Encore une magnifique carte (réalisée par un passionné) représentant l’état de l’organisation de l’Europe en 1700, c’est-à-dire au moment du déclenchement de la guerre de Succession d’Espagne.
La guerre de Succession d’Espagne est un conflit dynastique consécutif à la mort sans descendance du roi Charles II d’Espagne, de la grande maison des Habsbourg. En raison des enjeux de domination de l’Europe que porte avec elle cette guerre de succession, celle-ci dégénère rapidement en un affrontement majeur qui va opposer, de 1701 à 1713, la quasi-totalité des grandes puissances européennes de l’époque.
D’un côté : la puissante France de Louis XIV, qui souhaite placer sur le trône un de ses petits-fils, et ainsi unir dynastiquement ces deux grands royaumes et leurs florissants empires coloniaux. De l’autre, l’Autriche : l’empire de la maison des Habsbourg, qui donne au Saint-Empire romain germanique ses empereurs depuis 300 ans, et qui n’entend certainement pas laisser la France mettre la main sur ses possessions de famille (et plus globalement sur la puissante Espagne). Une position également partagée par le Portugal, l’Angleterre et les Provinces-Unies, les trois autres grandes puissances maritimes européennes, qui craignent elles aussi (à juste titre) la situation de domination sans équivoque de l’Europe dans laquelle une telle union placerait la France. Pays qui scellent rapidement une Grande Alliance à La Haye afin de contrer les ambitions du royaume de France dans cette guerre de succession.
Durant près de treize années, on se bat énormément aux Pays-Bas espagnols (riches provinces toujours à portée d’invasion rapide que la France, une fois n’est pas coutume, souhaite profiter du contexte de guerre pour conquérir et annexer..), ainsi qu’en Espagne, en Italie et en Méditerranée. Durant les premières années du conflit, la France conserve l’initiative stratégique, puis subit une série de revers, avant de reprendre finalement l’ascendant. C’est l’époque du fameux Pré Carré de Vauban, des sièges de Lille et de Maastricht, et de la prise de Gibraltar par les Anglo-Hollandais (lieu hautement stratégique, verrou de la Méditerranée, que les Britanniques conserveront à l’issue de guerre, et depuis lors).

(© Rebel Redcoat, via Wikimedia Commons)
Au début des années 1710, après une décennie de conflit et de combat sur différents théâtres, tous les protagonistes sont à bout de souffle. Le coût de la guerre pèsent sur l’ensemble des coalisés, et tous engagent des négociations de paix à leur avantage (ou du moins si possible pas trop à leur désavantage). La France est particulièrement épuisée financièrement, mais vient de prendre Barcelone et négocie ainsi dans des conditions plutôt favorables. En 1713, deux traités sont signés à Utrecht, mettant officiellement fin au conflit.
Cette guerre de succession d’Espagne a profondément marqué l’évolution du rapport des forces entre les puissances européennes. La Grande-Bretagne s’y est en effet affirmée comme l’une des puissances majeures en Europe, notamment de par sa suprématie croissante sur les mers, ainsi que par sa remarquable force financière (appuyée sur un important développement économique et efficace système fiscal). C’est d’ailleurs le moment où la puissance maritime anglaise supplante celle des Provinces-Unies (affaiblies il est vrai par des décennies d’effort militaire constant contre la France), et s’affirme comme l’une des diplomaties les plus actives du continent.
Avec ses victoires spectaculaires contre les Turcs et sa participation importante à la guerre contre Louis XIV, l’Autriche acquiert pour sa part une incontestable place de grande puissance, de même que des territoires qui augmentent fortement son rayon d’action (une montée en puissance autrichienne à nuancer néanmoins par l’apparition pour cette dernière de nouveaux rivaux continentaux – Bavière, Prusse, Saxe,… – ainsi que par la récurrence de nombreux dysfonctionnements internes).

(© Rebel Redcoat pour Wikimedia Commons)
L’Espagne, point de départ des événements, est quant à elle l’une des grands perdantes de cette guerre, qui la voit rompre définitivement un passé de deux siècles de liens familiaux avec l’Autriche, et devenir une puissance presque secondaire en Europe (mais certainement pas au niveau mondial). Quant à la France, enfin, si le dénouement du conflit la conserve comme première puissance politique, démographique et militaire du continent, cette guerre lui voit perdre toutefois sa réputation d’invincibilité sur terre, ainsi que craindre profondément pour l’avenir de ses territoires coloniaux – certes alors toujours plus importants que ceux de la Grande-Bretagne, mais clairement menacés par l’hégémonie maritime de cette dernière sur la durée. De plus, le pays sort littéralement ruinée de cette guerre, qui lui a fait vivre de dures famines (bien favorisée aussi il est vrai par cette période globale de Petit âge glaciaire).
En résumé, en douze ans de guerre, les équilibres géopolitiques du continent ressortent ainsi profondément modifiés. La France et l’Espagne sont désormais liées par un lien dynastique. La Grande-Bretagne, alliée des deux nations à la fin de la guerre, apparaît comme le nouveau danger pour la France et son empire colonial (danger que Louis XIV avait d’ailleurs bien décelé, d’où précisément sa volonté de mettre fin à deux siècles de rivalité avec les Habsbourg en liant ses intérêts à l’Espagne, afin de mieux retourner ce faisant ces efforts contre l’Angleterre).

Un grand rebattement des cartes qui suggère ainsi, assez naturellement, l’opportunité d’une grande alliance continentale franco-espagnole (désormais tous deux dirigés par des Bourbons) face aux intérêts britanniques. Une alliance que la mort de Louis XIV ne permettra certes pas immédiatement de voir le jour, mais qui finira néanmoins par advenir au tournant des années 1740, lorsque les grands essors économiques qu’auront connu entretemps parallèlement la France et la Grande-Bretagne (accompagnés d’une montée inexorable des tensions et rivalités coloniales entre ces dernières), déboucheront sur un nouveau grand choc entre les deux plus grandes puissances mondiales de l’époque avec l’Espagne (voir lien ci-dessous !).
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