de l’Atlantique à l’océan Indien (en passant par les Antilles), de la Méditerranée aux côtes brésiliennes et africaines (et, continentalement, de l’Espagne à la Pologne actuelle). Un conflit de plus entre grandes puissances européennes (les fameux « Great Power » de l’époque) qui, s’il restera fortement et premièrement terrestre, atteindra également une dimension maritime et internationale inédite, de par l’intensité des enjeux et des frictions coloniales qui s’y manifesteront. Autant de dynamiques qui préfigureront d’ailleurs du nouvel ordre mondial (caractérisé par la complète hégémonie maritime et coloniale britannique – connue ultérieurement sous le nom de « Pax Brittanica ») sur lequel déboucheront plus tard les guerres révolutionnaires et napoléoniennes.

Les empires coloniaux européens en 1756, à l'aube de la guerre de Sept Ans (© Sur le champ)
Les empires coloniaux des grandes puissances européennes à l’aube de la guerre de Sept Ans (en bleu : le premier empire colonial français, en rouge : l’empire britannique, en marron : l’empire espagnol, en vert : l’empire portugais, et en jaune enfin, l’empire néerlandais).
(Source : un autre visuel produit par Quentin de la chaîne d’histoire Sur le champ, dans le cadre de ses deux épisodes consacrées à la guerre de Sept Ans)

Les grandes batailles de la guerre de Sept Ans (1756-1763)
La guerre de Sept Ans est un conflit d’envergure planétaire qui se portera sur trois continents distincts : l’Amérique du Nord (et les Antilles), le sous-continent (et l’océan) indien, et le continent européen. En ce sens, elle est considérée par de nombreux historiens comme la première véritable « guerre mondiale » de l’Histoire !

Une magnifique carte de synthèse des grandes batailles terrestres et navales de la guerre de Sept Ans réalisée par le magazine Guerres & Histoire (n°21 d’octobre 2014). Du théâtre nord-américain aux Philippines en passant par l’océan Indien, l’Afrique, l’Europe et les Caraïbes, celle-ci met particulièrement bien en évidence la dimension planétaire inédite de ce conflit… !

Sept ans d’une guerre aussi méconnue que déterminante de l’histoire du Monde (et aux origines de tous les grands conflits du XVIIIe siècle qui lui succèderont), dont je vous propose d’explorer les événements et surtout les grands tenants et aboutissants dans la série d’articles dédiée présentée ci-dessous : une grande fresque historique s’apparentant au nécessaire et passionnant liant entre la présente histoire de la Nouvelle-France et celle de la future guerre d’Indépendance américaine (et plus largement l’un des épisodes centraux d’une vaste série du blog sur cette aussi méconnue que décisive Seconde guerre de Cent Ans !).

L’expérience de plusieurs siècles doit avoir appris ce qu’est l’Angleterre à la France :
ennemis de prétentions à nos ports et nos provinces,
ennemie d’empire de la mer, ennemie de voisinage,
ennemie de commerce, ennemie de forme de gouvernement.

le duc de Saint-SIMON, TOUjours touT EN MESURE et en retenue… !

Pour aller plus loin… 🔎🌎

Ce petit épisode de la série des « Il était une fois… » du blog est en fait extrait de mes deux grandes séries consacrées respectivement à l’épopée de la Nouvelle-France et à la guerre de Sept Ans. Si l’histoire du Canada français et plus globalement celle des empires coloniaux et du « grand XVIIIe siècle » vous intéressent (ce fut en effet une période charnière de l’Histoire moderne), je vous oriente ainsi vers la découverte de ces deux riches séries documentaires.

La première, de l’exploration du Canada à la cession de la Louisiane par Napoléon, des premiers comptoirs de commerce à la colonie royale, des alliances amérindiennes au grand conflit final avec l’Angleterre et ses colonies américaines voisines (et au travers de multiples et superbes cartes et illustrations), vous emmènera ainsi à la découverte de l’ancienne Amérique française, à l’histoire aussi épique que riche d’enseignements !

Et la seconde (consacrée à la guerre de Sept Ans) pour découvrir en profondeur l’histoire de cet immense conflit, considéré par de nombreux historiens comme la première véritable « guerre mondiale » de l’Histoire. Un conflit qui débutera (et se propagera) en effet dans l’ensemble des empires coloniaux du monde, lui conférant ainsi une dimension planétaire et maritime inédite. Une guerre constituant en outre le plus grand choc de l’intense conflit global qui opposera tout au long du XVIIIe siècle la France et la Grande-Bretagne pour la domination (de la mondialisation) du monde ; une suite ininterrompue de conflits, de Louis XIV à Waterloo, d’ailleurs qualifié de « Seconde guerre de Cent Ans » par certains historiens. Une passionnante série d’articles en forme de grande fresque historique, qui vous portera ainsi des Grandes Découvertes à la chute du Canada et des Indes françaises, et de la fondation des grandes empires coloniaux européens outremers et de la naissance de la mondialisation maritime à l’émergence d’un nouvel ordre mondial caractérisé par l’hégémonie planétaire britannique (sur les plans maritime, colonial, économique,…). Une grande série qui vous amènera aussi à mieux comprendre tant les racines de la guerre d’Indépendance américaine que celles de la Révolution française et des guerres napoléoniennes ; autant d’événements qui structureront décisivement notre monde contemporain !

*****

Et sinon, pour les intéressés et autres curieux, vous pouvez prendre connaissance de tous mes articles, (photo)reportages, récits de voyage, documentations et cartes liés à l’histoire et à la géographie de la Grande-Bretagne, ainsi que plus globalement à celle de l’Europe, en consultant les rubriques du site spécifiquement dédiées à ces domaines (accessibles ici : catégorie « Angleterre | Grande-Bretagne | Royaume-Uni » et catégorie « Europe »).

Et si d’autres sujets et thématiques vous intéressent, n’hésitez pas également à parcourir ci-dessous le détail général des grandes catégories et rubriques du site, dans lesquels vous retrouverez l’ensemble de mes articles et cartes classés par thématique. Bonne visite et à bientôt !

Afrique Allemagne | Prusse | Autriche Amériques & Caraïbes Anciennes civilisations Ancien Régime Angleterre | Grande-Bretagne | Royaume-Uni Antiquité Asie Canada | Québec Culture(s) Economie Epoque contemporaine Epoque moderne Espagne | Portugal Etats-Unis Europe France Gaulois | Celtes Grèce Grèce antique Géographie Histoire de France Histoire du Monde Italie Lozère & Cévennes Monde Moyen-Âge Méditerranée Nature & Environnement Nouveau Monde Patrimoine(s) Pays-Bas Politique Préhistoire Rome antique Russie | URSS Révolution(s) Seconde guerre mondiale Société(s) Urbanisme Voyage


Si vous avez aimé cet article et souhaitez que je puisse continuer à en produire d’autres de ce type, toujours plus riches et élaborés, n’hésitez pas à soutenir mon travail en vous abonnant et/ou en me soutenant via la plateforme de don participative d’Histoire Itinérante (les dons récurrents supérieurs à 2 € générant automatiquement un accès abonné au site !).

Merci, chaque soutien, chaque petit euro, est très précieux et déterminant pour l’avenir du site ! 🙏🙂

Soutenez Histoire Itinérante sur Tipeee

Laisser un commentaire