Au début du XVIe siècle, les deux royaumes ibériques, l’Espagne et le Portugal peuvent être considérés comme les deux puissances écrivant la marche du monde. Placés à l’avant-garde de l’exploration mondiale européenne et de l’expansion coloniale, les deux royaumes ibériques constitueront en effet les pionniers de l’ouverture de nouvelles routes commerciales à travers les océans, de même que du développement connexe d’un florissant empire et commerce, à travers l’océan Atlantique avec les Amériques (Espagne), et à travers l’Asie-Pacifique via l’Afrique (Portugal).
Dans ce petit article extrait de ma grande série sur les origines de la guerre de Sept Ans (un conflit en forme de grand choc entre la France et l’Angleterre parfois considérée par les historiens comme la première véritable « guerre mondiale » de l’Histoire), je vous propose ainsi de revenir sur l’histoire de la grande épopée coloniale portugaise mais aussi espagnole, dont l’Empire demeura le plus vaste que le monde ait jamais connu… Bonne lecture !
Les Portugais, pionniers de l’exploration maritime
Ce sont d’abord les Portugais, qui dès le début du XVe siècle, ont exploré toujours plus loin la côte ouest de l’Afrique, s’appuyant largement sur les anciennes cartes et récits des grandes civilisations maritimes européennes qui, longtemps avant eux, avaient déjà poussé loin sous ces latitudes (notamment les Phéniciens et les Carthaginois). En cette période où l’Empire ottoman contrôle l’ensemble du Proche et Moyen-Orient (et donc les grandes routes terrestres vers l’Asie – notamment l’antique route de la Soie), les navigateurs et marchands de la vieille Europe cherchent en effet à court-circuiter la « Sublime Porte », en trouvant par la mer de nouvelles routes directes vers les Indes et la Chine, et leurs précieuses épices. D’abord par l’Est, en contournant l’Afrique, afin de venir concurrencer sur place les marchands arabes (qui opèrent depuis des siècles entre la mer Rouge et l’océan Indien). Et puis il y a la route de l’Ouest…
Cette route de l’Ouest vers les Indes, on la sait théoriquement possible – et même certaine – du fait du grand développement récent des connaissances (et instruments) géographiques et astronomiques, grâce auxquelles le caractère sphérique de la Terre en particulier est désormais bien établi. Les grands navigateurs européens de l’époque (notamment Colomb) ont également remis la main sur d’anciennes cartes et textes de l’Antiquité et des marins vikings. Vikings qui avaient déjà, près de 600 ans auparavant, explorés (et même colonisés) les côtes d’un continent nouveau situé de l’autre côté du vaste Atlantique. Cela sans même parler des pêcheurs basques, normands et bretons qui, depuis la fin du XIVe siècle, fréquentaient déjà les Grands Bancs de Terre-Neuve, et rapportaient de l’autre côté de l’océan les poissons qui y abondent (tout particulièrement la morue).
Faute d’avoir convaincu la Couronne portugaise de son projet d’exploration d’une nouvelle route vers les Indes par l’Ouest, c’est vers sa grande voisine ibérique, celle du royaume de Castille, que le génois Christophe Colomb offre ses services, et présente son ambitieux et audacieux projet d’expédition à travers l’Atlantique. Désireuse de se tailler sa part du gâteau des prometteuses richesses du « Nouveau Monde » (Mundus Novus), et soucieuse de trouver une alternative sérieuse à son concurrent portugais (qui contrôle déjà la route de l’Est), la Couronne espagnole se décide à soutenir et financer l’expédition de Colomb – qui lève l’ancre de Palos et fait voile vers l’Ouest le 3 août 1492.
Heureuse décision, qui en la personne de Christophe Colomb, permet en effet à Isabelle la Catholique et à la couronne de Castille de prendre possession en leur nom des nouvelles terres découvertes par l’explorateur italien dans les Caraïbes et en Amérique centrale ; ces bientôt fameuses et si fructueuses « Indes occidentales » qui deviendront notamment le berceau de la Nouvelle-Espagne.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la découverte ne laisse pas de marbre les autres grandes nations européennes. Rapidement, ces autres importantes puissances maritimes que sont déjà la Hollande et l’Angleterre, se lancent à leur tour dans l’exploration des mers et de nouvelles terres, finalement suivie par la France – partie bonne dernière dans l’aventure coloniale. Si le premier tour du monde est portugais (Magellan) et la première Amérique espagnole, la Hollande et l’Angleterre rattrapent vite leur retard dans la course à la conquête du Nouveau Monde : les Hollandais s’établissent dans ce que l’on appellera les Indes néerlandaises (actuelle Indonésie) et prennent le contrôle du stratégique détroit du Siam (le grand point de passage de l’Inde à la Chine), tandis que les Anglais réalisent les deuxième et troisième circumnavigations (tours du monde) de l’Histoire – bientôt suivis par les mêmes Hollandais.
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Après les Portugais, les Espagnols à la conquête du (Nouveau) Monde (XVe-XVIe siècle)
Mais encore davantage que l’Afrique et l’Asie, ce sont les Amériques qui suscitent le plus d’intérêt et de convoitise des grandes puissances maritimes européennes. En Amérique du Nord, les Anglais ont la bonne idée de s’installer sur les côtes tempérées et fertiles de l’actuelle façade Atlantique des États-Unis, et y fondent les colonies de Virginie, de Caroline et de Nouvelle-Angleterre (Massachussetts, Connecticut, etc.). Les Hollandais s’établissent quant à eux entre ces dernières, dans ce qui deviendra la Nouvelle-Amsterdam (l’actuelle région de New York – dont le futur site fut d’ailleurs exploré pour la première fois par un florentin, pour le compte de la… France !). Le reste du continent (Amériques Centrale et du Sud) se partage entre Espagnols et Portugais, selon une frontière bien connue, instituée dès le début du XVIe siècle au niveau de l’actuel Brésil par le célèbre traité de Tordesillas.
La première mondialisation […] sera conduite par des Ibériques, Espagnols et Portugais, dans les domaines aussi bien politiques qu’économiques et culturels, ce qui leur permettra d’imprimer des marques indélébiles sur de larges parties du monde. […] Les Portugais constituèrent très vite un système de points d’appui aux Açores, au Brésil à Bahia et à Rio de Janeiro, au Mozambique et aux Indes dès le début du XVIe siècle, à Goa en 1510, à Malacca, à Macao. Les Espagnols firent de même à La Havane, Vera Cruz, Acapulco, Manille. […] Lorsqu’enfin Richelieu puis Colbert tentèrent de sortir le royaume des horizons purement européens pour l’insérer dans des grands circuits économiques mondiaux, il était bien tard et les positions stratégiques et commerciales les meilleures se trouvaient occupées car deux nouvelles nations aux ambitions planétaires étaient apparues : l’Angleterre et les Pays-Bas.
Étienne Taillemite, « Les Français et la mer », synthèse de la conférence donnée aux Mardis de la mer organisés par l’institut catholique de Paris le 15 novembre 2005
Côté espagnol, les célèbres conquistadors ont renversé en seulement quelques décennies les grandes civilisations aztèque, inca et maya, leur permettant de revendiquer de vastes étendues de terres en Amérique du Nord et du Sud. Durant cette glorieuse période de son histoire, en plus de dominer les océans avec sa marine, l’Empire espagnol règne également sur le champ de bataille européen, grâce notamment à son infanterie (les fameux tercios). Un statut de première puissance européenne qui s’accompagne au XVIe et XVIIe siècles pour l’Espagne d’un véritable âge d’or culturel !
Alors que la péninsule ibérique a terminé un siècle plus tôt sa Reconquista, les richesses ramenées des Amériques (en particulier l’afflux de métaux précieux) stimulent la croissance des grandes villes espagnoles, dont les quartiers se garnissent de cathédrales monumentales et d’églises richement décorés (c’est de cette époque qu’y datent les grands monuments de l’art baroque). L’essor culturel se traduit aussi par une effervescence intellectuelle, alimentée par les nouveaux questionnements que suscitent la découverte et colonisation du Nouveau Monde. Confrontés aux nouvelles découvertes et expériences charriées par l’entreprise coloniale (ainsi qu’au lot de difficultés et de souffrances induites par la construction d’un empire), les penseurs espagnols de l’époque vont formuler certaines des premières réflexions modernes sur le droit naturel, la souveraineté, le droit international, la guerre et l’économie. Pionniers de la pensée moderne, ces derniers ont même remis en question la légitimité de l’impérialisme dans des écoles de science apparentées (une pensée dénommée collectivement l’école de Salamanque) – sujet que j’aborde dans le cadre de ma grande série sur la guerre de Sept Ans :
Alors qu’il était venu avec enthousiasme porter la bonne parole évangélique aux malheureux peuples du Nouveau Monde ignorants de Jésus-Christ, ce dimanche 21 décembre 1511, le prêtre dominicain Antonio de Montesinos monta en chaire, et s’adressa aux colons venus entendre la messe : « Au nom de quelle autorité avez-vous engagé de telles détestables guerres contre ces peuples qui vivaient dans leurs terres d’une manière douce et pacifique, où un nombre considérable d’entre eux ont été détruits par vous et sont morts d’une manière encore jamais vue tant elle est atroce ? Ne sont-ils pas des hommes ? Ne sont-ils pas des êtres humains ? ».
Aussi inattendu que virulent, le sermon de Montesinos déclencha l’ire des autorités espagnoles, et la vocation d’un colon qui y découvrit la grâce : Bartolomeo de Las Casas. Ce dernier revint en Europe dénoncer avec fureur l’inhumanité de la colonisation. Il combattit toute sa vie contre la politique coloniale. Il se faisait jour, pour ces anciens conquérants surtout conquis par l’humanité des peuples soumis, que l’humanité était une et indivisible et qu’il existait une communauté mondiale naturelle dont les membres étaient à la fois les États et les personnes. Leurs options, développées en Espagne par les théologiens de l’École de Salamanque, allaient heurter de front les intérêts des coloniaux et ceux des capitalistes européens en pleine expansion. Leurs protestations se perdirent dans le tumulte des conquêtes et le cliquetis de l’or qui déferla sur l’Ancien Monde.
Marion Sigaut, De la centralisation monarchique à la révolution bourgeoise, pp. 11-12
De 1580 à 1640, l’Empire espagnol et l’Empire portugais évoluent dans une certaine complémentarité plutôt que rivalité. On parle alors de la période de l’Union ibérique, moment où les monarques Habsbourg présents conjointement sur les trôles d’Espagne et du Portugal règnent en union (bien que leurs empires respectifs aient continué d’être administrés séparément). À partir du milieu du XVIe siècle, l’argent et l’or des mines américaines prennent une part de plus en plus importante dans le financement de la force militaire que l’Espagne des Habsbourg (alors la première puissance mondiale) engage dans la longue série de guerres européennes et nord-africaines dans lequel l’empire espagnol est impliqué.
Le lent mais constant déclin de la puissance espagnole intervient néanmoins dès le milieu du XVIIe siècle, au fil des conflits constants avec les puissances rivales (France, Portugal, Provinces-Unies, Empire ottoman, Grande-Bretagne puis Royaume-Uni et Etats-Unis d’Amérique,…). À la fois en situation de domination des Amériques et de prédominance sur le continent européen, l’Espagne voit ainsi sa puissance disputée sur deux fronts. Sur le continent, l’immense empire détenu par la Monarchie des Habsbourg (qui règnent alors sur l’Espagne, et dont nous parlerons plus en détail dans le prochain chapitre) alimente en effet de nombreuses rivalités (en particulier avec la France des Bourbons, littéralement encerclée par ce dernier). Quant aux fabuleuses richesses captées et transportées par les Espagnols dans le monde atlantique, elles suscitent sans surprise bien des convoitises, et se traduisent rapidement par un remarquable développement de la piraterie et des corsaires (en particulier dans les Caraïbes). Mais au-delà de ces actes de prédation, c’est surtout l’emprise de l’Espagne sur le « gâteau » colonial que viennent contester de façon croissante les autres puissances maritimes d’Europe, elles aussi avides de se tailler leur part du lion des richesses du Nouveau Monde.
Zoom sur : l’expulsion des Juifs dits « portugais » et le rôle de la diaspora judéo-marrane dans l’essor des puissances marchandes d’Europe du Nord
L’événement est assez méconnu, alors qu’il aura pourtant des conséquences extrêmement importantes pour l’Histoire de l’Europe et du Monde modernes. En 1492, la même année que la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb, les Rois catholiques d’Espagne (qui viennent d’achever la Reconquista de la péninsule), décident en effet d’expulser du pays les Juifs (mais aussi les Musulmans) qui refusent toujours de se convertir au catholicisme. Nombre d’entre eux se réfugieront au Portugal, mais en 1497, c’est également au tour de ce pays de les chasser de son sol, peu ou prou pour les mêmes raisons (et sous la pression de son grand voisin espagnol – alors la première puissance du continent !).
Si l’événement demeure assez méconnu du grand public, il va avoir un impact considérable sur le destin des nations européennes. En effet, en quelques décennies, on estime que ce serait près de 100 000 Juifs et « crypto-Juifs » (des Juifs ibériques qui s’étaient convertis au catholicisme sous la contrainte et pression institutionnelles mais qui continuaient à pratiquer leur judaïsme en secret et que l’on nommera historiquement les conversos ou les marranes) qui auraient alors quitté la péninsule ibérique, entraînant une diaspora massive qui va à long terme redessiner le visage de l’Europe. Si de nombreux Juifs d’Espagne et du Portugal (dont la descendance forme l’actuelle communauté séfarade) migrent dans les pourtours du bassin méditerranéen, des milliers d’entre eux gagnent également l’Europe du Nord et en particulier la région des Pays-Bas, qui garantissent alors une liberté et une tolérance religieuses relativement uniques en Europe. Apportant avec eux leurs ressources financières et leurs réseaux (nombre d’entre eux sont des marchands et des artisans ou dans l’activité de banque qui leur était alors réservé), cette communauté juive va contribuer fondamentalement à l’essor économique et commercial que vont connaître notamment les jeunes Provinces-Unies (actuelle Hollande) au tournant du XVIIe siècle, transformant ce petit pays d’Europe du Nord en la première puissance marchande et navale du monde !
Nombre de ces exilés ne sont plus des Juifs à proprement parler (au sens de pratiquant du judaïsme), car dès le XIVe siècle, dans le contexte des persécutions et des pogroms, des milliers de familles judéo-espagnoles se sont converties – au moins en apparence – au catholicisme pour obtenir la tranquillité civile. La situation des Juifs espagnols empire au XVe siècle car à partir de cette époque de fin historique de la Reconquista, les souverains catholiques décident d’appliquer une politique plus répressive à l’égard de ces communautés et entament alors des campagnes de conversions forcées. Cette répression s’alourdit encore avec le développement de l’Inquisition puis culmine avec le décret de l’Alhambra, le 31 mars 1492, qui donne purement et simplement aux Juifs le choix entre la conversion et l’exil (les conditions de l’exil étaient à ce titre telles qu’elles les obligeaient, dans les faits, à abandonner presque tous leurs biens sur place, au profit de l’Inquisition espagnole et des autorités royales…).
Il existait déjà des marranes auparavant : des Juifs qui s’étaient convertis au catholicisme mais qui continuaient néanmoins à pratiquer leur religion en secret (et qui furent d’ailleurs la cible principale de l’Inquisition). Mais à partir du décret de l’Alhambra de 1492 – une date véritablement clé de l’Histoire moderne –, tous les Juifs qui ne peuvent partir sans pour autant abandonner leur religion se voient contraints dans les faits de devenir marranes ou crypto-juifs, c’est-à-dire « officiellement » catholiques mais judaïsants en secret (certains Juifs vont toutefois se convertir volontairement afin de poursuivre leur carrière ou de maintenir leur position sociale).
Faute de pouvoir exercer librement leur culte (qui dans la religion judaïque, bien davantage que dans le catholicisme, structure très sensiblement l’ensemble des aspects de la vie quotidienne), la « judaïté » de ces communautés s’est en quelque sorte diluée et dissipée avec le temps, de génération en génération, aboutissant à des profils assez singuliers d’individus traversés par plusieurs cultures confessionnelles mais gardant dans leur patrimoine familial un “héritage judaïque”. Lorsque l’Espagne décide en 1492 l’expulsion intégrale des Juifs non-convertis de son territoire (les convertis étaient désignés sous le terme de conversos ou de nouveaux chrétiens), nombre d’entre eux vont trouver refuge dans le Portugal voisin, au point qu’ils constitueront jusqu’à 10% de la population portugaise à la fin du XVe siècle. Lorsque les souverains portugais seront contraints d’aligner leur politique sur celle de leur puissant voisin (alors la première puissance du continent) et procéder à leur tour à l’expulsion intégrale des Juifs non-convertis de leur territoire, une partie d’entre eux (généralement les plus aisés) quittera la péninsule pour des terres plus accueillantes, le reste – la grande majorité – se convertissant de bonne foi ou seulement en apparence (nombreux se convertiront sous la contrainte mais avec le temps adopteront sincèrement ou pragmatiquement le catholicisme).
Du Portugal aux Pays-Bas
En conséquence de ce grand processus méta-historique, l’Europe du début de l’ère moderne va être l’objet d’un flux régulier de marranes fuyant la Péninsule vers le reste du continent. Tout au long du XVIe et du XVIIe siècle, ce sont ainsi des milliers et des milliers de Juifs et de crypto-juifs d’Espagne et du Portugal qui vont émigrer vers l’Ancien et le Nouveau Monde, formant une vaste diaspora qui préfigure celle que les protestants français (huguenots) formeront à leur tour quelques décennies plus tard. Au sein du Vieux Continent, les cités prospères d’Europe du Nord compteront parmi leurs destinations privilégiées. Ce sera d’abord Anvers, alors la première place marchande du Vieux Continent, qui sera ensuite supplantée à la fin du XVIe siècle par Amsterdam, nouvelle capitale du grand commerce maritime et des réseaux financiers internationaux :
Nombre de ceux qui bénéficièrent du Pardon Général de 1605 au Portugal partirent à la première occasion vers cette nouvelle terre d’accueil [les Provinces-Unies]. Après 1630, les rigueurs de la persécution amplifièrent la vague d’immigration. Ceux qui vivaient comme crypto-juifs dans le port d’Anvers, dorénavant voué à la décadence, partirent pour le port rival et, jetant bas les masques, grossirent les rangs de la communauté juive. En 1617, un informateur dénonçait à l’Inquisition de Lisbonne une centaine de chefs de famille marranes, installés à Amsterdam. Vers le milieu du siècle, la communauté comprenait plus de quatre cents familles, et ce chiffre passe à quatre mille âmes vers la fin du siècle.
Le groupe contrôlait une grande partie du commerce maritime avec la Péninsule [ibérique], les Indes orientales et occidentales [Antilles et Amériques]. Ils avaient créé des industries importantes et investi de nombreux capitaux. Plus tard, ils contrôlèrent 25 % des parts de la célèbre compagnie [néerlandaise] des Indes orientales. […] La part de leur contribution à l’essor de la ville est difficile à évaluer. Mais il est un fait que la grande période de la prospérité hollandaise coïncide avec celle de l’immigration et de l’activité marranes. Dans l’entrelacs de communautés marranes, la primauté ainsi que la suprématie commerciale s’étaient sans conteste transférées de la ville des lagunes [Venise] à celle des canaux. Le courant d’immigration comprenait des échantillons de toutes les classes et fonctions sociales : savants, professeurs, prêtres, moines, médecins, artisans, marchands, soldats, poètes, hommes d’État. […] Plus tard, les « ashkénazes » [Juifs originaires d’Europe de l’Est – Allemagne, Pologne, etc.] finirent par dépasser en nombre les « sépharades », descendants des pionniers marranes, mais ces derniers conservèrent pendant un temps leur supériorité économique et sociale. […] Jusqu’à la seconde moitié du XVIIIe siècle, la ville demeura l’un des principaux pôles d’attraction des réfugiés marranes et un îlot de culture ibérique en plein Nord germanique.
Cecil Roth, Histoire des Marranes (chapitre 9 : la Jérusalem hollandaise), pp. 193-198
Londres, nouvel eldorado des Juifs portugais après Amsterdam
D’abord destination secondaire, l’Angleterre va au cours du XVIIe siècle peu à peu s’imposer à son tour, en lieu et place d’Amsterdam, comme le nouvel eldorado de la communauté marrane d’Europe du Nord, de par le rôle croissant que prend l’île dans la mondialisation économique et maritime, mais aussi du fait d’un changement de politique à leur égard des dirigeants britanniques (en particulier d’Oliver Cromwell, qui mesure l’intérêt stratégique de l’accueil de cette élite économique et culturelle pour son pays alors en pleine mutation). Durant des décennies, cette immigration va cependant se faire au compte-goutte, famille par famille, presque individu par individu, et c’est à l’échelle d’un siècle et demi, à l’aune des bénéfices croissants que tirent l’État anglais de ces étrangers “hérétiques” mais riches en qualifications et en capitaux, que ce dernier va progressivement assouplir ces conditions d’accueil.
Si les Juifs et crypto-juifs marranes (surtout quand il s’agissait de riches banquiers et marchands) se voyaient ainsi de fait tolérés en Angleterre depuis le milieu du XVIe siècle, c’est véritablement le mandat de Cromwell qui marque le tournant dans l’évolution des relations anglo-juives et dans le partenariat d’ordre méta-historique qui se forge entre l’État britannique d’une part et l’élite judéo-marrane d’autre part – cette dernière commençant à cette même époque à faire de la City de Londres sa plateforme internationale privilégiée. Le déplacement des têtes de réseaux (en particulier judéo-marranes) d’Amsterdam à Londres puis leur enracinement permettront ainsi à la cité de s’affirmer dès la fin du XVIIe siècle comme le nouveau centre du commerce et de la finance internationale (et dans les faits, elle gardera ce statut hégémonique jusqu’à l’émergence de la place de Wall Street au XXe siècle !).
Zoom sur : une Europe sous perfusion des métaux précieux des Amériques
Un historien de l’économie hollandais rappelait cette vérité peu appréhendée : durant toute l’époque moderne, tous les revenus financiers dégagés par les Européens n’ont peut-être eu pas d’autre but que celui-ci : « s’offrir le ticket d’entrée au marché asiatique ». L’Europe, d’Alexandre le Grand aux compagnies des Indes, a en effet toujours été fasciné par les richesses de l’Asie, qui constitua jusqu’au XVIIIe siècle la première économie du monde (la région où la production mondiale de richesses était la plus importante en proportion). D’une certaine façon, la stratégie européenne du XVe siècle au XVIIe siècle n’a ainsi consisté qu’à chercher à accéder à cette « part du gâteau », et de ramener ce dernier en Europe.
En 1453, la chute de Constantinople (et avec elle de l’Empire byzantin) fait définitivement tomber la Méditerranée orientale sous le contrôle des Ottomans, verrouillant ce faisant la route orientale de l’Asie. Grande consommatrice d’épices depuis le Moyen-Âge, l’Europe n’a alors d’autre choix que de chercher à s’ouvrir de nouvelles routes vers les « Indes » par les mers, en contournant l’Afrique sous domination ottomane et en tentant la route de l’Ouest. Dès la fin du XVe siècle, les navigateurs portugais parviennent à atteindre les côtes du sous-continent indien et y fondent les premiers comptoirs européens, à mêmes d’y acheter et acheminer directement les précieuses épices en court-circuitant les marchands arabes de l’océan Indien. Problème : en échange de leurs épices, les marchands indiens (de même que les chinois en échange de leur soie et porcelaines) ne sont intéressés que par les métaux précieux. Les Indiens, notamment, ne souhaitent vendre leurs productions qu’en échange de lingots d’argent. Les Européens vont donc avoir besoin de tonnes d’argent (le métal) pour pouvoir s’acheter leur précieuses épices en Asie.
Cette réalité donne peut-être un tout autre sens à l’exploitation minière des Amériques. De façon générale, à partir du début du XVIe siècle, les Européens se mettent massivement en quête de métaux précieux. Toutes les mines d’argent d’Europe sont exploitées à plein régime, et l’importance vitale du métal pour le commerce avec l’Asie favorise l’essor de petites mines qui n’étaient guère rentables jusque ici (comme celles du Val d’Argent dans les Vosges par exemple). À cette époque, la plus importante mine d’argent du continent européen est celle de Schwaz, en Autriche, où travaillent jusqu’à 11 000 ouvriers et d’où sera sorti à un moment près de 85% de l’argent mondial. La plaque tournante du commerce de métaux précieux, support de celui des épices, devient la ville d’Anvers, que les Portugais ont érigée comme principal port de revente des épices qu’ils ramènent désormais en masse d’Asie (choix qui s’explique par le fait que l’Europe nordique et centrale constitue, à cette époque, le principal débouché de ce commerce, comme l’ont montré les travaux de l’historien Fernand Braudel).
À partir des années 1550 toutefois, la saturation du marché mondial causé par la production des mines espagnoles d’Amérique entraîne le déclin de la plupart des grandes mines d’argent d’Europe. Lors de leur conquête du continent sud-américain, les Espagnols se sont en effet emparés des trésors des Empires inca et aztèque, mais surtout de leurs mines, en particulier celle du Potosi, dans l’actuelle Bolivie. Désormais exploitée à grande échelle, la montée en puissance de cette dernière est spectaculaire. Entre 1560 et 1580, les mines du Potosi produisent près de 240 tonnes d’argent en moyenne par an, inondant le marché européen. Le métal alimente les caisses de la Couronne espagnole et est utilisée comme monnaie d’échange par ces derniers en Asie, dans une sorte de commerce triangulaire qui voient les Espagnols acheter soies et porcelaine de Chine contre l’argent des Amériques, puis revendre les premières en Europe. L’argent des Amériques alimente plus globalement l’ensemble de l’économie européenne, et est utilisé par les différentes puissances maritimes (Portugais puis Hollandais en particulier) pour l’achat des épices aux Indes.
Les flux de métaux précieux entre l’Amérique et l’Europe d’une part et l’Amérique et l’Asie d’autre part vont favoriser l’essor de la piraterie et des corsaires dans toutes les mers, où les convois de métaux espagnols constitueront longtemps les cibles privilégiées. Vers la fin du XVIIe siècle cependant, la grande mine espagnole du Potosi enregistre un sérieux déclin, difficilement compensé par la montée en puissance d’autres sites tant l’énorme production de la mine bolivienne avait éclipsé et découragé l’exploitation d’autres sites miniers. L’autre grande exploitation minière du continent, celle du Mexique, enregistre également une stagnation puis baisse de sa production à la même époque. Cette rareté des métaux précieux stimulent l’activité corsaire, dont celle des fameux corsaires malouins, qui pillent allègrement les villes côtières espagnoles. La tendance croissante des guerres européennes à s’étendre et se répercuter dans le monde colonial concoure également à perturber le précieux commerce. Les nombreux conflits militaires de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle entre grandes nations européennes, en particulier ceux de la Ligue d’Augsbourg puis la guerre de Succession d’Espagne, vont ainsi beaucoup désorganiser les circuits commerciaux.
De façon générale, la baisse de la production du Potosi bolivien (qui fournissait alors la plus grande partie de l’argent utilisé dans le monde, et notamment recyclé par les compagnies de commerce hollandaises à travers leurs comptoirs en Asie) provoque à la fin du XVIIe siècle un véritable effondrement monétaire, qui impacte lourdement le commerce (et ce faisant l’économie) européenne :
Les marchands européens, pour poursuivre leur profitable commerce d’Asie, sont eux-mêmes à la merci des arrivées à Cadix de l’argent américain, toujours irrégulières, parfois insuffisantes. L’obligation de trouver à tout prix les espèces nécessaires au commerce asiatique ne peut être ressentie que comme une servitude. De 1680 à 1720 en particulier, le métal se fait relativement rare, son prix sur le marché dépasse le prix offert par les hôtels de monnaies. Le résultat, c’est une dévaluation, de fait, des monnaies décisives, le florin et le sterling, et une dégradation pour la hollande ou l’Angleterre des terms of trade avec l’Asie.
Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, p. 617.
L’effondrement de l’arrivée d’argent américain et la « famine monétaire » que cette pénurie entraîne participeront considérablement du déclin de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, qui avait construit tout son modèle économique sur l’échange argent-épices (et le transport de ces dernières vers l’Europe), et dont l’essor avait façonné le XVIIe siècle maritime. C’est à cette époque et en réponse à ce frein au commerce asiatique que la production des indiennes de coton va commencer à se développer en Europe. À défaut de pouvoir continuer d’acheter aux Indiens leurs épices et produits cotonniers (l’Inde est alors le premier production mondial de coton), les Européens vont en effet commencer à développer leur propre industrie cotonnière, copiée sur les produits indiens et y mêlant des techniques d’impression locales. Cette nouvelle industrie européenne est favorisée par les établissements coloniaux français et anglais d’Amérique du Nord et des Antilles, où les plantations de coton se développent considérablement (en particulier dans les colonies britanniques de la Caroline et de la Virginie, ainsi que sur la grande île française de Saint-Domingue).
La pénurie monétaire que venait de connaître l’Europe au tournant du XVIIIe siècle prendra finalement fin à partir des années 1720, lorsque la région du Minas Gerais brésilien bouleverse l’histoire des mines d’or en produisant neuf tonnes par an en moyenne (soit trois fois plus que lors des vingt années précédentes), grâce aux machines mises au point par le britannique Thomas Newcomen, qui permettent de percer des mines plus profondes car mieux asséchées. Mais ces nouvelles machines – qui témoignent de la révolution technique qui est alors en train de se produire en Grande-Bretagne (notamment grâce au développement de l’industrie du coton !) – vont surtout permettre à l’Europe d’engager sa Première Révolution industrielle. Et, ce faisant, de réaliser une révolution économique comme le monde n’en avait jamais connu, et qui amènera le Vieux Continent à finalement remplacer définitivement l’Asie comme première zone mondiale de production de richesses – au moins jusqu’au XXe siècle…
Le lent mais constant déclin de l’Empire espagnol…
Ces frictions dans l’Ancien comme dans le Nouveau Monde vont provoquer une multitude de conflits territoriaux, commerciaux et religieux, qui vont user et grignoter inexorablement la puissance espagnole. En Méditerranée notamment, l’Espagne se voit ainsi engagée dans une guerre quasi-constante avec l’Empire ottoman. Sur le continent européen, c’est la France qui constitue la principale rivale et qui lui dispute sa situation d’hégémonie, que le royaume des Bourbons parvient à lui ravir vers le milieu du XVIIe siècle (la période du fameux « Grand siècle » de la France), avant de carrément parvenir à placer sa propre lignée royale sur le trône d’Espagne (nous y reviendrons un peu plus bas).
Quant à l’outremer, l’Espagne y sera d’abord concurrencée longtemps par son voisin portugais, puis par les deux grandes puissances maritimes émergentes du XVIIe siècle que constitueront les Anglais et les Néerlandais (qui s’emploieront à s’implanter dans les Antilles au détriment des possessions espagnoles). Ayant mis le pied sur le continent américain avec sa colonie du Canada, la France viendra également s’ajouter à la liste des prétendants au gâteau colonial espagnol, en s’établissant elle aussi durablement dans les Antilles. Ces grandes entreprises coloniales concurrentes, combinée aux nombreux autres facteurs comme la course et la piraterie (parrainées par les Anglais, les Français et les Néerlandais), la surextension des engagements militaires espagnols sur ses territoires, l’augmentation de la corruption gouvernementale, ainsi qu’encore la stagnation économique causée par les dépenses militaires, contribueront tous structurellement à l’affaiblissement de l’empire espagnol (un Empire qui, malgré son affaiblissement, durera néanmoins jusqu’au début du XIXe siècle !).
Après un XVIIe siècle de grignotage, le grand coup de grâce porté à l’Empire espagnol, mais surtout à l’Espagne en tant que grande puissance continentale européenne, sera la signature des deux traités d’Utrecht (1713), qui mettent fin à la grande guerre de Succession d’Espagne (un long conflit dynastique qui a vu s’affronter toute l’Europe, et Louis XIV essayer – et réussir – à placer un Bourbon sur le trône d’Espagne !). Guère connus et enseignés aujourd’hui, cette guerre et les traités qui la clôturent sont absolument centraux dans l’histoire de l’Europe moderne. En effet, le traité d’Utrecht a pour conséquence énorme (parmi bien d’autres) de dépouiller l’Espagne de ses territoires restants en Italie et aux Pays-Bas, reléguant l’Empire espagnol à une puissance de second ordre dans la politique d’Europe continentale (au même titre d’ailleurs que le Portugal et les Provinces-Unies). Par la paix de 1713, ce sont désormais la France et la Grande-Bretagne d’un côté, et l’Autriche et la Russie de l’autre (avant l’arrivée imminente de la Prusse sur le théâtre d’Europe centrale) qui sont consacrées comme les principales grandes puissances du continent.
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La Nouvelle-Espagne : le plus vaste empire terrestre de l’Histoire ?
La défaite géopolitique enregistrée par l’Espagne durant sa guerre de succession n’empêchera pas toutefois le pays de maintenir et d’agrandir son vaste empire d’outremer durant encore plus d’un siècle, jusqu’au début du XIXe siècle. Moment où l’impact de la guerre d’Indépendance américaine (et la création subséquente des États-Unis d’Amérique) à peine digéré, le choc de la guerre dans la péninsule déclenchera des déclarations d’indépendance en série sur tout le continent sud-américain (Quito (1809), Venezuela, Paraguay (1811),…). Des révolutions successives débouchant sur des indépendances qui diviseront puis signeront la perte définitive des territoires contrôlés par les Espagnols aux Amériques. Mais c’est une autre histoire… 😉
(© Nagihuin, via Wikimedia Commons)
Pour aller plus loin… 🔎🌎
Ce petit épisode de la série des « Il était une fois… » du blog centré sur l’histoire de l’Empire colonial portugais est en fait extrait du chapitre II de ma grande série consacrée aux origines de la guerre de Sept Ans (1756-1763). Si le sujet des empires coloniaux et du « grand XVIIIe siècle » vous intéressent (ce fut en effet une période hautement charnière de l’histoire moderne), je vous oriente ainsi vers la découverte de cette riche série documentaire traitant de cet immense conflit, considéré par de nombreux historiens comme l’une si ce n’est “la” première guerre véritablement « mondiale » de l’Histoire. Un conflit qui débutera (et se propagera) en effet dans l’ensemble des empires coloniaux du monde, lui conférant ainsi une dimension planétaire et maritime inédite.
Une guerre constituant en outre le plus grand choc de l’intense conflit global qui opposera tout au long du XVIIIe siècle la France et la Grande-Bretagne pour la domination (de la mondialisation) du monde ; une suite ininterrompue de conflits, de Louis XIV à Waterloo, d’ailleurs qualifié de « Seconde guerre de Cent Ans » par certains historiens. Une passionnante série d’articles en forme de grande fresque historique, qui vous portera ainsi des Grandes Découvertes à la chute du Canada et des Indes françaises, et de la fondation des grandes empires coloniaux européens outremers et de la naissance de la mondialisation maritime à l’émergence d’un nouvel ordre mondial caractérisé par l’hégémonie planétaire britannique (sur les plans maritime, colonial, économique,…). Une grande série qui vous amènera aussi à mieux comprendre tant les racines de la guerre d’Indépendance américaine que celles de la Révolution française et des guerres napoléoniennes ; autant d’événements qui structureront décisivement notre monde contemporain !
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Et sinon, pour les intéressés et autres curieux, vous pouvez prendre connaissance de tous mes articles, (photo)reportages, récits de voyage, documentations et cartes liés plus globalement à l’histoire, à la géographie ainsi qu’au patrimoine de l’Espagne (et plus globalement du « Nouveau Monde »), en consultant les rubriques du site spécifiquement dédiées à ces domaines (accessibles ici : catégorie « Espagne » et catégorie « Nouveau Monde »).
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