C’est devant les murs de Québec, le 13 septembre 1759, que s’est joué le destin du Canada français, en même temps que, peut-être, celui du monde. Avec la chute de la capitale de la Nouvelle-France, c’est en effet toute la colonie française d’Amérique du Nord qui sera emportée et passera définitivement sous contrôle britannique, tandis que presque au même moment, la France perd également le combat pour les Indes, qui deviendra bientôt le plus important territoire de l’Empire britannique – qui s’apprête à dominer le monde pour plus d’un siècle…
Aujourd’hui oublié, la perte de ce « premier empire colonial français » (dont la chute de Québec constitue le plus haut symbole) marqua un grand tournant de l’Histoire du monde. Ce sont suite à ces défaites françaises dans les continents lointains que les Indes et plus tard l’Australie deviendront des colonies britanniques, et que les États-Unis existeront sous la forme qu’on leur connaît aujourd’hui. Ce sont probablement ces événements qui feront également que l’anglais deviendra la langue internationale, plutôt que le français.
Dans ce petit article extrait de ma grande série sur les origines de la guerre de Sept Ans, ce conflit en forme de grand choc entre la France et l’Angleterre où se joua précisément la domination des Indes et du Canada (et parfois considérée par les historiens comme la première véritable « guerre mondiale » de l’Histoire), je vous propose ainsi de revenir sur l’histoire du siège de Québec, capitale de la Nouvelle-France. Une cité dont la chute devait ouvrir pour les Britanniques, rien de moins que l’Empire du monde… Bonne lecture !
Québec, 1759 : là où se jouera le destin de la Nouvelle-France
12 septembre 1759, sur les falaises boisées qui avoisinent Québec, à l’heure des dernières lueurs d’ombre froide qui précèdent l’aube. La sentinelle postée là, bien que fatiguée de sa longue garde, demeure vigilante. En effet, « l’anglais » n’est pas loin. Juste en face de la ville à vrai dire, sur l’autre rive du Saint-Laurent, où ces derniers ont installé leurs camps. Voilà plus deux mois maintenant qu’une immense armada de vaisseaux et plus de 40 000 hommes sont venus de leur mère patrie faire le siège de la cité, le verrou du Saint-Laurent, la porte d’entrée et l’ultime rempart de la Nouvelle-France – sur laquelle les Britanniques entendent bien mettre la main. Un des théâtres d’opérations d’une guerre planétaire, des mouvements de pions parmi d’autres sur le grand échiquier mondial, où la France et la Grande-Bretagne et leurs alliés respectifs s’affrontent sur presque tous les continents et mers du globe.
Zoom sur : la guerre de Sept Ans (1756-1763), la première guerre mondiale de l’Histoire ?
S’ils eurent évidemment leurs ressorts et leurs protagonistes propres (tout en étant en partie à l’origine de cette guerre), les affrontements entre Franco-Canadiens (et Amérindiens) et Britanniques en Amérique du Nord ne constituent toutefois (il faut bien l’avoir en tête) que quelques pions dans la vaste partie d’échecs planétaire qui opposera ainsi la France et l’Angleterre (et leurs alliés respectifs) durant près de huit longues années, sur l’ensemble du continent européen aussi bien que sur près de la moitié des mers du globe !
Une guerre de « Sept Ans » qui s’inscrit elle-même, en outre, dans la continuité et conséquence directe de la précédente : la guerre dite de « Succession d’Autriche ». Guerre qui marqua quant à elle la fin de la « première Entente cordiale » entre nos chaleureux amis français et britannique (et plus exactement même l’ouverture de près d’un siècle d’hostilités et d’affrontements quasi-ininterrompus entre ces derniers – que de célèbres historiens se sont d’ailleurs plu à qualifier de « Seconde guerre de Cent Ans » !).
Par sa durée, par l’étendue des opérations et leur intensité, mais aussi par le nombre de puissances qu’il engage, ce gigantesque conflit planétaire mérite bien son titre de « première guerre mondiale » de l’Histoire. À l’exception des Provinces-Unies restées neutres, tous les grands empires européens sont en effet impliqués dans le conflit – qui se déploiera sur pas moins de quatre continents et de trois océans. Cette guerre se démarque également par ses ressorts : pour la première fois en effet, l’influence des héritages dynastiques est mineure, et ce sont désormais les intérêts géopolitiques et socioéconomiques et non plus la politique qui constituent la première préoccupation des puissances engagées dans ce conflit – une rupture qui le distingue fondamentalement des précédents. Par le caractère vraiment global (pour ne pas dire holistique) de la lutte qui opposera en particulier la France et la Grande-Bretagne dans ce conflit, la guerre de Sept Ans inaugure et préfigure les grandes guerres du XIXe et du XXe siècle, tout en signant le début de l’ère de la puissance navale et du contrôle géostratégique du monde !
Loin d’en être le terrain central, l’espace nord-américain ne constitua ainsi que l’un des théâtres d’une guerre qui se porta ainsi de l’Atlantique à l’océan Indien (en passant par les Antilles), de la Méditerranée aux côtes brésiliennes et africaines (et, continentalement, de l’Espagne à la Pologne actuelle). Un conflit de plus entre grandes puissances européennes (les fameux « Great Power » de l’époque) qui, s’il restera fortement et premièrement terrestre, atteindra ainsi une dimension maritime et internationale inédite, de par l’intensité des enjeux et des frictions coloniales qui s’y manifesteront. Autant de dynamiques qui préfigureront d’ailleurs du nouvel ordre mondial (caractérisé par la complète hégémonie maritime et coloniale britannique – connue ultérieurement sous le nom de « Pax Brittanica ») sur lequel déboucheront plus tard les guerres révolutionnaires et napoléoniennes.
Sept ans d’une guerre aussi méconnue que déterminante de l’histoire du Monde (et aux origines de tous les grands conflits du XVIIIe siècle qui lui succèderont) dont je vous proposerai en clôture de cet article d’explorer les événements et surtout les grands tenants et aboutissants via deux série d’articles, formant deux épisodes centraux d’une vaste série du blog sur cette aussi méconnue que décisive Seconde guerre de Cent Ans !).
En 1758, déjà, la chute de Louisbourg…
Déjà, l’année précédente, la cité-forteresse de Louisbourg, était tombée. La porte d’entrée du Canada français, située sur une île au large du golfe du Saint-Laurent, se voulait pourtant imprenable. Construite au début du XVIIIe siècle suite à la perte de l’Acadie française (actuelle Nouvelle-Ecosse canadienne), Louisbourg constituait le joyau de l’ingénierie des constructions maritimes françaises, et sa construction avait englouti une large part du budget de la Marine sur plusieurs années. C’était sans compter sur la toute-puissance maritime de l’adversaire britannique, la détermination et le professionnalisme de ses soldats, et l’audace d’un des majors-généraux menant l’opération, un certain James Wolfe – le même commandant, promu entretemps général, qui commande aujourd’hui le siège de Québec.
Après un débarquement coûteux où les chaloupes et les hommes se voient décimés par les lourdes batteries côtières françaises, véritable bouclier de la ville, Wolfe parviendra à mener ses hommes au contact et à mettre les servants des batteries hors de combat, avant de retourner ces dernières vers la cité désormais condamnée. De longs jours de sièges plus tard qui décimeront la population civile (qui se battra jusqu’à ses dernières forces), la cité se rendra, ouvrant aux Britanniques la porte du golfe du Saint-Laurent, et ce faisant de la Nouvelle-France.
Zoom sur : Louisbourg, la dramatique perte de la sentinelle la Nouvelle-France
Fleuron de l’architecture navale, c’est peu dire que Louisbourg occupait une place centrale sur l’échiquier géostratégique français des Amériques. Construite sur l’île de Cap-Breton pour compenser la perte de Port-Royal (Annapolis) suite au traité d’Utrecht, la forteresse servait en effet depuis trois décennies à contrôler l’estuaire du Saint-Laurent et à protéger l’accès au Canada en abritant une forte escadre. Si celle-ci ne fut longtemps pas présente vu la durée de la paix avec l’Angleterre (de 1713 à 1744), le port s’était néanmoins transformé en étape essentielle voire incontournable pour les navires se rendant à Québec. Ville fortifiée de 5 000 habitants où stationnait en permanence une garnison de Troupes de la Marine de 800 hommes, Louisbourg est en effet le dernier port libre des glaces en toute saison de la côte est-américaine (tout en présentant l’intérêt remarquable de se situer à mi-distance entre la métropole et la Nouvelle-France, si celle-ci est évaluée en espace/temps et non en milles nautiques).
Au-delà de son intérêt géostratégique, les sommes gigantesques dépensées par la Marine pour la construction de Louisbourg s’étaient également révélées un excellent investissement commercial. En 1740, Louisbourg bénéficiait en effet d’un trafic commercial presque égal à celui du Canada entier : le port recevait alors jusqu’à cinq cents navires par an et servait de base avancée aux pêcheurs de Terre-Neuve. Louisbourg apparaissait donc comme une réussite qui est tout à l’honneur de la Marine et de l’autorité royale, même si le Canada était demeuré le « petit dernier » de l’Empire en termes de richesse et de peuplement (mais devant la Louisiane cependant). Sa perte s’apparente donc à un désastre pour la France et sa colonie nord-américaine, dont les jours apparaissent désormais comptés…
Décembre 1758. Malgré la grande victoire obtenue au Fort Carillon, qui mit un coup d’arrêt à l’entreprise d’invasion de la vallée du Saint-Laurent par le sud, les commandants de la Nouvelle-France ont bien conscience de la criticité de la situation et de l’étau dans lequel ils se trouvent suite à la chute de Louisbourg. Rien ne peut en effet empêcher désormais les Anglais de venir assiéger Québec par voie de mer, les forces de la Marine française n’étant alors aucunement en mesure de s’affronter à une entière flotte de guerre anglaise. C’est donc dans une optique assez désespérée que le gouverneur Vaudreuil il et Montcalm dépêchent Louis-Antoine de Bougainville (le futur célèbre navigateur) à Versailles pour demander des secours, mais aussi, proposer des stratégies de diversion.
Montcalm et Vaudreuil n’étant pas connu pour leur bonne entente, c’est par des mémoires séparés qu’ils font état de leurs propositions de plan d’action auprès de Versailles. L’esprit en reste cependant le même : l’un suggère une offensive de diversion sur les Antilles britanniques, pour y mobiliser une part significative de leurs flottes et de leurs troupes, ainsi détournées du futur siège de Québec. L’autre suggère le même principe d’attaque, mais ciblé plutôt sur les états américains de la Virginie ou des Carolines. Aucun des deux n’aura gain de cause, et Versailles ne satisfera à aucune de leurs demandes. En guise de secours, on décide d’envoyer quatre navires de munitions et de marchandises et on laisse le soin à l’entreprise privée de transporter des vivres. En fait de soldats, ce sont environ 400 remplacements, plus 40 canonniers et des ingénieurs qu’on envoie.
(source : Les Pionniers du Nouveau Monde, tome 4, p. 18)
Le bien maigre convoi de ravitaillement et de renfort envoyé depuis la Métropole aura quand même de la chance : il parviendra à passer le blocus du Saint-Laurent mis en œuvre par les Anglais, leurs vaisseaux étant à ce moment bloqués par les glaces dans leur port d’hivernage à Halifax (les navires n’arriveront ainsi sur place que quelques jours après le passage de la flottille française). Ce sont ainsi 16 navires qui atteignent Québec le 18 mai. D’autres convois — dont la Chézine qui transporte Bougainville — arrivent au cours des jours qui suivent. Les secours envoyés par la France sont largement insuffisants, mais dans les circonstances, ils apportent la joie et ressuscitent un peu d’espoir dans la population.
(source : Les Pionniers du Nouveau Monde, tome 5, pp. 4-6)
Au début du mois de mai 1759, le commandement français apprend la confirmation de l’expédition contre Québec via le Saint-Laurent. Montcalm quitte alors immédiatement Montréal pour Québec afin d’en préparer la défense. Durant tout le mois de mai et de juin, partout, on s’affaire : on creuse des lignes de retranchements, on aménage de grandes batteries de canons, on installe une grande chaîne de port pour bloquer l’accès à la rivière Saint-Charles, on évacue tout l’avant-pays, qui vient se réfugier dans Québec et ses environs. Du côté de la soldatesque, on mobilise toute la milice du pays (soit près de 16 000 personnes, dont la moitié sont des enfants ou des vieillards), et on intègre les meilleurs miliciens canadiens aux régiments de ligne pour grossir les troupes régulières.
Du côté britannique, l’expédition contre Québec débute le 4 juin, alors que la flotte commandée par l’amiral Charles Saunders quitte le port de Louisbourg pour remonter le fleuve Saint-Laurent jusqu’à Québec. La flotte comprend environ le quart de toute la marine royale britannique, plus des transporteurs marchands. On y dénombre 49 navires de guerre ayant à leur bord quelque 13 500 hommes d’équipage, ainsi que 119 vaisseaux marchands, opérés par 4 500 matelots et transportant un corps de débarquement de 8 500 soldats réguliers.
Le 26 juin, l’armada britannique atteint l’île d’Orléans, devant Québec, sans grande difficulté. Des cartes de navigation françaises, de même que de l’information soutirée à des marins français faits prisonniers, ont permis contre toutes attentes aux pilotes britanniques de s’avancer sans crainte dans le dangereux chenal du Saint-Laurent et d’atteindre ainsi leur destination sans perte…
(source : Les Pionniers du Nouveau Monde, tome 5, pp. 26-27)
(source : Les Pionniers du Nouveau Monde, tome 6, p. 28)
La défense de Québec
Si l’on se désespère de l’arrivée de l’armada britannique, qui retire tout espoir d’un secours venant de la mer (la marine française de l’époque ne pouvant rivaliser avec celle de son adversaire historique, bien mieux équipée et entraînée, et contrôlant l’Atlantique), on peut encore s’appuyer sur quelques forces de l’intérieur. Notamment quelques milliers de soldats qui avaient pu venir renforcer la défense de la Nouvelle-France, lors du dernier convoi qui était parvenu à passer entre les mailles anglaises quelques mois plus tôt.
(source des illustrations suivantes : Les Pionniers du Nouveau Monde, tome 5, p. 19)
Et puis la première défense de Québec reste la configuration de la ville elle-même : bâtie au sommet d’une falaise dominant un rétrécissement du fleuve (Québec signifiant littéralement dans le dialecte amérindien dont son nom français dérive « là où la rivière se rétrécit »), la cité est puissamment fortifiée. Des rangées de canons garnissent en effet la puissante forteresse (qui épouse le bout de la falaise rocheuse), complétées des puissantes batteries installées à hauteur du fleuve, autour de la ville basse et sur la longue plage située en aval de la cité (défenses aménagées à l’initiative de Montcalm, devant l’imminence de l’arrivée ennemie).
Québec demeure ainsi quasiment imprenable frontalement. Et le temps ne joue pas en faveur des Britanniques. Dès le début de l’automne, la baie du Saint-Laurent est prise dans les glaces (la Nouvelle-France n’étant ainsi accessible que six mois par an), et la flotte anglaise et son armée se retrouveraient alors bloquées sur place, sans ravitaillement, quand Québec peut compter en partie sur celui de son arrière-pays : le bassin du Saint-Laurent, de Montréal à Trois-Rivières, la région la plus peuplée de la Nouvelle-France. Wolfe enverra bien ses troupes ravager l’arrière-pays, brûler les fermes, détruire les récoltes, mais pendant des semaines, Québec tient bon (bien que durement bombardée par les puissants vaisseaux de lignes anglais et surtout les batteries installées face à la ville).
(source : Les Pionniers du Nouveau Monde, tome 5, p. 26)
Très vite, les Britanniques installent en effet de grandes batteries sur la Pointe Levis, juste en face de ville et de la citadelle de l’autre côté du fleuve, à une distance d’un kilomètre et demi environ. Une fois tous les préparatifs terminés, le soir du 12 juillet, les batteries ouvrent le feu et la ville sera bombardée pratiquement toutes les nuits, et parfois le jour également, pendant deux mois.
Douze jours plus tard, ce ne sont pas moins de quelques 15 000 bombes qui ont été projetées en direction de Québec. Mais dans cette campagne de bombardement massive, le pire reste l’utilisation par les Britanniques de sorte de projectiles incendiaires (appelés « carcasses »), qui déclenchent des incendies majeurs dans toute la Haute-Ville et la Basse-Ville. Le 18, une énième carcasse provoque l’incendie le plus violent qui détruira Notre-Dame-des-Victoires. Le lendemain de ce drame, on constate que plus de la moitié des édifices de la ville sont détruits.
(source : Les Pionniers du Nouveau Monde, tome 6, pp. 3-4)
L’assaut (raté) des falaises du Montmorency
Les exactions ne s’arrêtent pas là : Wolfe, en attendant de trouver un nouvel angle d’attaque après l’échec de son débarquement à Beauport, envoie des compagnies de rangers aller battre la campagne pour brûler les villages, hameaux, fermes, dans des rayons toujours plus importants. Ainsi, pendant que ses hommes bombardent la ville de Québec, incendient et pillent les campagnes québécoises, le général Wolfe mijote un nouveau plan d’attaque. Campant sur l’île en face de Québec (dénommée l’Isle d’Orléans), déterminé à prendre pied sur l’autre rive pour prendre la ville à revers, le général en chef du corps expéditionnaire britannique décide de tenter un assaut sur un lieu appelé le Montmorency : une petite faille dans les falaises boisées situées un peu en aval de Québec. Le débarquement doit permettre à l’armée de Wolfe d’établir une tête de pont sur la rive gauche du Saint-Laurent, afin de pouvoir ensuite mener un siège en règle de la cité, à même de faire enfin capituler la puissante citadelle.
Les chaloupes chargées de grenadiers anglais glissent dans la nuit sur le fleuve, débarquent leurs hommes sur la petite plage que domine la falaise, et retournent aux vaisseaux réembarquer de nouveaux hommes. Ils sont accueillis par quelques canons français, qui font des ravages. Quelques chaloupes sont sacrifiées. Mais rapidement les grenadiers débarqués mettent en déroute les canonniers qui fuient vers les hauteurs. Ils doivent alors attendre le reste des troupes de débarquement, et notamment la jonction prévue avec les hommes de Townshend (le général en second du corps expéditionnaire britannique). N’écoutant pas les ordres mais seulement leur fierté – eux les héros de la prise de Louisbourg, ils se lancent à l’assaut pénible des pentes pierreuses et rendues boueuses par la pluie de la veille.
(extrait de la BD Les pionniers du Nouveau Monde, tome 5, « Le sang et la boue »)
L’ascension est difficile, et pire encore : à mi-chemin la falaise est entaillée par de petits ravins où des fortifications de rondins ont été rapidement établies par les miliciens canadiens et Français, qui les attendent… Les mouvements des bateaux anglais ont en effet été décelés par les guetteurs, et dans la nuit, Montcalm, le général français commandant la défense de Québec et de la Nouvelle-France, a envoyé en hâte des compagnies de soldats et de miliciens canadiens prendre position sur les falaises, cachés dans les bois. Les alliés amérindiens des Français sont là aussi. La guerre d’embuscade et de contact, ils la connaissent bien, c’est la façon de se battre dans laquelle ils excellent.
N’ayant pas attendu le débarquement complet et l’assaut méthodique de la falaise prévu par leur général, les téméraires grenadiers britanniques se retrouvent ainsi pris sous le feu français, bien protégé derrière les arbres et les divers couverts que l’environnement leur offre, et c’est la boucherie. Les soldats d’élite redescendent comme ils peuvent la falaise de feu quand un orage éclatant vient ajouter à la catastrophe. En quelques instants, la roche devient très glissante, tandis que les terres se détachent et dévalent vers la plage. Les Anglais glissent, s’embourbent, leur poudre est mouillée. Et tandis que les troupes d’élite alourdies par leur équipement pataugent misérablement dans la boue, essayant de regagner la plage, les soldats amérindiens, s’employant à mener la guerre à leur façon, se jettent sur eux avec leurs hachettes en poussant des cris terribles, et les taillent en pièce.
Pour mettre un terme à ce qui se transforme en une violente boucherie, Montcalm se voit même obligé d’envoyer ses troupes régulières mettre un terme au massacre. Pour le corps expéditionnaire britannique, l’opération est un désastre. Le commandement de Wolfe est sérieusement remis en question par ses seconds, notamment par l’ambitieux Townshend, son rival, qui le déteste. On accuse Wolfe de cet échec, le presse de faire demi-tour et de refaire voile vers l’Angleterre : en effet, la métropole demande main-forte pour les combats maritimes également vigoureux en Europe. Mais Wolfe ne veut partir sans avoir offert la prise de la ville à son pays.
Zoom sur : l’alliance franco-amérindienne, premier instrument de défense de la Nouvelle-France
Les alliances indiennes étaient indispensables aux Français pour pallier la faiblesse de leur peuplement et compenser le déséquilibre démographique face aux colonies britanniques.
François Ternat, Partager le monde – Rivalités impériales franco-britanniques (1748-1756), p. 165
Il ne faut jamais oublier que tout au long de l’histoire de la Nouvelle-France et des Treize Colonies, l’affrontement entre les colonies françaises et anglaises d’Amérique du Nord demeura un jeu à trois acteurs. Tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles, les nations autochtones ont en effet constituées un « tiers partie », avec lesquels Français et Britanniques durent composer en permanence (et qu’ils ne cessèrent chacun d’instrumentaliser de toutes les façons possible pour arriver à leurs fins respectives). Dans les faits, ce furent ainsi ces réseaux d’alliances et les opérations « hybrides » alliant Européens et Amérindiens (et le fait que les premiers – en particulier les Canadiens – adoptent les techniques de guerre des seconds – guérilla et guerre des bois), bien davantage que la construction de forts ou la présence de quelques canons, qui décidèrent de bien des victoires ou défaites des nations européennes implantées sur le continent. Bien que terriblement décimés par le choc de l’échange colombien dès l’arrivée des Européens, les Amérindiens sont encore présents par centaines de milliers dans les territoires orientaux de l’Amérique du Nord, et constituent une puissante force (bien que complètement divisée entre ethnies et nations souvent rivales) avec laquelle Français comme Britanniques ne vont cesser de s’affairer. Ce sont en particulier les Français, bien moins nombreux et plus intéressés d’une bonne coopération et cohabitation avec les nombreuses nations amérindiennes de l’intérieur du continent, qui ont noué les relations (commerciales, militaires et civiles) les plus solides avec ces dernières. Aussi les Canadiens de la Nouvelle-France passent-ils au moment de la grande montée en tension entre les colonies françaises et britanniques pour les alliés traditionnels et naturels de nombreuses tribus.
Au temps de la Nouvelle-France, les Autochtones de la vallée du Saint-Laurent, d’Acadie et de la région des Grands Lacs étaient bien au fait de la réputation de « mangeurs de terre » des colonisateurs britanniques. Outre la Ligue des Cinq-Nations iroquoises, ils eurent largement tendance à s’allier aux Français. Au cœur de cette alliance, les miliciens canadiens et leurs frères d’armes autochtones n’étaient rien de moins qu’irremplaçables dans la défense de la colonie française et durant longtemps, ensemble, ils ont fait trembler les forces de l’empire britannique en Amérique du Nord. Naturellement, c’est auprès des Iroquois domiciliés, des Wendats, des Abénakis et des Algonquins, établis à proximité des centres coloniaux, que les habitants du Canada apprirent à guerroyer dans les forêts de l’arrière-pays, usant de tactiques de guérilla, aussi connue dans les annales à titre de “petite guerre”. Pour déstabiliser l’adversaire anglais en période de conflit et le maintenir sur un pied d’alerte, les autorités françaises encourageaient ces hommes ensauvagés à effectuer des raids en territoires ennemis. Ces détachements hautement mobiles entreprenaient alors, à pied ou en raquettes, des expéditions de deux ou trois mois, parcourant des centaines de kilomètres, voire davantage, assistés de chiens et équipés de toboggans. Tombant à l’improviste sur des établissements anglo-américains, leurs cris de guerre suffisaient souvent à semer la terreur dans les colonies de la Nouvelle-Angleterre et de New York. Lors des campagnes militaires plus massives, à la force du nombre et à l’artillerie lourde de l’armée française, s’ajoutait l’avantage de la furtivité de ces forces canado-autochtones qui excellaient notamment dans les embuscades et la surprise. Rapidement, l’efficacité redoutable des combattants canadiens devint légendaire chez leurs voisins du sud, qui en vinrent à les craindre autant que les guerriers des Premiers Peuples. Le gouverneur général de Frontenac, quant à lui, considérait que la manière de combattre de ces guérillas était son atout principal.
Pour ces hommes courageux, le quotidien de ces nombreuses opérations menées jusqu’à la fin du régime français deviendra un puissant vecteur d’acculturation et de métissage. Pour s’adapter à leurs alliés et aux exigences d’un continent sauvage, les Canadiens durent assimiler leurs règles et rituels diplomatiques, dont les expressions “fumer le calumet de paix” ou “enterrer la hache de guerre” sont des vestiges encore d’usage aujourd’hui. Sur la voie de la guerre et des tribulations qui l’accompagnent, ces interactions prolongées contribuèrent fortement à l’autochtonisation des Canadiens ainsi qu’au tissage de liens indélébiles d’amitié et de fraternité.
Marco Wingender, Le Nouveau Monde oublié – La naissance métissée des premiers Canadiens, chapitre « Miliciens canadiens et guerriers autochtones : frères d’armes sur les champs de bataille »
Fort de ces décennies de bonnes relations avec leurs voisins (qui constituent à vrai dire les principaux occupants de la Nouvelle-France), les Français vont ainsi réussir à rallier derrière eux, durant les premières phases de la guerre de Sept Ans, la plupart des nations amérindiennes du continent nord-américain (tandis que dans le même temps, les Britanniques peineront à empêcher leurs alliés historiques des nations de la Ligue iroquoise de se joindre aux Français…). Cette alliance fut décisive pour le camp franco-canadien, car elle lui permit de contrebalancer en partie le grave déséquilibre démographique qui jouait quant à lui largement en faveur des colonies américaines.
Les Amérindiens domiciliés de la vallée du Saint-Laurent (Hurons, Algonquins, Abénaquis et Iroquois) figureront historiquement parmi les alliés les plus sûrs des Français. Au moment du déclenchement des hostilités, ces derniers peuvent ainsi réunir près d’un millier de guerriers, qui combattront d’ailleurs aux côtés des uniformes blancs jusqu’à la toute fin du Régime français. Les nations des Grands Lacs et de la vallée de l’Ohio joueront pour leur part un rôle encore plus décisif dans cette alliance car fournissant un plus grand nombre de guerriers, mais aussi parce qu’elles occupent des territoires où les Européens demeuraient très minoritaires.
Parmi les domiciliés, certaines communautés eurent un rôle hautement stratégique, à la fois en raison de leur nombre et de l’emplacement de leurs villages. Ainsi était-ce en particulier le cas des Iroquois de la région de Montréal (et notamment ceux de Kahnawake, et des Abénaquis d’Odanak) : ceux-ci formaient en effet le plus fort contingent de guerriers, et leurs villages situés sur la rive sud du Saint-Laurent, voie d’invasion naturelle pour les colonies américaines, avaient une grande portée stratégique (source : Musée de la Neufve-France).
(source : Les Pionniers du Nouveau Monde, tome 1, p. 32)
La guerre de la Conquête (que les Anglo-Saxons n’appelleront pas sans raison la « French and Indian War »), sera ainsi en premier lieu un conflit tripartite, combinant partout et tout le temps contingents européens et amérindiens lors des affrontements armés. En plus de l’appui guerrier décisif qu’ils apporteront à des Français en large infériorité numérique, l’emploi des techniques de guerre propres aux nations autochtones (art de la guérilla) jouera de surcroit un rôle déterminant dans les principaux affrontements de la Conquête. Familiers des déplacements dans les vastes forêts américaines, les miliciens canadiens héritiers des coureurs des bois ont en effet été les premiers à adopter avec efficacité les tactiques amérindiennes de la guerre des bois. Leur utilisation pragmatique contre des forces supérieures en nombre mais s’affairant encore à combattre « à l’européenne » constituera ainsi la clé des succès initiaux de la Nouvelle-France contre les colonnes britanniques.
Suite à l’assaut désastreux du Montmorency, le commandement de Wolfe est sérieusement bousculé par ses seconds (en particulier par Townshend), et l’hiver canadien approchant désormais dangereusement, les officiers envisagent même de lever le camp et de refaire voile vers la Grande-Bretagne. Ayant le destin de l’Amérique entre ses mains, Wolfe est néanmoins déterminé à tenter une ultime opération avant d’abandonner la partie. Après avoir écarté de nouveaux plans d’attaques par l’Est, ses conseillers lui recommandent alors l’idée d’une attaque par l’Ouest, et notamment par l’Anse au Foulon, un petit sentier au travers des falaises menant à la plaine débouchant sur la cité.
* * *
L’Anse au Foulon
12 septembre 1759, à nouveau. Notre sentinelle entend un craquement dans le bois, quelque part en-dessous d’elle. « Halte ! Qui va là ? ». Elle n’aura pas le temps de le savoir. Un poignard habilement lancé file dans la pénombre et vient transpercer la poitrine de notre homme. Des centaines d’ombres glissent furtivement le long d’un sentier dans les bois qui relient le pied de la falaise à la plaine qui domine Québec.
(extrait de la BD Les pionniers du Nouveau Monde, tome 6, « La mort du loup »)
La mer est pleine de chaloupes qui font des allers-retours entre les fiers vaisseaux de lignes et frégates anglaises et la falaise, débarquant dans la nuit des milliers et des milliers d’hommes – presque toutes les forces disponibles.
D’ordinaire, le général Bougainville et ses hommes patrouillent la zone, mais cette nuit, ils étaient bien loin de là, attirés par de fausses menaces à l’ouest. Le lever du soleil s’accompagne d’une vision d’horreur pour la garnison de la ville : toute l’armée de Wolfe est déployée sur les plaines d’Abraham, face au côté le moins bien défendu de la cité. Et les 3 000 hommes qui patrouillent continuellement la plage située en aval de Québec pour y prévenir tout débarquement britannique sont de l’autre côté de la cité. Ils vont en revenir à marche forcée, fatigués d’avance du rude combat qui s’annonce. Wolfe a fait parfaitement aligner ses grenadiers, des soldats d’élite, d’une discipline rare. Ils ont armé leurs fusils d’une double charge, et n’ont ordre d’ouvrir le feu que lorsque l’ennemi ne sera plus qu’à 40 pas. Un feu dévastateur, pour qui est prêt à endurer le feu adverse jusqu’à ce que ce dernier n’arrive enfin à portée…
La bataille pour la Nouvelle-France (13 septembre 1759)
Il est maintenant 10 heures, et les Français, réunis sous les murs, se préparent à l’attaque. Montcalm a décidé d’accepter le combat, une décision que les historiens ont toujours du mal à comprendre aujourd’hui étant donné la configuration de la bataille (des renforts étant alors susceptibles d’arriver à tout moment et de prendre ainsi à revers les troupes de Wolfe, sans compter les francs-tireurs qui harcèlent les Britanniques depuis les flancs et leur infligent des pertes importantes). Les régiments français chargent dans le désordre, gênés dans leurs manœuvres et leurs formations par les miliciens canadiens, qui combattent en se plaquant à terre (les tactiques de la guérilla des non-soldats de métier et autres coureurs des bois se mariant effectivement fort mal à la discipline indispensable d’une bataille rangée…).
100 mètres, 80 mètres, 70 mètres… Des grenadiers de première ligne tombent, mais les ordres sont formels, et les fusils anglais restent muets.
60 mètres, 50 mètres, 40 mètres,… Enfin l’ordre des officiers tombent. « FIRE ». La première volée décime les premières lignes françaises. Les grenadiers rechargent, et enchainent les salves. Les soldats français désorganisés peinent à opposer un contre-feu efficace.
10h15. Les régiments écossais dégainent leurs célèbres grandes épées, et font des ravages. Les soldats sont maintenant au contact. Quelques centaines de miliciens et d’amérindiens embusqués dans les bois latéraux font bien du dégât aux Britanniques, mais le rapport est trop inégal : de nouveaux renforts arrivent sur la plaine, et les Français se replient.
Les pertes sont lourdes des deux côtés. Wolfe, à cheval en train d’encourager ses hommes, s’est pris une balle en pleine poitrine, et meurt sur le champ de bataille (en ayant comme dernière vision la grande victoire qu’il vient d’offrir à la Couronne britannique).
Également mortellement touché alors qu’il manœuvrait au milieu de ses hommes, Montcalm est emmené à l’hôpital, où il décèdera dans la nuit. C’est l’une de ces rares batailles de l’Histoire où les commandants des deux camps seront morts durant l’affrontement, au milieu de leurs hommes. Le lendemain, Québec se rend. Le rempart de la Nouvelle-France est tombé.
Plus rien ne s’oppose désormais à l’invasion britannique, si ce n’est quelques derniers milliers d’hommes menés par le chevalier de Bougainville, qui avaient été appelés en renforts. Renforts qui arriveront à 11 heures le jour même de la bataille des plaines d’Abraham, et qui, si Montcalm avait choisi de temporiser et de les attendre, auraient pu changer le cours de la bataille et de l’Histoire…
Zoom sur : le combat des plaines d’Abraham (1759)
Si l’année 1759 va être pour les Anglais l’Annus Mirabilis (« l’année des miracles ») de cette guerre de Sept Ans en Amérique, l’été 1759, avec la prise de Québec, en est le zénith. Pourtant, lorsque la grande flotte transportant les 8 500 soldats de Wolfe jette l’ancre dans le chenal au nord de l’île d’Orléans le 21 juin, la tâche monumentale de prendre par la force la plus grande forteresse du continent parait immense. En septembre, malgré un siège pénible et démoralisant pour la population, les bombardements incessants et la destructions générale de la ville et des villages de la région, Québec tient bon et Wolfe n’a toujours pas réussi à détruire l’armée de Montcalm qui en garde les accès, solidement retranchée sur la côte de Beauport. Wolfe tente alors le tout pour le tout et ordonne à ses brigadiers d’embarquer 3 600 hommes pour une expédition en force sur la rive nord du Saint-Laurent.
Dans la nuit du 12 septembre, les hommes de sept régiments de tuniques rouges débarquent au lieu dit l’Anse au Foulon, à environ 3 kilomètres à l’ouest de la ville, au pied d’une falaise abrupte en haut de laquelle mène un petit sentier oublié, dont Wolfe a appris l’existence par la bouche d’un anglais, prisonnier à Québec l’année précédente. Les Highlanders ayant rapidement maîtrisé les sentinelles françaises en haut de la falaise et réduit la batterie de Samos située tout près, Wolfe peut dès 8 heures aligner ses troupes sur le plateau ondulant connu sous le nom des Plaines d’Abraham, parcouru des chemins de Sillery et de St-Foy, débouchant respectivement sur les portes St-Jean et St-Louis de la ville fortifiée.
Montcalm ayant finalement eu vent des événements, dépêche en vitesse ses réguliers (qui patrouillaient la plage de l’autre côté de la ville) vers les Plaines et à la surprise de voir les Anglais « là où ils ne devraient pas être », ce qui l’abat complètement. A 10 heures, tous ses réguliers étant en ordre de bataille sur les Buttes à Neveu, et malgré l’absence d’une partie de ses auxiliaires, il décide d’attaquer. Cette décision, lourde de conséquences, va précipiter le résultat de la bataille sans donner d’avantage réel à Montcalm. En effet, les hommes de Wolfe essuient depuis très tôt le matin un feu dispersé mais harcelant de la part des francs-tireurs canadiens et amérindiens qui sont embusqués sur les flancs du plateau. Les brigadiers ayant du mal à garder l’ordre des troupes, Wolfe s’est résigné à autoriser les hommes à se coucher au sol pour se protéger des balles qui sifflent à leurs oreilles.
La ligne française, en partie sur les hauteurs à l’ombre des remparts, est en excellente position pour se replier à l’abri en cas de besoin et domine le terrain. Wolfe n’a pas ce luxe avec la falaise à droite, un escarpement infesté de francs-tireurs à gauche, Montcalm devant et le corps de Bougainville, environ 3 000 hommes qui menace de déboucher sur ses arrières à tout moment. Malgré sa position avantageuse et le temps qui joue en sa faveur, Montcalm craint pourtant que Wolfe puisse s’incruster si près des murs de la ville dans des tranchées improvisées sans être capable de l’en déloger. Comme ses hommes montrent des signes d’impatience pour se battre, il ordonne de charger la ligne anglaise. Les 4 800 soldats français s’élancent sur un nombre comparable d’Anglais fin prêts à recevoir le choc. Les francs-tireurs canadiens, que Montcalm a incorporés à ses régiments réguliers se jettent au sol pour recharger leurs armes, ce qui a comme effet de briser l’ordre français, déjà passablement défait par l’impétuosité de certaines unités.
Les habits rouges, en deux lignes bien disciplinées et ayant reçu l’ordre de ne tirer qu’au dernier moment, comblent les pertes dans leurs rangs, ajustent leur Brown Bess et font feu à l’unisson, « tel un coup de canon ». La décharge, doublée à la demande expresse de Wolfe, brise l’ensemble de la ligne française : la déroute est générale. L’armée française se replie dans le chaos vers la ville et vers Beauport au-delà du pont de bateaux de la rivière Saint-Charles. Les Canadiens et Indiens couvrent avec succès momentanément la fuite des réguliers et c’est à ce moment-là que Montcalm est mortellement atteint. Il parvient avec l’aide de ses officiers à rentrer dans la ville où il meurt le lendemain matin. Wolfe reçoit aussi d’un franc-tireur un coup fatal et il expire sur le champ de bataille, avec la satisfaction de voir l’ennemi en déroute. Bougainville apparaît avec son avant-garde sur le chemin Ste-Foy vers 11 heures, mais renonce à livrer bataille en constatant la situation. Le sort de Québec s’est joué à une heure…
Au total, après à peine plus d’un quart d’heure de bataille, les Britanniques comptent environ 600 tués, blessés ou manquants, et les Français entre 900 et 1 200 ; les estimations varient beaucoup. Ce qui est incontestable, c’est que cette première bataille rangée de la guerre de Sept Ans en Amérique, bien que très courte, a comme conséquence directe de faire perdre aux Français le lieu stratégique premier du continent et, dès l’année suivante, l’ensemble de la colonie. Le sort du monde, parfois, se joue à bien peu de choses…
En aparté : la controverse autour de la reddition de Québec
Événement décisif de l’histoire du monde moderne, la chute de Québec n’a pas encore fini de nous dévoiler tout le mystère qui l’enveloppe. En effet, comme le rappelait récemment un historien québécois, bien des choses demeurent encore assez inexplicables dans le chaînon d’événements et de décisions qui aboutissent à la reddition de Québec le 18 septembre 1759 (soit cinq jours après la bataille des Plaines d’Abraham). Il est important de bien avoir conscience combien cette défaite française n’était pas de nature à sceller à elle seule le sort de la capitale de la Nouvelle-France. En effet, lors de cette bataille rangée, les Britanniques ont enregistré aussi de lourdes pertes, et ne maîtrisent absolument pas le terrain. La cité demeure inviolée, et est encore solidement défendue par une importante garnison de soldats français doublée de plusieurs milliers de miliciens canadiens. Les bois qui entourent Québec sont investis par les tireurs d’élite canadiens et leurs compatriotes amérindiens, qui excellent dans la guerre de bois et les opérations de harcèlement. Le chevalier de Lévis n’est qu’à quelques heures de Québec avec 3 000 soldats, sur les arrières des Britanniques. L’hiver canadien est déjà très proche, et bientôt la flotte britannique risque d’être piégée dans le Saint-Laurent, pris par les glaces dès le mois d’octobre. Les Britanniques ne sont pas davantage en capacité de mener un siège de la ville en bonne et due forme après la bataille des Plaines qu’avant (c’est d’ailleurs pourquoi ils avaient choisi, dès leur arrivée devant Québec, de bombarder la ville depuis l’autre rive du fleuve, se sachant dans l’incapacité de l’assiéger).
Malgré leur victoire aux plaines d’Abraham, les Anglais demeurent donc dans une situation assez désespérée. Comment expliquer, alors, que la ville se rende le 18 septembre ? Cela demeure encore relativement mystérieux. Dans les jours qui suivent la bataille, les Britanniques dépêche une ambassade aux portes de la cité, chargée de transmettre aux « bourgeois » de Québec une demande de capitulation. Les Britanniques demandent ainsi officiellement à l’état-major français et aux notables de la ville de leur ouvrir leurs portes. Un conseil de guerre se tient entre officiers supérieurs français. Ces derniers, privés de leur commandant (Montcalm a succombé à ses blessures le lendemain de la bataille), sont désormais patronnés par le lieutenant du roi Jean-Baptiste Nicolas Roch de Ramezay. Celui-ci a reçu des directives très claires de Vaudreuil (le gouverneur de la Nouvelle-France) : résister et tenir la ville à tout prix en attendant les renforts qui sont en route. La ville dispose d’environ une semaine de vivres, mais a toutefois des milliers de bouches supplémentaires à nourrir (de nombreux civils s’étant en effet réfugiés à l’intérieur des murs de la ville suite à la bataille).
Entretemps, les régiments de réguliers français ont quitté la ville pour faire leur jonction avec l’armée de secours que Vaudreuil et Lévis assemble entre Québec et Montréal, déplaçant avec eux vers Trois-Rivières une grande partie de la réserve de vivres de la ville. Vaudreuil envoie toutefois des détachements de cavaliers apporter des nouvelles de l’arrivée de l’armée, et fait même dépêcher quelques vivres pour permettre à la garnison de tenir. Pendant ce temps, sur décision du conseil et sur pression des notables de la cité, Ramezay se prépare à livrer la ville aux Britanniques pour sauver sa population civile (il craint en effet qu’un assaut britannique en règle n’entraîne la mort des centaines de femmes, enfants et vieillards qui se sont réfugiés dans la cité). Il est en pourparlers avec Townshend (le second de Wolfe, qui a pris le commandement en chef suite à la mort de son général sur le champ de bataille le 13 septembre), et des allers-retours ont lieu entre la cité et le camp britannique pour négocier et valider les articles de la capitulation de Québec (dont les dispositions et demandes françaises intègrent notamment pour la garnison les honneurs de la guerre, la protection des civils et de leurs propriétés, le libre exercice de la religion catholique romaine, la liberté de commerce,…).
Le 17 septembre, alors même qu’un détachement de cavaliers français mené par le capitaine de Rochebeaucourt entre par la porte du Palais et informe de l’arrivée imminente de l’armée de secours et des ordres renouvelé de Vaudreuil de tenir la ville, Ramezay informe ce dernier qu’il est déjà trop tard. Lévis n’est alors plus qu’à quelques heures de marche de Québec, et croit, comme Vaudreuil, qu’il faut attaquer sans plus tarder pour reprendre la ville coûte que coûte (ou alors, si c’est impossible, la détruire en entier pour que l’ennemi ne puisse y passer l’hiver). L’Histoire en décidera autrement. Le matin du 18 septembre, Ramezay est dans le camp britannique pour signer avec Townshend la capitulation de Québec. Le soir-même, l’armée britannique entre dans la ville et hisse l’Union Jack au-dessus des murs de la forteresse. Lévis n’a d’autre choix que de faire demi-tour et de se replier sur Montréal. Vaudreuil, le 19 septembre 1759, lui écrira une courte lettre (dont est extrait le passage suivant) :
Comme j’avais pourvu M. de Lévis, à accourir à Québec, en toute hâte, une capitulation aussi prompte m’a très surpris et elle a fait le même effet sur toute l’armée. Vous pourrez remettre vous-même en France la Capitulation que vous avez faite au Ministre. Ce sera à lui à juger si vous avez bien ou mal fait. Quant à moi, je me réserve de lui rendre compte de tous les événements qui sont arrivés à la fin de la campagne, et vous ne serez point oublié pour tout ce que vous avez fait avant la capitulation.
Du Camp du Calvaire, ce 19 septembre 1759, Vaudreuil.
De retour en France en 1760, et blâmé par Vaudreuil auprès de Versailles, Ramezay écrira un mémoire pour sa défense. Il avait signé la perte de la pièce-maîtresse de la défense du Canada français. Une perte dont ce dernier ne se remettrait jamais, et qui devait signer la fin de la Nouvelle-France, et avec elle de la colonisation française de l’Amérique du Nord.
(source : Les Pionniers du Nouveau Monde, tome 6, p. 38 et 47)
La chute de la Nouvelle-France
La bataille des plaines d’Abraham et la réédition de Québec, si elles marquent la chute de la plus puissante place de Nouvelle-France, ne marqueront pas la fin des combats pour les Franco-Canadiens, qui gardent encore l’espoir de reconquérir la citadelle et de sanctuariser la vallée du Saint-Laurent jusqu’à l’arrivée de secours. À la suite de la capture de Québec, le lieutenant général du Canada, Rigaud de Vaudreuil et le général François-Gaston de Lévis, envoient en effet des navires vers la France afin de demander de l’aide à Versailles, avant d’ordonner la retraite vers Montréal. L’hiver leur sera confortable. Les vivres, bien que rationnées, sont de bonne qualité et quantité et la ville, n’ayant pas vécu de siège, permet d’offrir un toit chaud aux soldats.
Contrairement à l’armée franco-canadienne, les Britanniques vont quant à eux subi un hiver rigoureux à Québec. Les rations, bien qu’en quantités suffisantes, sont de piètre qualité. Le bois de chauffage se fait rapidement rare et la ville détruite à 80% n’offre pas un logis confortable aux troupes. Le froid et le manque de vitamine C en raison d’une alimentation incomplète font des ravages au sein des soldats, notamment du fait des fameux épisodes de scorbut. Ajoutons à ces problèmes une population civile provenant des environs, affligée par la destruction de la campagne, des rationnements et des réquisitions, qui se réfugient dans la ville afin de survivre à l’hiver. Autrement dit, affaiblis, démoralisés et isolés en territoire hostile, les Britanniques souffrent de leur propre campagne de terreur des mois d’été 1759 (où ils ont brûlé fermes et récoltes autour de Québec) et d’une campagne militaire particulièrement difficile.
Mais le général James Murray, qui prend en charge l’armée après le retrait de Robert Monckton vers New York et de George Townshend vers l’Angleterre, ne chôme cependant pas. Il fait bâtir sept blockhaus devant les remparts afin d’en contrôler la circulation et il renforce le front de la porte Saint-Louis et le parapet des murs. Finalement, il fait ériger une série de petits postes défensifs à Cap-Rouge, Lorette, Sainte-Foy, Sillery et Pointe-Lévy, sur les hauteurs surplombant le fleuve.
L’hiver n’est pas encore terminé que Lévis et Vaudreuil rassemblent les troupes avant de marcher vers Québec. Les navires l’Atalante, la Pomone, les Flûtes la Pie et la Marie (1758), qui ont hiverné près de Sorel, transportent les munitions de l’armée près de Québec afin de hâter la marche des troupes. L’objectif de Lévis est de prendre le contrôle des Buttes-à-Neveu, la colline la plus élevée des Plaines d’Abraham se situant à 800 mètres à l’ouest de la ville, avant que son opposant ne les fortifient après la fonte de la neige. À cette position, il pourra monter un siège efficace contre Québec. Par le fait même, il tente de surprendre son adversaire par l’hâtiveté de sa manœuvre.
Lévis et Vaudreuil quittent Montréal en début mai avec une armée totalisant environ 7200 hommes. Murray, ne disposant plus que de 4 000 hommes valides, décide comme Montcalm d’aller à la rencontre de l’ennemi, qui aura lieu aux environs du village de Sainte-Foy (aujourd’hui un quartier de la banlieue de Québec). S’engagera durant deux heures une dure bataille, où les Français parviendront à repousser les Anglais jusque dans la forteresse. Dans l’incapacité néanmoins de procéder à un siège en règle du fait des conditions climatiques (sols gelés, boueux), et lorsqu’un navire arborant les couleurs de l’Angleterre arrivera au port, Lévis, en rage, n’aura d’autres choix que de prendre le chemin du retour vers Montréal.
À quelques circonstances différentes près, Lévis aurait ainsi probablement repris Québec aux Britanniques, et un éventuel convoi français leur aurait permis de tenir la ville. Après cet échec, il revient sur Montréal, où dans les semaines qui suivent, l’armée de Murray ainsi qu’un autre corps expéditionnaire venu par le lac Ontario (l’autre voie d’accès vers la vallée du Saint-Laurent) arrivent devant la dernière cité libre du Canada. La grande ville commerçante capitule sans combat.
Cette nouvelle défaite marque, cette fois, définitivement, la conquête irréversible de la Nouvelle-France, qui devra attendre la fin de la guerre de Sept Ans pour que l’on statue sur son sort.
* * *
La bataille de Sainte-Foy a constitué le dernier battement de cœur de la France coloniale au Canada. Les trois années qui suivront cette bataille se dérouleront sous un régime militaire administré par le général Murray et ce, jusqu’à la fin de la guerre de Sept Ans en Europe. La capitulation de Montréal, si elle signera l’impossible reconquête du territoire, ne marque pas non plus la fin des affrontements en Nouvelle-France. On assistera en effet encore peu après à des combats à Terre-Neuve, avec la bataille de Signal Hill, le 15 septembre 1762 qui se soldera par une victoire britannique, ce qui entraînera la chute de la ville de Saint-Jean trois jours plus tard (dont les Français s’étaient emparés quelques semaines auparavant à l’issue d’un ultime effort naval).
Bien que déjà terminée sur le continent américain, la guerre entre la France et la Grande-Bretagne ne se termine officiellement qu’en 1763 avec la signature du traité de Paris. Un traité catastrophique pour la France. En effet, par les dispositions de ce traité, la Grande-Bretagne obtient de la France l’île Royale, l’Isle Saint-Jean, le Nord de l’Acadie, le Québec, le bassin des Grands Lacs, ainsi que tous les territoires français situés à l’est du Mississippi (soit tout le Canada français et la région des Grands Lacs et de l’Ohio). Avec également la cession de la Louisiane à l’Espagne (pour indemniser celle-ci de la perte de la Floride), le traité signe ainsi la fin de la présence française en Amérique du Nord, où Choiseul n’est parvenu à négocier que la conservation de la petite île de Saint-Pierre-et-Miquelon au large de Terre-Neuve (un lieu minuscule mais stratégique pour le maintien de la pêche française à la morue et l’entraînement des équipages de la Marine royale).
Des intellectuels français ainsi que les plus hauts responsables de l’État, Étienne de Choiseul en tête, considèrent la cession du Canada comme un évènement négligeable (du moins c’est l’avis qu’ils affichent publiquement), la simple perte de ces « quelques arpents de neige » dont Voltaire s’amuse dans Candide. Pour le gouvernement français, l’essentiel est d’avoir récupéré les îles des Antilles, riches productrices de sucre et de café dont la valeur économique est considérée comme bien supérieure à celle de la Nouvelle-France. Il n’est pas certain cependant que toute l’opinion française ait partagé « sans remords ni regret » (dixit André Zysberg) la liquidation du Canada.
Quoiqu’il en soit lors de cet affrontement final, et aussi tragique qu’en ai été l’issue, tout un peuple s’était mobilisé. Durant l’été 1759, près de 12 000 miliciens canadiens avaient répondu à l’appel du général Montcalm. Un énorme contingent pour une population de tout juste 70 000 habitants !
Soumis à de terribles efforts de guerre au cours de quatre conflits impériaux qui survinrent entre 1688 et 1760, cumulant plus de trente années de combats, les miliciens et soldats canadiens et leurs alliés autochtones, ont combattu côte à côte pour défendre ce que chacun, à sa manière, jugeait être son pays et longtemps, ensemble, ils ont fait trembler les forces de l’empire britannique en Amérique du Nord.
Marco Wingender, extrait d’une publication sur sa page facebook « Journée nationale des patriotes : un héroïsme qui remonte à loin »
C’est que, depuis la fin du XVIIe siècle, les Canadiens considèrent la vallée du Saint-Laurent comme leur terre natale. Regroupés dans des seigneuries concédées par la Couronne et dans des paroisses, ces Canadiens partageaient la même langue populaire en usage en Île-de-France et connaissaient une croissance démographique somme toute assez rapide. Régie par la Coutume de Paris, la société canadienne vivait à l’heure de l’Ancien Régime Français. Le même phénomène de « créolisation » s’était produit en Acadie et en Louisiane, à la différence que cette dernière avait pris un tournant clairement esclavagiste au début du XVIIIe siècle (ce qui n’avait pas été le cas des autres parties de la Nouvelle-France, même si des esclaves y vivaient).
Malgré cette défaite devant les Anglais, malgré les embûches et l’oubli de la France officielle (qui se prolongera jusqu’à la fameuse visite du général De Gaulle en 1967), une aventure française se poursuivra en outre en Amérique : au Québec bien sûr, mais aussi dans une Acadie reconstituée au XIXe siècle sur de nouvelles terres, dans le Nouveau-Brunswick actuel. Aux États-Unis, les descendants des Canadiens et des Acadiens déportés ne parlent peut-être plus la langue de Molière, mais bon nombre ont créé des associations et sont fiers de leurs origines françaises (une tendance qui connaît d’ailleurs un fort regain ces dernières décennies). Je laisse ce superbe mot de la fin (provisoire) à l’historien québécois Éric Bédart : « Pour tous ces francophones d’Amérique, la Nouvelle-France n’est pas seulement un lointain souvenir : plutôt une origine qui a façonné un destin. ».
* * *
Épilogue : la France a-t-elle abandonnée la Nouvelle-France ?
Dès l’instant qu’il y avait sur ce continent un million d’Anglais, contre à peu près 70 000 Français, la cause était entendue, même si la fortune des armes avait, à Québec, souri à Montcalm (1759). Bien avant Voltaire, la colonisation et surtout le peuplement n’étaient pas le souci essentiel du pouvoir. À la crainte de la dépopulation de la France, mal fondée (d’ailleurs)… s’ajoutaient les difficultés et soucis internes. Si bien que, compte tenu de l’importance respective des deux pays, il est parti d’Europe environ 30 Anglais pour 1 Français. Étrange disproportion des causes et des effets : si la langue anglaise et la culture qui l’accompagne dominent le monde aujourd’hui, c’est parce que quelques bateaux ont, tous les ans, transporté d’infimes contingents de personnes, au reste en majorité illettrées.
Alfred Sauvy, cité par fernand braudel dans sa grammaire des civilisations, p. 605
Une des questions que tout lecteur est a priori amené à se poser en cette fin d’histoire et d’article est : la France a-t-elle abandonnée sa Nouvelle-France ? Eh bien : à la fois oui, et non.
Dans ce cadre de la guerre de Sept Ans, la France n’a pas initialement abandonné la Nouvelle-France dans le conflit. Elle l’a appuyé, a envoyé des troupes dès 1755, et déployé sa marine qui put, par exemple, empêcher le siège de Louisbourg en 1757. Mais lorsque les tactiques britanniques se firent plus agressives contre la flotte française en 1758 et 1759, elle se retrouva bientôt privée des moyens de protéger sa Nouvelle-France. Mais même au sein de cette Nouvelle-France, en 1759, malgré la chute de Louisbourg et la destruction imminente de la flotte française, les Canadiens comptaient encore sur les défenses naturelles du fleuve et leurs alliances amérindiennes. Ils ne savaient pas que les Britanniques avaient déjoué leurs plans et cartographié le fleuve et la région grâce à un puissant réseau d’espionnage, ni qu’ils avaient su détourner contre toutes attentes suffisamment de nations amérindiennes de leur alliance avec le gouverneur français pour rendre possible l’invasion du Canada.
Autant de coup de massues auxquels il faut également ajouter un dernier facteur ayant puissamment pesé et qui n’était pas joué d’avance : à savoir que pour la première fois, Londres et les Treize Colonies parvinrent à unifier leurs efforts dans une stratégie offensive cohérente pour abattre la Nouvelle-France. Benjamin Franklin notamment (encore lui) favorisa cette unité des Treize Colonies, avec son influente caricature Join, or Die, restée célèbre. Même si cette unité se retournerait bientôt contre les intérêts britanniques, offrant au passage à la France une occasion de revanche dont elle ne manquera pas de saisir avec la guerre d’Indépendance américaine, la cession définitive ultérieure de la Louisiane, ultime nouvelle marque de faiblesse, confirma bientôt la fin du rêve d’une Amérique française (pour l’anecdote, ce qui donne une idée de la vision(non-naire) des acteurs-clés de l’époque, Choiseul avait convaincu Louis XV que la perte du Canada serait plus que compensée par l’acquisition de la Corse… !).
Mais cette faiblesse, ce manque de moyens et de vision, précisément, ne concernait pas seulement le Canada, mais l’empire colonial français entier ! Aux Indes, dans les comptoirs africains, aux Antilles, dans les bases de la stratégique pêche à la morue comme Louisbourg, la France perdit partout au profit de la Grande-Bretagne. En misant autant sur un déploiement massif de troupes dans l’Empire germanique pour affronter Frédéric II de Prusse et conquérir le Hanovre cher à Georges II (le roi d’Angleterre) qui en était prince-électeur, ce sont en quelque sorte ses intérêts comme puissance économique et coloniale rivale de la Grande-Bretagne que la France aura négligés. Et malgré certains éléments de reprise, voire de revanche, avant la Révolution Française, comme le rebond du commerce du sucre français et la Révolution américaine, cette défaite fut décisive et assura la domination britannique sur les mers et son rang de première puissance mondiale, qui se maintiendra tout au long du XIXe siècle.
La question de l’abandon de la Nouvelle-France se pose en revanche avant et après la guerre de Sept Ans. Avant le conflit, la colonie était vulnérable parce que le peuplement français était resté faible malgré l’immense richesse démographique de la France, comparée à ses rivales. À l’issue de la guerre, les Canadiens, les Acadiens et les Louisianais pouvaient avoir le sentiment d’avoir été abandonnés par la France. La cession de la Louisiane, non conquise mais partagée entre Espagne et Grande-Bretagne (selon l’option alors favorisée par Choiseul), peut difficilement être perçue autrement du point de vue canadien (bien que comme nous le resoulignerons plus bas, c’est plus compliqué…). Les Louisianais, d’ailleurs, se révolteront contre le gouvernement espagnol en 1768. La tentative de retour de la Louisiane à la France à l’époque de Napoléon se terminera quant à elle en queue de poisson avec sa vente aux États-Unis en 1803. Quant aux Acadiens, ils subiront, nous l’avons vu, la déportation et la dispersion…
En résumé, la première et principale raison de la perte de la Nouvelle-France – pourtant la colonie la plus aboutie du premier empire colonial français, demeure la grande disparité de peuplement entre la colonie française et ses voisines britanniques, et encore plus fondamentalement, la différence globale de vision et de politique de la France et de la Grande-Bretagne à leurs égards. Alors que le gouvernement britannique d’un William Pitt se démarque par une vision claire, globale et cohérente de l’avenir colonial et maritime de son pays (et se donne les moyens de ses ambitions en engageant une guerre TOTALE – militaire, mais aussi économique, commerciale, diplomatique, démographique, politique, culturelle, etc. – contre la France, sa Marine et ses colonies), c’est tout le contraire de la France de Louis XV, dont la richesse dépend prodigieusement d’un Empire qu’elle ne se donne pourtant pas les moyens ni même vraiment l’ambition de conserver… Une divergence de volonté et de stratégie fondamentale que souligne bien cet extrait d’un dossier dédié du Magazine Guerres & Histoire :
Le Canada perdu faute de moyens ? Certes, mais ce manque n’est que l’expression d’une fondamentale différence de politique et de volonté. Dès le début des opérations, les points de vue et les capacités britanniques et françaises obèrent lourdement les chances de succès des seconds. Les Anglais, sous la direction de William Pitt, développent une stratégie dirigée contre les colonies françaises, qui reçoit l’appui des colons américains, Washington et Franklin en tête [les futurs leaders de la guerre d’Indépendance américaine contre l’Angleterre une décennie plus tard, NDLR]. Côté français, cette unité n’est pas de mise. Le marquis de Vaudreuil, gouverneur général de la Nouvelle-France en 1755, est né à Québec et veut développer la colonie, et surtout la conserver à la France ; le marquis de Montcalm, commandant des troupes françaises depuis 1756, considère très tôt que la perte du Canada ne serait pas irréparable dans une guerre où le principal doit se jouer sur les champs de bataille européens. Dans ces conditions, la grande disparité des moyens à disposition des belligérants est pratiquement impossible à compenser. Tout d’abord, à l’époque des faits, la colonie française rassemble environ 70 000 habitants contre 1 500 000 pour les colonies britanniques. Cela se justifie par un afflux annuel limité à 56 immigrants entre 1608 et 1760 pour les premiers contre environ 1000 pour les seconds. Le nombre est donc pleinement favorable aux Anglais. Les Français cherchent à compenser en s’alliant aux populations amérindiennes qui sont elles aussi largement impliquées dans le conflit. Mais surtout, la maîtrise des mers par la Royal Navy permet aux Britanniques de recevoir plus de renforts et d’approvisionnements. Ils peuvent ainsi disposer d’environ 50 000 hommes contre environ 22 000 soutenus par des alliés amérindiens : un rapport de force tel que le Canada n’a aucune chance de rester français.
Patrick Bouhet, « La France pouvait-elle garder son “empire” américain ? », encadré thématique extrait du dossier « La guerre de Sept Ans : le Premier Conflit mondial » paru dans le n°21 du Magazine Guerres & Histoire (octobre 2014)
Certes, la domination du commerce mondial passant par le contrôle des océans, les moyens mis en œuvre par la France dans sa stratégie coloniale et maritime pendant la guerre de Sept Ans ne furent pas à la hauteur des ambitions de sa diplomatie, telles qu’elle les exprima après le congrès d’Aix-la-Chapelle [dont le traité met fin à la guerre de Succession d’Autriche en 1748, NDLR]. Mais en tout état de cause, l’idée ressassée d’un « abandon du Canada », avant le tournant de 1761, est un mythe, au vu des efforts consentis par la couronne pour défendre, conserver, puis récupérer la colonie par l’effort de guerre, et peut-être plus encore, par la négociation. La France a perdu la guerre de Sept Ans à cause de la suprématie de la Royal Navy que ses armées n’ont pas pu compenser par une victoire en Europe, à la différence de la guerre précédente de Succession d’Autriche.
François Ternat, Partager le monde – rivalité impériales franco-britanniques (1748-1756), pp. 537-538
« La France peut être heureuse sans Québec »
Le milieu de ce siècle fera époque dans l’histoire de l’esprit humain par la révolution qui semble se préparer dans les idées.
Jean Le Rond D’Alembert, l’un des fondateurs de l’Encyclopédie
Il est enfin une dernière dimension qu’il est importante de souligner dans les raisons qui présidèrent au déficit de vision, d’intérêt et de moyens affectés structurellement par la France à sa colonie du Canada : l’influence de l’idéologie des Lumières. Rappelons que ce milieu du XVIIIe siècle (et en particulier en cette période du tournant des années 1750) marque le véritable boom intellectuel et politique de la « pensée » des Lumières. Montesquieu publie l’Esprit des Lois en 1748 ; Buffon, le premier volume de l’Histoire naturelle en 1749 ; Rousseau, le Discours sur les sciences et les arts en 1750 et le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité en 1755 ; Voltaire, le Siècle de Louis XIV en 1751 et l’Essai sur les mœurs en 1756, Diderot le premier volume de l’Encyclopédie en 1751. Si certains d’entre eux possèdent quelques intérêts financiers directs dans la Compagnie des Indes ou aux Antilles (comme Voltaire, qui fut actionnaire de la première), « il est un point sur lequel ils se trouvent en accord intime et sur lequel ils ne varient pas : c’est l’inutilité et le danger des colonies » :
Nos peuples européens ne découvrirent l’Amérique que pour la dévaster et l’arroser de sang ; moyennant quoi, ils eurent du cacao, de l’indigo, du sucre, du quinquina […]. C’est pour fournir aux tables des bourgeois de Paris, de Londres et des autres grandes villes, plus d’épicerie qu’on n’en connaissait autrefois aux tables des princes ; c’est pour charger de simples citoyennes de plus de diamants que les reines n’en portaient à leur sacre ; c’est pour infecter continuellement ses narines d’une poudre dégoûtante ; pour s’abreuver, par fantaisie, de certaines liqueur inutiles, inconnues à nos pères, qu’il s’est fait un commerce immense, toujours désavantageux aux trois quarts de l’Europe ; et c’est pour soutenir ce commerce que les puissances se sont fait des guerres dans lesquelles le premier coup de canon tiré de nos climats met le feu à toutes les batteries en Amérique et au fond de l’Asie.
Voltaire dans ses Fragments sur l’Inde, cité par Pierre Gaxotte dans son Siècle de Louis XV, pp. 229-230
Si dans leur campagne anticoloniale, les philosophes observent parfois une relative exception en faveur des colonies de plantations, la plupart sont notoirement hostiles au « Canada » (qu’ils voient comme une perte de temps et d’argent), et plus globalement au concept même de colonisation de territoires outre-mer (que certains considèrent – non forcément à tort il faut bien le dire – comme une entreprise d’exploitation et d’asservissement des peuples autochtones pour le seul profit et confort de vie de l’élite européenne). Dès 1721, dans ses fameuses Lettres persanes, Montesquieu estime que « l’effet ordinaire des colonies est d’affaiblir les pays d’où on les tire, sans peupler ceux où on les envoie », et qu’il faut que « les hommes restent là où ils sont ». Encore plus radical, Rousseau réprouve la colonisation mais aussi le commerce, l’industrie et la science, soit peu ou prou « tout l’appareil de la civilisation moderne ». Du côté de D’Alembert et de Diderot, L’Encyclopédie consacre à peine douze lignes au Canada et à la Nouvelle-France (sur un ouvrage comptant pour mémoire des milliers et des milliers de pages).
Mais le plus fervent et constant critique de la colonie française d’Amérique du Nord demeure indéniablement Voltaire. Dans ses ouvrages successifs (Essai sur les mœurs, le Précis du Siècle de Louis XV, Candide, les Fragments sur l’Inde, la Correspondance), le plus influent des philosophes français multiplie les références au Canada à grand coup d’expressions méprisantes (« arpents de neige », « déserts glacés », « terrains sauvages », « terres stériles »), et en dresse surtout un portrait général guère élogieux, qui ne pouvait que ternir pour ne pas dire falsifier l’image qu’une certaine élite décisionnelle pouvait avoir de la seule province maritime française : « Le Canada coûtait beaucoup et rapportait très peu » ; « En voulant le soutenir, on a perdu cent années de peine avec tout l’argent prodigué sans retour. […] Deux ou trois marchands de Normandie, sur la légère espérance d’un petit commerce de pelleteries, équipèrent quelques vaisseaux et établirent une colonie dans le Canada, pays couvert de neiges et de glaces huit mois de l’année, habité par des barbares, des ours et des castors. » ; « Ces mauvais pays n’en sont pas moins un sujet de guerre presque continuel, soit avec les naturels, soit avec les Anglais. » ; « Les dépenses de la guerre pour conserver ces pays coûtaient plus qu’ils ne vaudront jamais […]. Peut-être un jour, s’il y a des millions d’habitants de trop en France, sera-t-il avantageux de peupler la Louisiane, mais il est plus vraisemblable qu’il faudra l’abandonner […]. Si j’osais, je vous conjurerais à genoux de débarrasser pour jamais du Canada le ministère de la France. » « Je voudrais que le Canada fût au fond de la mer glaciale » ; « La France peut être heureuse sans Québec ».
Comment Louis XV eût-il créé un grand mouvement d’émigration vers le Canada, quand les auteurs les plus célèbres proclamaient unanimement que c’était une terre sans valeur et sans avenir ? Comment eût-il suscité l’émulation et l’enthousiasme en faveur de la Nouvelle-France quand la grande masse bourgeoise avait été indisposée contre elle par une propagande perfide et tenace ? Comment même aurait-il imposé au pays les sacrifices nécessaires alors qu’il était paralysé par une mauvaise volonté presque générale ? Garder un empire colonial contre le gré des classes agissantes eût été un miracle. C’est à Paris, non à Québec et à Pondichéry, que s’est joué le sort de nos possessions lointaines.
Pierre Gaxotte, Le Siècle de Louis XV, p. 231
D’une certaine façon, avant-même l’éclatement de la guerre de Sept Ans, au sein de l’élite intellectuelle française, la messe était donc dite.
* * *
Le devenir du Canada français après la Conquête britannique
Les Canadiens se débrouillèrent – c’est le mot – dans l’isolement après 1763. La reprise des relations officielles se fit sous Napoléon III avec la visite d’un vaisseau, La Capricieuse, à Québec, dans un contexte d’entente entre le Royaume-Uni et la France. La question du rapport entre la France et les descendants de ses anciens sujets au Canada était logiquement subordonnée à ces intérêts. Entre-temps, les rébellions des Patriotes avaient eu lieu en 1837-1838, confirmant l’isolement des Canadiens, qui contrastait avec les nations d’Europe qui se soulevaient à l’époque, comme les Irlandais, les Polonais, les Italiens, etc., lesquelles pouvaient jouer sur les rivalités entre puissances européennes pour secouer le joug de leur colonisateur. Alfred de Vigny, qui séjournait alors à Londres, découvrit par hasard l’existence des Canadiens et leur écrasement en écoutant les débats du Parlement britannique évoquant les Rébellions, et se désola de l’abandon par sa patrie de centaines de milliers de « Français du Canada ».
Après un certain rapprochement dans la foulée de la Grande Guerre, la première visite officielle d’un chef de l’État français au Canada fut celle du général De Gaulle en 1967. Symbolisé par le fameux discours de ce dernier en faveur du « Québec libre », elle constitua un tournant et mit fin à l’isolement du Québec, qui développa au même moment ses relations internationales. Peuple québécois, peuple de descendants de colons français qui, à l’heure des échanges transnationaux, du voyage et du tourisme et des moyens de communication d’aujourd’hui, nous est (re)devenu plus proche qu’il ne l’a jamais été, un peu comme un lointain cousin, voire même comme un peuple-frère, malgré l’éloignement et le lien brisé :
Le Canada français représente aujourd’hui le tiers de la population du pays, soit en gros 6 millions d’êtres. Restreint (si l’on peut dire) à l’immense province de Québec, il tient en somme les abords orientaux du Canada, l’estuaire, la basse et moyenne vallée du Saint-Laurent. Encerclé, il n’en est pas moins fortement enraciné. Ces Français sont issus de 60 000 paysans de l’ouest de chez nous, éparpillés entre le Saint-Laurent et le Mississippi et abandonnés au traité de Paris, en 1763. Ils ont réussi à tenir la province de Québec, à s’y enraciner fortement. Le Canadien français est un paysan, non pas un fermier comme son compatriote de souche anglaise. Il ne s’est pas laissé tenter par l’appel de l’Ouest, il a émigré avec une relative lenteur vers les villes et s’est tardivement laissé séduire par l’appel des usines de New York ou Detroit. C’est une race vivace, simple, joyeuse. Le Canada britannique qui s’est constitué vers l’ouest a coupé les Canadiens français des vastes aventures vers le cœur du continent et les a comme encerclés : les Provinces Maritimes, les États-Unis, l’Ontario enfin entourent la province de Québec et la transforment en une sorte de territoire insulaire. Le Canada français y a consenti : il s’est agrippé à ses terres, il est resté d’une fidélité stricte à son clergé qui, au vrai, après 1763, l’a sauvé, enfin à sa langue qui est pour l’essentiel le français du XVIIIe siècle. Il se présente aujourd’hui comme une société et une civilisation fermées sur elles-mêmes, paysannes tout d’abord, conservatrices ensuite, avec un clergé vigoureux qui a défendu et maintenu la tradition, diffusé la culture de tradition classique.
La rupture avec la France, en 1763, a été ressentie comme une blessure toujours vivante, comme un abandon sans excuses. Le Canada a, par la suite, perdu le contact avec le « vieux pays », avec la France d’hier et d’aujourd’hui. Les rencontres ne sont pas toujours heureuses. Car la France a évolué, depuis le XVIIIe siècle : elle a connu la Révolution, la république, la laïcité, elle anime aussi, comme une flamme, un catholicisme social d’avant-garde, révolutionnaire à sa façon. Le Canada français, on le dit peut-être trop souvent, comprend mal ces novations, il s’en étonne et s’en détourne. Et cependant lui aussi, il évolue. Sa civilisation catholique et paysanne ne reste pas semblable à elle-même, sans plus ; elle s’ouvre au progrès nécessaire, ses universités font actuellement un effort énorme de modernisation, d’ouverture aussi sur les diverses sciences de l’homme. Et ce mouvement, à coup sûr, est animé par un esprit de résistance têtue à l’autre Canada, l’anglais, en fait à l’« américanisation ».
Fernand Braudel, Grammaire des civilisations, pp. 664-665
(source : Les Pionniers du Nouveau Monde, tome 7, p. 9)
L’héritage du métissage : des Québécois modernes d’ascendance mixte franco-autochtone ?
Débarqués en Amérique pour y rester, ces hommes et femmes — qui avaient choisi de vivre du côté du Nord et de l’hiver — ne transmettront pas intégralement leur héritage identitaire européen à leur progéniture. Plutôt, ils en feront des enfants d’Amérique.
Marco Wingender, Le Nouveau-Monde oublié – La naissance métissée des premiers Canadiens
Alors qu’un père jésuite déclarait autour de 1750 que quelques décennies de plus et la Nouvelle-France serait une Nation “complètement métisse”, la Conquête britannique va mettre un coup d’arrêt définitif à la dynamique de métissage franco-autochtone. Dès le début du XIXe siècle, les populations amérindiennes subiront de violentes discriminations, le recul de leurs droits et l’expropriation de leurs terres, avant de finir tout simplement – à l’image des États-Unis voisins – parqués dans des réserves… Devenue de facto étrangère elle aussi dans son propre pays, la population francophone du Canada ne sera pas en reste : bien que la Couronne britannique veillera initialement à garantir sa liberté culturelle, religieuse et politique, elle finira par devenir minoritaire au fur et à mesure que grossira la population canadienne d’origine anglo-saxonne (alimentée dès la fin de la guerre d’Indépendance des États-Unis par l’exil massif des Anglo-Américains des Treize Colonies demeurés fidèles à la Couronne, puis par l’immigration considérable au XIXe siècle des populations des îles Britanniques vers l’Amérique).
En conséquence de ces deux siècles de contre-évolution, il ne demeure aujourd’hui qu’assez peu de traces du métissage formidable qui caractérisa la Nouvelle-France. Jusqu’à la fin du XXe siècle, au vu de la discrimination terrible frappant les Amérindiens du Canada moderne et de la mentalité crypto-raciste qui l’accompagnait, il était assez mal vu pour les populations d’origine européenne de se reconnaître des ancêtres d’origine autochtone. Pourtant, celles-ci sont bien présentes. Des études génétiques récentes ont montré que la population québécoise d’aujourd’hui possédait en moyenne 1% d’ADN amérindien. Si le chiffre peut sembler très faible, il faut avoir en tête que celui-ci se divise par deux à chaque génération en cas d’arrêt du métissage. Si l’on remonte donc à sept ou huit générations en arrière, c’est-à-dire aux temps des dernières années de la Nouvelle-France, on aboutit ainsi à un taux de métissage franco-amérindien de près de 50%. D’autres études ont d’ailleurs estimé qu’environ 60 à 85% des Québécois d’aujourd’hui comptaient au moins un ancêtre d’origine amérindienne ! Ces résultats semblent assez logiques si l’on considère l’ampleur du métissage qui exista dans la vallée du Saint-Laurent, dont le peuplement constitue le berceau des populations du Québec moderne :
Bien que les unions entre Canadiens et Autochtones dans la vallée du Saint-Laurent aient été moins fréquentes qu’en Acadie ou dans la région des Grands Lacs, il n’en demeure pas moins que leur nombre fut suffisamment significatif pour qu’elles fassent partie intégrante de la société canadienne. Dans ces carrefours culturels que constituaient les établissements de Montréal, Trois-Rivières et Québec, des femmes et des hommes aux traits caucasiens étaient désormais, culturellement, des Autochtones et, bien que cela ait été plus rare, des habitants aux traits autochtones étaient des Canadiens. Cependant, il est aujourd’hui difficile de rendre compte avec précision de l’ampleur du métissage ethnique qui se produisit dans l’ensemble de la Nouvelle-France, car les sources sont insuffisantes. D’abord, dans les premières décennies de la colonie, on ne trouve que des mentions singulières de Métis, ce qui rend difficile, voire impossible, de remonter aux origines généalogiques et géographiques de ces personnes. Sous les encouragements de la politique coloniale, il y eut aussi de nombreuses adoptions d’enfants autochtones, mais il est aujourd’hui pratiquement impossible de détecter leurs traces dans les annales. Certes, les registres paroissiaux permettent de mesurer le nombre de mariages mixtes bénis par le clergé, mais très incomplets, ils les sous-évaluent largement en raison du fait que l’origine ethnique des Autochtones ayant des noms de famille français n’aurait pas été documentée. Par ailleurs, ces archives ne tiennent compte que des mariages chrétiens et non des autres formes d’unions célébrées en dehors du contrôle des autorités cléricales. Qu’il s’agisse de liaisons passagères ou de mariages « à la façon du pays », c’est-à-dire selon les coutumes autochtones, ces unions non répertoriées étaient fréquentes, notamment dans les communautés autochtones domiciliées, alors que des Canadiens et Canadiennes s’y établissaient avec leurs conjoints autochtones. L’analyse des registres coloniaux confronte également les historiens à une dissonance importante entre un mode d’enregistrement occidental et catholique appliqué à des sociétés animistes et souvent nomades. Par exemple, les Autochtones n’avaient pas de patronymes, ne disaient pas leur nom et celui-ci pouvait changer au cours de leur vie, tandis que les surnoms étaient nombreux.
À ce jour, nous ne connaissons pas précisément la véritable proportion autochtone dans l’arbre généalogique québécois. Néanmoins, la chercheuse en démographie historique et génétique et directrice du projet BALSAC, Hélène Vézina, et ses collaborateurs établissaient en 2012 que selon les régions, entre 60% et 85% des Canadiens français du Québec possèdent au moins un ancêtre autochtone dans leur généalogie. Parallèlement, une étude publiée en 2013 dans la revue scientifique PLOS One — réalisée à partir d’archives généalogiques et d’ADN mitochondrial (transmis de mère en fille) et menée par la bio-informaticienne de l’Hôpital Sainte-Justine Claudia Moreau — concluait que les gènes autochtones constituent environ 1 % de leur patrimoine génomique compte tenu qu’au fil des successions générationnelles, la conservation de ces segments génétiques varie d’un individu à l’autre. Contre-intuitivement, ce pourcentage se veut hautement significatif. Alors qu’un génome humain se divise en deux à chaque génération, cela indique que six à sept générations auparavant, soit à l’époque de la révolte des Patriotes (1837-1838), il peut être considéré “que tous partageaient un ancêtre des Premières Nations”. […] Sur un total de 7 000 à 8 000 pionniers français qui sont aujourd’hui à l’origine des quelque 20 millions d’individus de souche canadienne à l’échelle du continent nord-américain, ces données nous permettent de prendre toute la mesure de l’ampleur du métissage autochtone dans ce que deviendra la société québécoise et la vaste Franco-Amérique au cours des siècles suivants.
Marco Wingender, « Métissage ethnique dans la vallée du Saint-Laurent », chapitre extrait de son ouvrage Le Nouveau-Monde oublié – La naissance métissée des premiers Canadiens
L’héritage de ce métissage entre colons français et peuples amérindiens au temps de la Nouvelle-France n’est pas seulement d’ordre démographique. Il est également culturel. À l’heure où croît partout dans le monde la conscience écologique et l’aspiration collective à davantage de préservation de la Nature et d’harmonie de l’Homme avec son environnement naturel, les Québécois ne sont pas les derniers à percevoir à quel point leurs origines métisses ont infusé leurs systèmes de valeurs. Après des siècle de mépris et d’ostracisations des cultures traditionnelles de par le monde par un Occident pétri de sentiments de supériorité civilisationnelle et ne jurant que par le progrès technique et matériel, le rapport à la Nature et au Monde propre aux cultures amérindiennes (ainsi qu’à tant d’autres…) est en passe de se voir réapproprié par leurs descendants québécois – après que ces derniers aient fait de même depuis des décennies avec leurs origines et leur culture francophones :
– On ne connaît pas d’où on vient, à quel point on a été influencé puis façonné… et à quel point on a appris d’une civilisation qui a encore beaucoup à en apprendre… !
– C’était [les cultures algonquines] une société qui valorisait énormément le “je”, mais c’était la communauté qui l’emportait c’était la continuité de la communauté. Donc c’était une société qui avait une forme de santé mentale générale, qui savait faire le lien entre « je suis responsable de ce que je fais » et en même temps « j’appartiens à une communauté », ce que le monde occidental va avoir tout un problème à gérer – le moi va devenir trop important ou la communauté va écraser le monde… Effectivement, l’Occident – la France, l’Angleterre,… – aurait pu apprendre beaucoup… Nous autres [les Québécois] ça nous est resté parce qu’on a été très algonquinisés.
Je regardais ici dans les laurentides, je vois dans les villages les vielles photos des premiers colons : c’est des Indiens. Qu’est-ce qu’ils sont devenus les Indiens des laurentides ? C’était des algonquins weskarinis. Il n’y a plus un seul toponyme qui parle d’eux… Qu’est-ce qu’ils devenus ? Ils sont devenus colons, ils sont devenus des canadiens français ! Il y a des canadiens français qui ont changé leur nom, ou alors le curé… mais tu vois leurs visages, tu vois bien que c’est des Indiens ! Ils ont emmené leurs valeurs, et ça, ça nous habite aujourd’hui. Ce serait le travail de toute une génération, peut-être de deux, de retrouver ces valeurs-là.
Extrait d’un entretien avec l’historien québécois Serge Bouchard figurant dans le documentaire L’Empreinte.
De façon générale, c’est fondamentalement leur riche Histoire et leur double origine française et amérindienne que les Québécois d’aujourd’hui semblent en train de se réapproprier. Grâce aux travaux récents d’une nouvelle génération d’historiens et de chercheurs, les Québécois modernes participent en effet à mettre en lumière un événement absolument remarquable de l’Histoire moderne : à savoir que Français et Amérindiens étaient en train de constituer en Amérique une véritable nation métisse, fusion des deux cultures, de leur langue, de leurs valeurs, de leur sensibilité. Cela ne s’est pas fait du tout, comme nous l’avons largement l’occasion de le voir au cours de cette série, avec l’encouragement et la bénédiction des autorités coloniales et religieuses, mais au contraire plutôt aux dépends de leur volonté (« à l’insu de leur plein gré… »). Alors que les autorités françaises avaient en tête de christianiser et de « franciser » les autochtones d’Amérique du Nord avec lesquels ils étaient entrés en contact, au final ce sera donc plutôt l’inverse qui se sera produit : les colons français se seront « amérindianisés ». Les jeunes hommes qui arrivaient au compte goutte au Québec prenaient les bois, et ne revenaient pas – ou revenaient transformés. Les Amérindiens, et en particulier leur grande liberté physique, sociale, religieuse, spirituelle et même sexuelle, les fascinaient et les inspiraient. Dans la vallée du Saint-Laurent, Français et Algonquins cohabitaient, et les échanges culturels étaient très nombreux et intenses. Quelques décennies de plus, sans la Conquête, et le métissage aurait probablement été complet.
Il n’est, certes, pas possible de refaire l’Histoire. Mais il est permis – et même bienvenu – d’en tirer des leçons. De l’expérience de la Nouvelle-France, il semble ainsi y avoir quelques enseignements à tirer, loin des idées reçues et des expériences coloniales ultérieures. Les Québécois d’aujourd’hui étudient beaucoup leur Histoire, démarche grâce à laquelle ils sont en passe de se réconcilier avec leur trajectoire et leurs origines. Peut-être aurions-nous matière à davantage en faire de même.
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En guise de clôture (la vraie, cette fois), je me permets de vous proposer cette belle citation que n’a pas peur de déclarer l’Encyclopédie Canadienne :
La France aura donné à l’Amérique un legs inestimable : le peuple canadien-français. Ils et elles résisteront aux tentatives d’assimilation et réussiront à s’affirmer. Protégés par leur langue, leur religion et leurs institutions, et regroupés sur un territoire restreint, difficile à pénétrer, ils et elles ont développé un mode de vie, des pratiques sociales et des traditions qui leur sont propres.
Extrait de l’article sur LA « nouvelle-France » issu du site web de l’encyclopédie Canadienne
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En aparté : 1759, l’année « miraculeuse » de l’Angleterre, et le grand tournant de l’histoire moderne
Il n’est probablement pas d’année plus décisive dans l’histoire du monde moderne que l’année 1759. Plus qu’une année charnière, 1759 est une année pivot : celle où l’histoire du monde prit un grand tournant, un tournant décisif, global, irrémédiable, et qui ne connut jamais de véritable retour en arrière.
Pour la France, 1759 est l’année des désastres : désastre sur terre, d’abord, avec du côté du théâtre européen, la lourde défaite de Minden, où une armée française supérieure en nombre et a priori surqualifiée se voit infliger une sévère déculottée par la coalition anglo-prussienne ; et du côté de l’Amérique du Nord, la défaite à la portée incalculable de la prise de Québec, suite à la désastreuse bataille des Plaines d’Abraham. Bataille où un Montcalm choisit contre toute rationalité de sortir affronter l’assiégeant britannique, pour mieux perdre en 15 minutes Québec – et avec elle, le Canada français…
Désastre(s) sur terre, oui, hélas, mais pas seulement : désastres sur mer, aussi, surtout, avec les deux affrontements navals successifs de Lagos puis des Cardinaux. Plus que deux défaites à vrai dire : deux véritables catastrophes maritimes, qui voit la Marine royale peu ou prou rayée de la carte en l’espace de quelques mois par la Royal Navy. Laissant désormais ce remarquable et redoutable instrument de la maîtrise des mers, libérée de la menace d’invasion de son île-mère, totalement libre de faire tomber une à une ce qu’il reste des possessions de l’empire colonial français partout à travers le globe…
Si pour la France, 1759 est l’année des désastres (et probablement l’année la plus noire de son histoire navale), pour l’Angleterre a contrario, 1759 est « l’Annus mirabilis » : l’année miraculeuse, celle qui vient de faire d’elle la nouvelle maîtresse du monde. En l’espace d’une année et de quatre batailles décisives (deux terrestres et deux navales), l’Angleterre de William Pitt a complètement retourné la situation : du parti en difficulté qu’elle était, elle vient de mettre échec (et déjà mat) son adversaire, qui n’aura plus les moyens d’intenter quoique ce soit pour rééquilibrer la situation jusqu’à la signature du traité de Paris.
En lui offrant définitivement la totale suprématie des mers, ainsi que la domination complète des deux espaces coloniaux aussi incontournables que peuvent constituer les Indes et l’Amérique du Nord, les victoires (et les dynamiques qui les sous-tendent et les accompagnent) de cette année 1759 constituent ainsi l’acte de naissance de l’Empire britannique en devenir. Plus encore même que cela, elle constitue le moment fondateur d’un nouvel ordre mondial, marqué par l’hégémonie (coloniale, maritime, économique et culturelle) britannique – puis après elle de son fils spirituel américain. Oui : c’est durant l’année 1759 que se sont joués les événements aboutissant à ce que le monde moderne parle anglais et que les États-Unis (et les Britanniques avant eux) dominent (encore) le globe. Sans 1759, pas de perte définitive du Canada, de la Louisiane et de son empire des Indes par la France, et ce faisant pas d’hégémonie britannique subséquente en Amérique du Nord et en Asie. Et donc, mécaniquement, pas d’États-Unis d’Amérique tels que nous les connaissons. C’est aussi simple que cela.
En fait, même, c’est encore plus que cela : en perdant les Indes, un sous-continent qui représente alors le quart de la production de richesse mondiale, la France se voit fermée pour un siècle la porte de l’Asie. Permettant ce faisant aux Britanniques de fonder leur Empire des Indes, puis de coloniser bientôt l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Vraiment, il faut mesurer la profondeur de la portée géopolitique de cette situation : la possession complète d’une aussi riche région que les Indes est en effet d’une telle importance qu’elle est probablement la principale raison pour laquelle l’Anglais est devenue la langue internationale (bien avant le contrôle de l’Amérique du Nord), tout en ayant constituée l’un des grands moteurs et accélérateurs de la Révolution Industrielle qui s’était déjà engagée sur les îles Britanniques.
1759, Lagos, Minden, Québec, Quiberon : 1 date, 4 lieux qui résument à eux seuls l’année où la Grande-Bretagne est devenue la nouvelle maîtresse du monde. Une date et quatre lieux qui forment l’acte de naissance et le moment fondateur d’un nouvel Empire sur lequel, bientôt, « le soleil ne se couchera jamais ». Au grand dam de la France, qui vient de perdre violemment – et à vrai dire à jamais – sa prétention au grand jeu de la domination du monde.
Pour aller plus loin… 🔎🌎
Ce petit épisode de la série des « Il était une fois… » du blog centré sur le siège et la chute de (du) Québec durant la guerre de la Conquête, est en fait extrait de mes deux grandes séries consacrées respectivement à l’épopée de la Nouvelle-France et à la guerre de Sept Ans. Si l’histoire du Canada français et plus globalement celle des empires coloniaux et du « grand XVIIIe siècle » vous intéressent (ce fut en effet une période charnière de l’Histoire moderne), je vous oriente ainsi vers la découverte de ces deux riches séries documentaires.
La première, de l’exploration du Canada à la cession de la Louisiane par Napoléon, des premiers comptoirs de commerce à la colonie royale, des alliances amérindiennes au grand conflit final avec l’Angleterre et ses colonies américaines voisines (et au travers de multiples et superbes cartes et illustrations), vous emmènera ainsi à la découverte de l’ancienne Amérique française, à l’histoire aussi épique que riche d’enseignements !
Et la seconde (consacrée à la guerre de Sept Ans) pour découvrir en profondeur l’histoire de cet immense conflit, considéré par de nombreux historiens comme l’une si ce n’est “la” première guerre véritablement « mondiale » de l’Histoire. Un conflit qui débutera (et se propagera) en effet dans l’ensemble des empires coloniaux du monde, lui conférant ainsi une dimension planétaire et maritime inédite. Une guerre constituant en outre le plus grand choc de l’intense conflit global qui opposera tout au long du XVIIIe siècle la France et la Grande-Bretagne pour la domination (de la mondialisation) du monde ; une suite ininterrompue de conflits, de Louis XIV à Waterloo, d’ailleurs qualifié de « Seconde guerre de Cent Ans » par certains historiens. Une passionnante série d’articles en forme de grande fresque historique, qui vous portera ainsi des Grandes Découvertes à la chute du Canada et des Indes françaises, et de la fondation des grandes empires coloniaux européens outremers et de la naissance de la mondialisation maritime et de la globalisation économique à l’émergence du capitalisme, du libéralisme et plus globalement d’un nouvel ordre mondial caractérisé par l’hégémonie planétaire britannique (sur les plans maritime, colonial, économique, culturel, géopolitique, etc.). Une grande série qui vous amènera aussi à mieux comprendre tant les racines de la guerre d’Indépendance américaine que celles de la Révolution française et des guerres napoléoniennes ; autant d’événements qui structureront décisivement notre monde contemporain !
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Une carte pour partir sur les traces de la Nouvelle-France…
Pour les curieux et passionnés d’Histoire et de patrimoine et qui souhaiteraient partir à la découverte de la mémoire de trois siècles de présence française en Amérique du Nord, je vous renvoie en outre vers la riche carte que j’ai développée sur le sujet. Sur cette chouette carte en ligne, figurent en effet près d’une centaine de lieux liés aux temps de la Nouvelle-France et à l’héritage architectural et culturel laissés par les Français dans les actuels Canada et États-Unis (anciens forts, citadelles, postes de traite, musées, mémoriaux liés à la déportation des Acadiens, sites de bataille, habitations des gouverneurs de la Nouvelle-France, etc.), ainsi qu’un certain nombre de lieux en France liés aux figures de l’exploration et de la fondation de la Nation Canadienne francophone (maison, sépulture et statues de Jacques Cartier dans la région de Saint-Malo, monuments de commémoration à Samuel de Champlain à Honfleur, mémorial des Acadiens de Nantes, etc.). Autant de lieux qui vous permettront ainsi d’arpenter les traces et les mémoires de la Nouvelle-France « sur le terrain » et d’en apprendre davantage sur ces différents grands et petits lieux et personnages ayant participé à l’écriture de l’histoire de l’Amérique française, dont l’héritage est encore bien vivant aujourd’hui, tant au Québec qu’en Louisiane… !
À noter que cette carte en ligne s’inscrit plus globalement dans la carte générale du blog, que j’ai développée sur l’application française Mapstr. Une riche « bibliothèque cartographique » comptant actuellement plus de 6.000 adresses de lieux de patrimoine (naturel, architectural, culturel,…) remarquables, à découvrir partout en France et dans le monde ! Une carte que je réserve évidemment aux abonnés du site étant donné le travail monstrueux qu’elle m’a représenté (et qu’elle représente toujours car je l’enrichis continuellement !), et que je présente dans cet autre article du blog, pour celles et ceux que cela intéresse (et qui souhaiteraient donc bénéficier des adresses liées à l’histoire de la Nouvelle-France et du Canada français !).
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Et sinon, pour les intéressés et autres curieux, vous pouvez prendre connaissance de tous mes articles, séries documentaires et cartes liés à l’histoire, à la géographie et au patrimoine du Québec (en partie héritier de l’histoire de la Nouvelle-France), ainsi que plus globalement à ce que les Européens qualifièrent à la Renaissance de « Nouveau Monde », en consultant les rubriques du site spécifiquement dédiées à ces domaines (accessibles ici : catégorie « Canada | Québec » et catégorie « Nouveau Monde »).
Et si d’autres sujets et thématiques vous intéressent, n’hésitez pas également à parcourir ci-dessous le détail général des grandes catégories et rubriques du site, dans lesquels vous retrouverez ainsi l’ensemble de mes articles et cartes classés par thématique. Bonne visite donc et à bientôt !
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